** Après la séance particulièrement chaotique de mercredi — qui, comme nous l’avons écrit hier, avait provoqué la chute d’une bonne quantité de bois mort –, la volatilité s’est nettement réduite hier à Wall Street. Cette situation a largement profité aux partisans d’une poursuite du rebond des valeurs américaines, les opérateurs étant de plus en plus en plus nombreux à adhérer au concept du plan de reprise des actifs dévalués présenté en détail hier par Timothy Geithner devant les membres de la commission bancaire du Sénat.
Les banques pourront sélectionner plusieurs centaines de milliards de lignes ayant subi des dépréciations massives — provenant essentiellement de rachats à prix cassés lors des fusions supervisées par la Fed en octobre et en novembre dernier. Elles pourront ensuite les proposer à un panel d’investisseurs privés — d’autres institutionnels en l’occurrence — sous la surveillance bienveillante des autorités de régulation. La FDIC — et le Trésor qui tient les cordons de la bourse — agissent donc comme garants de la valeur des mises de départ, avec un horizon étendu au-delà de 10 à 15 ans, ce qui devrait laisser le temps à la crise actuelle de se résorber et d’arranger les affaires de tout le monde.
Le secrétaire d’Etat au Trésor, répondant à une question de la nouvelle directrice de la SEC, s’est attaché à démontrer que la procédure de mise aux enchères était censée préserver les intérêts des contribuables américains et susciter l’attrait des acheteurs qui parient sur de belles plus-values à moyen terme. Le nouveau plan doit aussi permettre aux banques de récupérer des sommes bien supérieures à la valeur marché des dérivés de crédit en vigueur ces derniers temps.
** Après quelques oscillations sans grande intensité — sauf au cours de la première demi-heure de cotations –, les indices américains ont opté pour une orientation franchement haussière. Le Dow Jones s’est envolé de 2,2% (+175 points à 7 925 points), le S&P 500 de 2,3% (à 830 points) et le Nasdaq de 3,8%. L’indice tutoie les 1 590 points, ce qui commence à poser problème pour les vendeurs à découvert qui, depuis une bonne semaine, voient s’enchaîner les séances de hausse sans trouver la moindre fenêtre de sortie.
Le Nasdaq semble bien parti pour effectuer sa meilleure performance mensuelle depuis avril 2001 (+14,6%). L’année 2009 a même cessé d’être baissière depuis les toutes dernières minutes de la séance d’hier avec un gain symbolique de 0,6%.
Si les scores devaient en rester là vendredi, le Nasdaq engrangerait 8,8% ; si la barre des 1 600 points était rejointe, le score serait de +10% tout rond. Pour le Dow Jones, le cumul hebdomadaire s’élève à +8,5% et un premier objectif à 7 930 points (22% de rebond sur les planchers du 9 mars) est maintenant validé.
Les principaux contributeurs à la hausse furent General Electric (+4,4%), Americain Express et Hewlett Packard avec 7,3%, Caterpillar avec 6,2% et surtout General Motors avec un score inattendu de +14,1%. Le titre s’est envolé après que les investisseurs ont appris qu’environ 7 500 salariés avaient décidé de participer au programme de départs volontaires, la plupart d’entre eux étant appelés à quitter le groupe avant le 1er avril prochain.
Le Nasdaq s’est envolé de 3,6% dans le sillage de Microsoft, Intel, Cisco, Research in Motion, Broadcom, Symantec (avec des gains s’étageant entre 5% et 6%), Nvidia, Garmin, Paychex, AMD, Ciena (+7% à +12%) et enfin Micron (+14,3%)… pour ne citer que les dossiers les plus "travaillés".
La concentration des achats sur de grosses cylindrées pourrait démontrer qu’une première vague d’achats indiciels se dessine alors que de nombreux fonds demeuraient sous-investis en attendant que le cycle de liquidations techniques s’achève.
** Les statistiques publiées hier ont conforté les espoirs d’embellie de l’économie américaine. En outre, l’effondrement du PIB au quatrième trimestre 2008 n’a subi qu’une révision "à la marge" de -6,2% vers -6,3%, ce qui a déjoué les anticipations tablant sur contraction de l’ordre de 6,5%.
Sur le front de l’emploi, la dégradation ne semble pas enrayée puisque les inscriptions hebdomadaires au chômage ont augmenté de 8 000 la semaine dernière aux Etats-Unis, à 652 000. Le nombre d’allocataires percevant régulièrement des indemnités ressort en augmentation de 122 000 à un nouveau record de 5,56 millions (sur la seule semaine du 14 au 21 mars) et la moyenne mobile (sur un mois) progresse parallèlement de 123 750 à 5,33 millions.
En France, le mois de février se solde par une augmentation de près de 80 000 chômeurs supplémentaires. Il y a cependant de fortes disparités : le nombre de sans-emploi fait un bond de 60% parmi les jeunes diplômés et de 102% parmi les jeunes non-diplômés et sans expérience des quartiers défavorisés, ce qui pourrait aboutir à un cocktail social potentiellement très explosif.
Le débat et la cristallisation du ressentiment de l’opinion publique — largement exploités par l’Elysée et Bercy — autour de la question des bonus et des parachutes dorés occultent quelque peu la gravité de la situation des jeunes. 20% d’entre eux vivent en effet en dessous du seuil de pauvreté et ils sont manifestement les plus vulnérables à une contraction du PIB. Celui-ci devrait chuter de 3% en France au premier trimestre alors que, selon des projections jugées réalistes de banques et d’instituts d’enquêtes statistiques allemandes, il atteindrait déjà un taux record de -4,5% outre-Rhin.
L’évocation d’une instabilité politique et sociale n’est pas qu’une vue de l’esprit puisque le parlement tchèque a renversé le gouvernement du premier ministre Mirek Topolanek, qui a succédé à Nicolas Sarkozy comme président de la Commission européenne, après que la coalition qui réunissait verts et démocrates a éclaté en début de semaine.
Le premier ministre tchèque y voit une manoeuvre du très anti-européen président du pays, Václav Klaus, — qui s’appuie lui-même sur un vif ressentiment populaire lié à la crise — visant à faire échouer la ratification du Traité (a minima) de Lisbonne.
José Manuel Barroso a exclu de priver Prague de la présidence de l’Union européenne ; cependant, Mirek Topolanek n’a plus de légitimité politique dans le cas où il continuerait d’assumer sa fonction, et ce à quelques jours de la visite de Barack Obama en République tchèque.
Nous sommes convaincu que le président américain ne manquera pas d’interroger le ministre Mirek Topolanek sur les motifs qui l’ont conduit à déclarer mercredi que "le plan de relance de l’économie américaine, c’est le chemin qui mène à l’enfer".
L’intéressé pourra toujours produire pour se justifier les meilleurs extraits des Chroniques Agora des six derniers mois rédigés par Bill Bonner et nos divers correspondants répartis à travers le monde, lesquels ne cessent de mettre l’accent sur le caractère d’apprenti sorcier du tandem pro-inflationniste Bernanke/Geithner.
Si les formules à l’emporte-pièce vous amusent sans vous convaincre, nous vous invitons à participer à la remise des trophées de l’analyse technique des marchés financiers qui aura lieu mardi 31 mars 2009, à partir de 18 heures au Press Club de France, 8 rue Jean Goujon, 75008 Paris). Les organisateurs du Salon de l’analyse technique — qui s’est tenu le week-end dernier à l’Espace Cardin — me font l’honneur de me confier l’animation de cette cérémonie ainsi que du débat en forme de synthèse et qui aura pour thème "Evolution probable de la crise financière actuelle. Prévisions 2009 : CAC, Nasdaq, euro, pétrole, or…"
Chacun de nos lecteurs devrait y trouver matière à réflexion, ainsi que des anticipations économiques et boursières confirmant la prophétie du premier ministre déchu de la République tchèque.
Philippe Béchade,
Paris