La Banque de France va finir par avoir la peau du secteur immobilier… à l’usure.
C’est l’histoire d’un gars qui occupe un magnifique bureau rue La Vrillère, à Paris, et qui est de retour d’une traversée de l’Atlantique France/Etats-Unis à la rame.
Quelques minutes après avoir été déposé bien au chaud par son chauffeur dans le parking de la vénérable institution qu’il préside – la Banque de France (BdF) –, le voici qui rallume son ordinateur : il retrouve la page « météo » qu’il avait consulté avant d’embarquer (il y a trois mois) et constate avec satisfaction que les conditions restent estivales et la mer « belle », du côté de Brest.
Pourtant, il y a 10 centimètres de neige sur la rambarde de son balcon, du givre en bas de ses fenêtres et tous les gens qu’il a croisés en remontant à son bureau portaient des anoraks et des moufles.
Thermomètre cassé
Et toutes les conversations de couloir à la BdF portent sur cette vague de froid qui fait grelotter la France, où les coupures de courant sont devenues quasi quotidiennes.
Mais de quelles intempéries parlent tous ces gens ? Sa page météo est formelle, il fait 25° en moyenne au Sud de la Loire, 23° au Nord… et 22° à Brest, la capitale du Finistère étant rafraîchie par une très légère brise du Nord-Ouest.
Il s’apprête à consulter sa messagerie (pleine de « désolé pour le retard, j’ai été bloqué par la neige puis par une panne de courant dans le RER ») mais il suspend son geste car la sonnerie du logiciel Skype retentit.
BFM Business – qui a eu vent (glacial) de son retour – l’appelle pour une interview qu’il ne saurait leur refuser, car BFM ne critique jamais les analyses ou la stratégie de la BdF (et n’oublie jamais de rappeler que, à partir de mars 2020, c’est elle qui nous a sauvés en déversant durant 18 mois plus de liquidités qu’au cours des 20 années précédentes).
Sauf que BFM l’attaque directement sur le marché du crédit immobilier qui est depuis trois mois tombé en mode « congélation », 45% des dossiers de prêts restant pris par la banquise du taux d’usure bloqué à 2,57%.
Les agences immobilières sont en panique (quasiment plus un appel), les promoteurs stoppent les travaux faute d’acheteur solvables, les banques n’arrêtent pas de notifier des refus alors que la plupart des emprunteurs avaient reçu un accord de principe le printemps dernier.
Très peu crédible
Mais que me racontez-vous là leur répond-il, j’avais justement sous les yeux la météo du jour et tout se déroule magnifiquement bien : n’oubliez pas de réserver une place en terrasse pour le dîner de ce soir.
François Villeroy de Galhau, car il s’agit de lui, vous l’aviez deviné, rétorque sans sourciller devant la caméra de BFM Business : « Je démens le chiffre de 40 ou 45% de refus, ce chiffre est très peu crédible. »
Et il ajoute, sûr de lui : « Je note qu’aucune association d’emprunteurs qui représente les Français n’a demandé le relèvement du taux d’usure. »
Et en effet, aucune ne l’a fait, et pour une raison imparable : de telles associations n’existent pas. Elles sortent tout droit de l’imagination de notre patron de la BdF.
En revanche, l’Association française des intermédiaires en bancassurance, existe bel et bien, les banques commerciales et les courtiers en prêts immobiliers également.
Leurs chiffres sont formels : 45% des dossiers ne passent plus avec ce taux d’usure bloqué au même niveau que lorsque l’argent était gratuit, alors qu’il est devenu 150 points plus cher qu’il y a trois mois.
Mais M. de Galhau n’en démord pas, selon les données qu’il avait consultées en rallumant son ordinateur, BFM raconte n’importe quoi : « Le crédit immobilier reste très dynamique, on est à plus de 6% de croissance. »
Retour à la moyenne
Et il explique que les taux sur 20 ans remontent progressivement : « Au mois de juillet, on était en moyenne à 1,45%. C’est 25 points de plus que lorsqu’il y avait les taux les plus bas, autour de 1,1% ou 1,2%. »
… Au 1er juillet, peut-être, chez un courtier qui faisait du dumping. Mais, le 2 juillet, il fallait plutôt tabler sur 1,60/1,70%, et cela se situe au-delà de 1,80% désormais.
En rajoutant les assurances crédit, les divers frais de dossier, à part les profils les mieux notés (assujettis à l’IFI de préférence), le plafond des 2,57% est explosé et il vaut mieux tabler sur 2,75 à 3%.
Ce niveau n’a rien de bloquant en soi, puisque la moyenne historique des taux d’emprunt sur les 15 dernières années est proche de 2,7%.
François Villeroy de Galhau conclut : « Les taux restent très favorables et le crédit immobilier reste très bien financé. »
A croire qu’il consulte un rapport de ses services datant d’il y a 3 mois !
C’est comme s’il consultait la page du jour de son départ et n’avait été mis au courant de rien durant sa traversée de l’océan.
Pourquoi ce résultat ?
J’avoue que je suis assez partagé après la rédaction de cette petite parabole humoristique. Notamment parce que ne crois pas que le patron de la BdF se serait absenté trois mois sans une liaison satellitaire, sans tomber les rames quelques minutes passer plusieurs appels par jour à ses collègues qui surveillent l’impact des taux sur le crédit, et demander confirmation aux directions des plus grandes banques françaises.
Et, comme vous le savez peut-être, M. de Galhau ne s’est pas absenté trois mois, mais seulement trois jours, fin août, pour participer au symposium de Jackson Hole à la tribune duquel il s’est exprimé avec fermeté.
Je le cite de mémoire. Il a affirmé que ramener l’inflation à 2% est de la responsabilité de la banque centrale, et que leur volonté et leur capacité à tenir les engagements de leur mandat ne sont pas négociables.
S’il y a donc bien quelqu’un qui savait avant tout le monde que le loyer de l’argent allait se durcir (75 points de plus) et que les taux d’emprunts hypothécaires sur 20 ans filaient vers les 2%, ce qui fait que ce ne sont pas 45% mais bientôt 75% des dossiers de prêt qui pourraient capoter à partir de début octobre, si le taux d’usure n’était pas relevé d’au moins 43 points, et non de 17 points comme précédemment.
Du coup, je me demande si M. De Galhau n’a pas voulu envoyer un message. Par exemple : « Je vous répond n’importe quoi, vous pouvez imaginer que je suis gâteux ou complètement déconnecté du réel, je vous laisse en déduire que le crédit hypothécaire a été délibérément congelé par nos soins afin de ralentir l’activité du pays (donc la hausse des prix), et vous comprendrez que je ne peux pas le balancer tel quel à la figure des emprunteurs ou des professionnels dont l’activité est étroitement liée à l’immobilier. »
De surcroît, les complications que le taux d’usure inadapté engendre ne gêne guère les acteurs de premier plan que sont les grands investisseurs institutionnels : ils payent cash, n’ont jamais de souci « d’assurance-crédit personnelle » et ne viennent jamais se plaindre auprès du gouvernement, puisque ce dernier accède à tous leurs désirs.
2 commentaires
Comment faire baisser l’immobilier et rafler les meilleures affaires (Hôtels, locaux commerciaux de premier ordre, domaines, etc…) (tous surendettés après 2 ans de fermeture administrative !) ? Simple : Empêcher les autres acteurs de faire des propositions d’achats (le taux d’usure venant bloquer les projets de rachats).
Les « Banques and Co » consolident leurs actifs, bloquent les sorties de capitaux des particuliers qui souhaitent investir dans l’immobilier, pressent les vendeurs pris à la gorge avec des taux qui augmentent et des acheteurs qui manquent … Pauvre France !
Il est évident que la banque de France souhaite bloquer la hausse des prix immobilier. Je m’en réjouis. Le Covid aurait dû provoquer un chute brutale et importante du prix de l’immobilier. Au lieu de ça nous avons assisté à une nouvelle envolée purement inflationniste. Il est plus que grand temps pour les petites gens que le prix de l’immobilier rejoigne enfin le tunnel de la courbe de Friggit. Je le cite : « L’envolée du prix des logements de 2000 à 2008 puis sa lévitation résultent pour l’essentiel de l’effet inflationniste de l’évolution de l’environnement
financier (baisse des taux + allongement de la durée des prêts + complaisance à l’égard de l’endettement des ménages), équivalente à une « politique de la demande » massive, amplifié par la myopie des investisseurs et par le manque de transparence qui a favorisé les discours sur des facteurs structurels (ex: « pénurie de logements ») qui soi-disant empêcheraient une baisse des prix. Il a été plus prononcé pour les logements locatifs que pour les logements occupés par leur propriétaire.