▪ Les indices boursiers ont amorcé une consolidation mercredi. Un tel scénario n’allait pas de soi — d’une part parce que le consensus était haussier à 99% mardi soir… d’autre part parce que les opérateurs avaient collé la touche « vente » sur leur clavier à la Super Glue, histoire d’être certains de ne pas passer par erreur un ordre à l’envers en tapant à côté de la touche « achat », laquelle présente depuis quelques semaines une usure anormale qui la rend presque illisible.
Les opérateurs des salles de marché qui découvrent une fiche ornée de la mention « V » la relisent plusieurs fois avant de saisir l’ordre. Parallèlement, les algorithmes haussiers se sont mis à patiner en début d’après-midi hier face à un gonflement imprévu des volumes.
Rassurez-vous, les algorithmes ne sont passés vendeurs que sur des unités de temps très courtes : de la minute à un intervalle de trois heures. C’est une inversion de tendance bénigne qui ne compromet pas le pronostic haussier en donnée quotidienne ou hebdomadaire.
Wall Street, par exemple, n’est certainement pas disposé à remettre en cause l’infaillibilité de la Fed. Au départ, la création de 600 milliards de dollars de fausse monnaie a été critiquée. Nous faisions partie de ceux qui affirmaient que les précédents assouplissements quantitatifs n’avaient pas fonctionnée et que celui là ne ferait pas exception… Ce en quoi nous avions raison vu les dernières statistiques de l’emploi, des ventes de détail et de l’immobilier, les trois piliers de la croissance aux Etats-Unis.
▪ Des économistes ont ensuite tenté de faire douter Wall Street, qui avait déjà repris 10% à 15%. Ils ont brandi l’épouvantail des dettes souveraines européennes puis démontré que le « QE2 » de la Fed ne fait que renforcer la volatilité des marchés obligataires au lieu de garantir que les taux US demeurent très bas éternellement.
Les investisseurs ont bien vu le rendement des T-Bonds se tendre de 2,9% vers 3,36%. Cependant, la Fed a continué de prétendre qu’elle ne détecte pas de pressions inflationnistes en consultant le baromètre en plâtre, aux aiguilles moulées dans la masse, qui orne la salle où elle réunit ses membres pour décider de sa future politique monétaire.
Comme l’horloge du bureau de Ben Bernanke est également arrêtée sur midi, ce dernier se dit qu’il a tout le temps pour resserrer le loyer de l’argent. Lorsqu’il se lève, c’est que son estomac lui signale qu’il est effectivement midi et qu’il est l’heure d’aller déjeuner avec un bon copain dirigeant une grande banque de Wall Street ou dispensant ses conseils avisés à la Maison Blanche.
Si Wall Street devait cesser de monter, ce ne pourrait être que pour une cause accidentelle (nous ne voyons pas laquelle : une reprise de contact avec le réel n’est pas à l’ordre du jour). Ou parce que quelques « grosses mains » ont décidé de mettre une bonne claque au consensus haussier. Regardez par exemple tous ces gérants qui viennent déclamer sur les chaînes télévisées financières leur foi inébranlable dans la hausse, avec leurs joues toutes roses, la main droite sur le coeur et le majeur de la main gauche sur la couture de leur pantalon Armani…
Si les sherpas de la finance veulent racheter du papier pas cher, il faut bien le faire rebaisser de temps en temps. Le meilleur moment pour agir, c’est lorsque le chauffeur de leur Bentley ou leur tailleur sur mesure leur affirment qu’on peut désormais sans risque racheter des actions, après deux ans de prudente abstention.
Un vague prétexte fait alors l’affaire, comme une poignée de mauvais résultats trimestriels. Tiens, vous avez vu à quelle vitesse Wall Street se désintéresse des profits record d’Apple ou d’IBM ! Et tous ces profits « plus élevés que prévus » qui soudain ne comptent plus !
▪ Le résultat, c’est une rechute de 0,9% du CAC 40, à 3 976 points, laquelle efface à un point près les gains de la veille — partant d’une clôture de 3 975 points lundi soir.
Paris se sera maintenu durant une douzaine d’heures à cheval sur deux séances au-dessus des 4 000 points. Il n’a toutefois pas réussi une percée décisive en direction des 4 080 points (zénith de fin avril et mi-janvier 2010), malgré un très net gonflement des volumes : pas loin de quatre milliards d’euros négociés ce mercredi.
S’agit-il d’une simple réaction épidermique à la déception causée par les trimestriels d’American Express, de Mellon Bank ou de Goldman Sachs (profits en recul de 53% sur une baisse des revenus de courtage) ?
La bulle d’euphorie consécutive au placement de 10 milliards d’euros de bons du Trésor portugais, espagnols et italiens la semaine passée s’évapore-t-elle ? La BCE (qui a multiplié par 10 le montant de ses achats de dettes libellées en euros du 10 au 15 janvier) aurait-elle pratiquement ramassé tout se qui se présentait sur le marché pour assurer le succès apparent de ces émissions ?
La hausse inexorable de Wall Street depuis huit semaines commence-t-elle à susciter des interrogations ? La Fed injecte de l’argent, les banques d’affaires en investissent la majeure partie sur les marchés d’actions ou les matières premières, pas dans l’économie réelle. Ce dévoiement de la vocation du « QE2 » peut-il se prolonger jusqu’en juin prochain ?
▪ Il y a une foule de raisons, y compris de mauvais chiffres économiques aux Etats-Unis, pour justifier une consolidation de Wall Street et des indices européens. Ces derniers reculent en moyenne de 0,75% (d’après l’EuroStoxx 50) et de 1,25% d’après l’Eurotop 100.
Les opérateurs n’ont en réalité guère réagi à la publication des mises en chantier pour le mois de décembre aux Etats-Unis (en recul de 4,3% en décembre). Notez que parallèlement, les demandes de permis de construire rebondissent de 16,7%, à 600 000 en rythme annuel — les économistes tablaient en moyenne sur un repli de 1% à 550 000.
L’embellie provient d’un afflux soudain de projets de construction de logements collectifs. Les permis concernant les maisons individuelles n’ont progressé que de 5%, ce qui efface juste le repli du mois précédent.
Ces immeubles d’habitation sortiront-ils de terre ? Qui les finance ? Sont-ils destinés à héberger les soldats qui vont quitter l’Irak et l’Afghanistan ces prochains mois ? Nous en sommes réduits aux hypothèses… En revanche, le stock de logements invendus (officiel et fantôme) demeure bel et bien voisin de deux ans au rythme actuel des ventes.
Savez-vous ce que deviennent ces maisons en bois lorsqu’elles ne sont pas habitées (donc ni entretenues ni chauffées) durant deux ans ? Laissez des meubles en contreplaqué et du linge dans une grange mal isolée durant une période comparable et vous saurez !