▪ L’économie américaine est encore brisée. C’est la seule raison plausible qui explique pourquoi les obligations ne se vendent pas. Mais Bernanke tente toujours de réparer l’économie, ce qui est la meilleure raison pour laquelle les obligations ne sont sans doute pas achetées.
Selon l’opinion communément admise, une économie stagnante a tendance à réduire la demande de crédit. Ce qui, par conséquent, a tendance à maintenir les taux d’intérêt faibles… toutes choses étant égales par ailleurs. D’un autre côté, de solides conditions économiques ont tendance à augmenter la demande de crédit, qui a tendance à faire grimper les taux d’intérêt… toutes choses étant égales par ailleurs.
Mais « toutes choses » ne sont presque jamais égales par ailleurs, en particulier dans l’Amérique de 2011. Aujourd’hui aux Etats-Unis, la plupart des bénéficiaires de l’aide sociale possèdent un meilleur bilan que le gouvernement américain ; la plupart des adolescents montrent une plus grande responsabilité fiscale qu’un membre du Congrès ; la plupart des bandes dessinées sont plus sérieuses que les minutes d’une réunion du Federal Open Market Committee.
Oui, c’est vrai, nos finances nationales sont une vaste blague, menées par une troupe de bouffons diplômés de l’Ivy League. Même si le fisc américain doublait ses recettes fiscales, le gouvernement fédéral continuerait à fonctionner dans le rouge. Et puisque nos responsables élus ne souhaitent pas proposer des remèdes légitimes (principalement parce que nous les électeurs ne voudrions pas dans ce cas les réélire), le boulot de réparer cette pagaille revient à Ben Bernanke.
Mais ce dernier ne peut rien réparer. Il n’est qu’un bonhomme doté d’un CV impressionnant et d’idées stupides. Il peut essayer de dissimuler des déficits en milliers de milliards de dollars en imprimant des dollars et en achetant la dette du Trésor US, mais cela ne marchera pas. Et plus il essaie de faire en sorte que ça marche, moins les gens dans le monde désirent détenir des dollars. Il joue là un jeu très dangereux.
Lorsque les gens perdent la foi dans une monnaie basée sur la foi, de mauvaises choses arrivent… souvent rapidement. Lorsqu’un pays perd la confiance qui soutient sa monnaie, ce pays perd également la confiance qui soutient son marché obligataire. C’est pourquoi une crise monétaire va généralement de pair avec une crise de la dette souveraine.
Ces catastrophes jumelles ont tendance à se dérouler très rapidement. Des exemples ? Le Mexique en 1994 ; la Thaïlande en 1997 ; la Russie en 1998 et l’Argentine en 1999… Ou encore les Etats-Unis en 1979.
▪ Dans les années 1970, le « problème inflationniste » américain est devenu un « problème du dollar » qui est devenu un « problème du marché obligataire ». Au bout d’un certain temps, la cause et l’effet sont devenus non différentiables l’une de l’autre.
Peu de temps après que le président Nixon a rompu le dernier lien qui reliait le dollar à l’or en 1971, les taux d’inflation ont commencé à grimper. L’IPC a grimpé en flèche, passant de 3,3% en 1971 à 9% en 1973 et à 12% en 1974, année de l’embargo arabe sur le pétrole.
En octobre 1974, le président Ford annonça sa célèbre campagne Whip Inflation Now [« Se débarrasser de l’inflation tout de suite », NDLR.]. Dans un discours prononcé devant le Congrès US, Ford déclara l’inflation « ennemi public numéro un » et annonça une série de mesures pour la combattre.
Mais le président Ford n’a pas réussi à se débarrasser de l’inflation… le président Carter non plus. Même si les taux d’inflation ont reculé à 6% en 1976 et 1977, ils sont remontés peu après. Les détenteurs de dollars et de bons du Trésor ont considérablement souffert.
Moins d’un mois après l’investiture du président Carter, le Trésor américain a émis son premier bon à 30 ans — les 7-5/8% à 2007. Les quatre années suivantes, cette obligation perdit près de la moitié de sa valeur : l’inflation et les rendements obligataires atteignirent 15%.
Le président Carter réagit à cette désastreuse situation en émettant des bons du Trésor libellés en deutschemark et en franc suisse. En 1978, ces Carter Bonds comme on les a appelées sont arrivées sur le marché, avec l’espoir d’attirer les investisseurs qui n’achèteraient pas les bons du Trésor libellés en dollar. Les acheteurs de ces obligations exceptionnelles ont fait une bonne affaire ; les acheteurs de bons du Trésor traditionnels, une moins bonne.
De 1978 à 1981, l’inflation continua à grimper, ce qui signifiait que le dollar et le marché obligataire continuèrent à dégringoler. La raclée que connut le marché obligataire à la fin des années 1970 fut rapide et sévère, comme le montre le graphique ci-dessous.
L’histoire pourrait-elle se répéter ? Tout à fait.
Cela pourrait-il arriver bientôt ? Pourquoi pas ?
1 commentaire
Bonjour,
Mon commentaire sera basé sur une question. Dans votre article vous expliquez les risques d’une inflation aux Etats-unis, mais j’ai lu dernièrement que ces derniers seraient en proie à un risque de déflation grandissant, dû à une trappe de liquidité engendrée par cette injection de monnaie, venant de taux directeurs proches de zéro. Ma question: est ce que ces deux situations sont liées dans votre article?