Le Japon est bloqué dans une impasse économique ; son sort vaut la peine d’être étudié, car bon nombre d’économies occidentales connaîtront le même.
Le terme japonification a un sens.
Il s’est imposé au fil des ans, ou plus exactement au fil des décennies !
La japonification, c’est l’état de stagnation économique très prolongé, de longue et très longue durée, produit par des politiques idiotes qui consistent non pas à traiter les problèmes, mais à les repousser dans le futur tout en faisant semblant de les traiter. Tout est résumé dans l’expression anglo-saxonne « extend and pretend », c’est-à-dire « étendre et prétendre ».
La japonification, ce n’est bien sûr pas de l’économie ; c’est de la géopolitique, du politique, du social et du culturel. Dans la japonification, les élites dirigeantes font semblant de se préoccuper de l’intérêt général, de l’intérêt public mais en réalité elles mènent une politique de préservation d’un ordre social – plus précisément, de l’ordre social qui leur est favorable.
Les élites japonaises sont arc-boutées sur la préservation de l’ordre établi, lequel ordre est en même temps celui voulu par les Etats-Unis puisque le Japon est un protectorat américain et que ses partis politiques sont quasi-totalement inféodés aux Etats-Unis. Le Japon et la Corée du Sud sont les boucliers avancés des USA pour contenir la Chine.
Bien entendu, cette situation fait du Japon un pays bloqué ; il est amusant de constater que ceux qui sont le plus intéressés à ce que le blocage dure éternellement, lui reprochent… ses blocages !
Vassalisation et blocages
Le Japon ne peut se réformer en tant que vassal américain car la situation politique et sociale est verrouillée. Pourtant, les USA reprochent au Japon ses blocages et prétendent que c’est à cause d’une sorte de mal intérieur qu’il ne réussit pas à sortir de la crise de longue durée.
Miracle de la vassalisation, c’est une chose que nous connaissons aussi en Europe – donc ne nous moquons pas des Japonais. Cocus et fiers de l’être…
La seule fois où la situation politique intérieure a hissé au pouvoir un groupe non inféodé aux Etats-Unis, la CIA l’a dégommé salement en quelques mois, et tout est rentré dans l’ordre.
Donc le Japon est condamné à répéter – et la répétition est le signe de l’échec. En effet pourquoi répéter si on a réussi ? Quand on a réussi, on est guéri de la langueur et on n’a plus besoin de dopage !
Le Japon répétera jusqu’à ce que la catastrophe survienne – une catastrophe provoquée par la rébellion du réel face à l’imaginaire des dopages et autres pseudo-euphorisants.
Le paradoxe du yen
La catastrophe est au bout de la route, mais nul ne peut prétendre fixer une date, un calendrier ou un mode d’apparaître, car cette catastrophe passe par des modifications de comportements humains et ces modifications sont imprévisibles.
Ceux qui ont voulu les prévoir, les anticiper ou les spéculer sur la monnaie ou les fonds d’Etat japonais s’y sont cassé les dents ; soit ils se sont suicidés, soit ils sont ruinés et vivent misérablement.
Le yen est à la fois une monnaie pourrie, condamnée et une monnaie refuge, une monnaie risk-off précisément à cause de cette situation : un pays bloqué où rien ne bouge, où la stabilité de l’épargne est assurée, où la répression financière est féroce.
Le pays fonctionne comme un gigantesque hedge fund global. Il se finance avec l’épargne intérieure de ses habitants – une épargne qu’il ne remboursera jamais –, et il investit, place et spécule ailleurs. Le pays fait du carry trade avec les économies de ses citoyens.
Cela tient et tiendra… jusqu’à ce que cela ne tienne plus.