** Où que nous allions… y sommes-nous déjà ?
– Pas encore ! Mais on y arrive. C’est-à-dire que les Etats-Unis courent les yeux fermés vers la pauvreté. La Chine réalise une sorte d’alchimie financière. Et l’Australie se trouve soumise à des problèmes de style américain, mais en bénéficiant de la Grande Stratégie économique chinoise.
– Mais qu’en est-il de ces puissants idéalistes sur les marchés américains ? Tant le S&P 500 que le Dow ont grimpé de près de 3% lundi. Croyez-le ou non, ils étaient menés par les actions des secteurs de la finance et du commerce de détail. Bank of America a grimpé de 9,9% après que Goldman Sachs l’a mis sur sa liste d’"achats de conviction".
– Mais qu’est-ce diable qu’une "liste d’achats de conviction" ? Si on peut acheter une action avec conviction, y a-t-il des "achats de non-conviction" ?
– Vous vous imaginez en train d’appeler votre courtier pour lui dire : "hé Henry, je n’aime pas trop l’action XYZ. Les revenus sont nuls. Il y a des tonnes de dettes. Les dirigeants sont incompétents. Mais les actions remontent, alors… ben allons-y. Achetez. Enfin bon… ne le faites pas avec conviction".
– Quoi qu’il en soit, le rebond des actions américaines — quelles que soient ses raisons — donne à certains investisseurs l’impression que la demande en matières premières augmentera si les Etats-Unis et les économies mondiales recommencent à progresser cette année. Nous pensons que ce sont les dernières convulsions du "rebond fictif" — vous savez, celui qui ignore les 1 500 à 3 000 milliards de dollars de pertes bancaires supplémentaires provenant de l’immobilier résidentiel et commercial.
** Mais si vous êtes un trader neutre au marché, pourquoi se plaindre ? Les prix du pétrole brut ont grimpé de 4,8% à New York. Une partie de cette hausse provient d’une guerre ouverte entre le gouvernement du Nigeria et les rebelles qui opèrent dans le delta du Niger. C’est une autre raison d’être haussier sur le pétrole. Non seulement les investissements nécessaires pour renouveler l’offre se sont effondrés, mais en plus, l’offre elle-même provient de sociétés pétrolières nationales qui n’hésitent pas à employer le pétrole comme arme politique et stratégique. Ou encore il provient de pays comme le Mexique, le Nigeria et le Venezuela, qui ont un historique d’instabilité budgétaire.
– Notez au passage que le Nigeria fournit 2,1% du pétrole mondial chaque jour, soit environ 1,7 million de barils quotidiens. Cette part serait plus grande si une capacité d’environ 50 000 barils n’était immobilisée à cause du conflit en cours. Le ralentissement de la demande mondiale de pétrole suite à la récession a fait oublier aux gens combien la marge est mince entre l’offre mondiale et la demande mondiale. Toute association d’une offre encore plus réduite et d’une demande en hausse remettra le pétrole directement dans la zone rouge.
** Qu’en est-il des métaux ? Fin avril, on apprenait que le Bureau chinois des réserves d’Etat constituait des stocks de métaux à bas prix. Bloomberg annonçait hier que "la Chine stocke des matières premières comme le cuivre et le minerai de fer comme mesure de réallocation de sa richesse souveraine, dans un contexte d’inquiétude quant au déclin potentiel de la valeur de ses actifs en dollars".
– L’article cite un rapport de la Royal Bank of Canada sur la stratégie chinoise destinée à couvrir le risque lié à la détention de 796 milliards de dollars d’obligations et de bons du Trésor américain. "Cette augmentation des dépenses en matières premières représente une réallocation de la richesse souveraine de la Chine, qui s’éloigne de l’accumulation d’actifs financiers", déclare Brian Jackson, analyste à la Royal Bank.
– D’ailleurs, la Chine a augmenté ses importations de pétrole brut de 14% en mai, et a importé la quantité record de 57 millions de tonnes de minerai de fer. En fait, l’Association chinoise du fer et de l’acier (CSIA) tente de rendre responsable de ce pic d’importations les spéculateurs qui nourrissent ce qu’ils pensent être une augmentation de la demande, selon un article dans The Australian hier.
– Rappelez-vous que les négociations annuelles sur le minerai de fer font partie de ce débat public. Les acheteurs chinois de minerai australien veulent faire baisser les estimations de croissance de la demande, ce qui suggère un prix de contrat plus bas. Selon la CSIA, six des 10 plus grands importateurs chinois de minerai au premier trimestre étaient des traders, non des sidérurgistes. Mais sur le site steelguru.com, on peut lire que le sidérurgiste chinois Baosteel déclarait en début de semaine que "les commandes du secteur automobile ont atteint un nouveau record mensuel de 937 000 tonnes en mai, en hausse de 317 000 tonnes — ou 50% — par rapport à avril".
– Hmmm. La Chine a une capacité de fabrication d’acier actuelle de 650 millions de tonnes par an, selon le président de Baosteel, Xu Lejiang. Cela nous semble trop.