▪ Qu’est-ce que le marché, nous demandions-nous vendredi — et vaut-il encore la peine d’être commenté… voire de s’y positionner ?
Voici un exemple concret pour illustrer notre propos : que se passera-t-il si l’action Google atteint 1 300 $ — un gain de près de 100% — d’ici la fin de l’année ? Et que se passera-t-il si le marché entier fait de même, engrangeant d’énormes bénéfices au cours des prochains mois ?
Sans contexte spécifique, ceci pourrait sembler être une bonne chose et les journaux pourraient titrer :
Avec le rally de Google le marché atteint un plus haut record ! Le Dow double et Wall Street salue Bernanke, ce héros !
Mais que se passerait-il si, au cours de cette même période, la valeur de l’argent se déprécie à un point tel qu’il en coûte 100 $ pour acheter une baguette de pain chez le boulanger ? L’action Google vaudra alors une douzaine de baguettes. Le gros titre imaginé ci-dessus serait alors dénué de sens et, pour être plus précis, carrément trompeur. Les choses qui sont valorisées sont au moins aussi importantes que le chiffre qui les précède. Un million de dollars l’once d’or ne signifie rien si on parle en dollars zimbabwéens… dans la mesure où l’on précise que le dollar zimbabwéen ne vaut quasiment rien.
« Le marché », en tout état de cause et du fait qu’il se rapporte à la majorité des gens, traitera sans doute moins du Wall Street-casino, c’est-à-dire le Wall Street composé des rachats par effet de levier, des transactions d’initiés, du trading de haute fréquence, des combines à base d’automates. Non, le « marché » désignera plus vraisemblablement le marché local… le marché des biens et des services que les gens achètent, vendent et négocient tous les jours.
▪ Les atouts du marché noir
Croyez-le ou non, il existe des marchés — plutôt prospères — qui vivent totalement en dehors du spectre relativement étroit de l’activité qui se déploie sur le bandeau défilant en bas de l’écran de CNBC. Les journalistes insipides qui animent ces émissions ne parlent pas de ces marchés parce qu’ils ne sont pas censés exister. Nous parlons ici de que l’Etat appelle avec grandiloquence le Marché noir.
Il ne faut pas dédaigner ce secteur non régulé de l’économie et le considérer comme un bastion des ventes d’armes et du trafic de stupéfiants. Il faut tenir compte du fait que, comme nous l’avons déjà évoqué dans nos précédents articles, il s’agit d’une économie qui emploiera grosso modo les deux tiers de la population active mondiale d’ici 2020. (Il faut également tenir compte du fait que les entreprises de trafic d’armes et de stupéfiants ne sont rendues rentables/possibles que par un Etat qui les déclare illégales ou, plutôt, qui monopolise ces marchés pour son propre malheur.)
A la place, le « système D » comme Robert Neuwirth, auteur de Stealth of Nations, décrit cette communauté d’entrepreneurs libres et non réglementés…
« … est un terme argotique tiré de la langue française parlée en Afrique et au Caraïbes. Les Français ont un mot auquel ils ont souvent recours pour décrire des gens particulièrement efficaces et motivés. Ils les qualifient de débrouillards. Un homme débrouillard est un homme plein de ressources et astucieux. Les anciennes colonies françaises ont adapté ce mot à leur propre réalité sociale et économique : les marchands inventifs, dynamiques et audacieux qui font des affaires dans leur coin, sans le déclarer auprès de la bureaucratie ni être réglementés — et, pour la plupart, sans payer d’impôts — font partie de ‘l’économie de la débrouillardise‘ ou ‘système D‘. » Ce terme traduit essentiellement une économie de l’ingéniosité, de l’improvisation et de l’autonomie, du fait maison.
Aujourd’hui, on estime que le système D représente environ 10 000 milliards de dollars. C’est le deuxième plus grand marché au monde. Ses entreprises n’apparaissent sur aucune Bourse et ne sont par conséquent surveillées par aucun indice boursier… ni aucun chien de garde et/ou organisme incompétent — comme par exemple la SEC. Ses travailleurs ne sont soumis à aucun droit du travail oppressif et sont libres de s’engager avec qui ils veulent, à un prix fixé par les deux parties d’un commun accord. Ce marché est dynamique, aucune bureaucratie tracassière ne l’entrave. Il est ainsi capable de s’adapter en temps réel aux diverses demandes d’un environnement global qui évolue de plus en plus et de plus en plus vite. Il n’a besoin de l’autorisation d’aucun responsable politique et, comme on peut s’y attendre, il s’agit de l’économie mondiale qui croît le plus vite au monde.
Un récent article publié par Forbes.com synthétise deux aspects de ce marché que j’ai déjà évoqués : le système D en tant que marché, et Bitcoin, la monnaie basée sur un système cyber-cryptographique et adoptée par certains en réponse à la tyrannie des banques centrales, en tant que monnaie viable pour établir et faciliter des transactions dans ce marché. Ces deux sujets sont relativement récents ; Bitcoin a à peine trois ans et, même si le système D existe depuis que les hommes ont pour la première fois passé un contrat et échangé des biens et des idées — ou plutôt depuis que ceux qui demandent à pouvoir le faire ont commencé à essayer de réglementer et de taxer — l’ouvrage de Neuwirth, publié l’année dernière, est le premier véritable effort réel pour le quantifier.
Il faut attendre plus de ces marchés qui sont extrêmement adaptables et qui se développent rapidement, tandis que les Etats du monde entier, grevés par la dette, luttent pour survivre et maintenir leurs principaux indices, et que les marchés suffoquent de plus en plus sous leurs lourdes réglementations.
La réponse à la question « qu’est-ce que le marché ? » est simple : le marché, c’est les gens. Et les gens commencent à se rendre compte qu’ils n’ont pas besoin que des législateurs et des banquiers centraux cupides leur imposent des réglementations arbitraires pour faire des transactions et interagir paisiblement les uns avec les autres.
Au contraire, ils se rendent compte du pouvoir des marchés libres et ouverts. Et ils rejoignent un mouvement qui grossit un peu plus chaque jour.