▪ Nous sommes incapables d’expliquer techniquement comment le CAC 40 a pu rester enfermé pendant près de six heures au sein d’un corridor d’une stupéfiante étroitesse — entre 4 105 et 4 116 points. Il nous est encore plus difficile de le concevoir à la lumière des statistiques du jour qui trahissent l’inexorable poussée des tensions inflationnistes aux Etats-Unis mais également en Europe (et en Angleterre tout particulièrement).
Les sherpas qui gardent la haute main (ils ne prennent même plus la peine de la rendre un tant soit peu « invisible ») sur l’évolution des indices n’ont voulu ce mardi ni d’un re-test des 4 120 points (sommet du canal ascendant moyen terme), ni d’une deuxième clôture sous les 4 100.
Nulle psychologie n’est identifiable dans un marché qui ne réagit à aucun stimulus macro-économique ou géopolitique. Tous les scénarios semblent avoir un potentiel d’occurrence identique. D’un côté, l’argent de la Fed qui pousse les cours inexorablement vers le haut (et un objectif de 4 550 points ?)… et de l’autre des fondamentaux — inflation, crise de solvabilité, surendettement, effets de levier délirants sur des matières premières en pleine ébullition — que les marchés ignorent délibérément depuis bientôt six mois.
Comme si les opérateurs étaient convaincus que Wall Street ne céderait pas plus mardi soir que ce qui avait été gagné la veille (environ 0,25%), le CAC 40 a réussi à clôturer sur un gain inespéré de 0,33%, avec plus de la moitié des titres en repli (22 sur 40).
▪ La volatilité sur l’ensemble des places européennes est demeurée extraordinairement faible durant huit heures (l’Eurotop 100 a fluctué entre 2 442 et 2 457). Les chiffres américains du jour n’ont même pas fait frémir la courbe des indices boursiers.
Aucune réaction négative décelable en Europe malgré une avalanche de statistiques plutôt alarmantes concernant l’inflation, l’immobilier et la consommation. Commençons par les moins pires : l’indice Empire State de la Fed traduit une activité manufacturière qui progresse de 11,9 vers 15,4 dans la région de New York au mois de février, contre un score de 15 attendu… Mais autant se fier à l’enneigement dans les Ardennes pour estimer le niveau de fréquentation des stations alpines.
D’après le département du Commerce américain, les stocks des entreprises ont augmenté de 0,8% aux Etats-Unis en décembre 2010 et les ventes des entreprises ont progressé de 1,1% — un peu moins bien que les 1,3% anticipés par le consensus.
Le tableau commence à se gâter avec l’indice NAHB, le baromètre mensuel du secteur construction immobilière aux Etats-Unis. Il est resté scotché à son plancher historique de 16 points pour le troisième mois consécutif ; les optimistes souligneront l’aspect positif de sa stabilisation.
Difficile de retrouver le sourire au niveau de la consommation des ménages. On enregistre une progression de 0,3% des ventes de détail au lieu des 0,6% attendus — y compris hors automobile : le chiffre reste identique, à 0,3%.
Les marchés auraient dû faire la grimace avec l’inflation. Elle ressort en effet très supérieure aux prévisions au mois de janvier avec une flambée des prix à l’exportation de 1,5% (au lieu de +0,8% attendu). En rythme annuel, l’inflation s’établit à 5,3%, contre 4,4% en décembre.
La Fed aura beau nier jusqu’au bout de son « QE2 » l’existence d’un problème, il devient impossible de la croire sur parole : les prix à l’export ont également fait un bond de 1,2% au mois de janvier… Cela en dit long sur l’inflation que les consommateurs américains ont dû subir le mois dernier (sans compter la flambée des carburants).
▪ Un autre chiffre nous a alerté en fin de journée : l’enquête mensuelle de Bank of America Merrill Lynch Fund Manager. 67% des gérants interrogés indiquent être surpondérés en actions (25% maintiennent le status quo et se laissent porter par la vague)… ce qui nous fait 93% d’optimistes, dont un quart d’opportunistes.
C’est tout simplement le score le plus élevé depuis 10 ans que cette enquête existe !
Un autre chiffre donne à réfléchir : seuls 5% des gérants indiquent rester surpondérés sur les pays émergents contre 43% au mois de janvier. Là encore, il s’agit de l’écart le plus spectaculaire de la décennie.
Les gérants ont déserté ce secteur « incontournaaaable » — comme ils disaient fin 2010 — telle une volée de moineaux. Cela a donné naissance à des mouvements de capitaux estimés à 10 milliards de dollars en faveur des places occidentales ces dernières semaines.
▪ Les rumeurs d’une modération de l’inflation en Chine avaient fait flamber Shanghai la veille (de +2,5%). Les opérateurs n’ont pas été déçus, les prix n’ont augmenté que de 4,9% en janvier… mais attendez, il y a un loup !
L’échantillon constituant la base de calcul a été modifié. La nourriture et les carburants ont été sous-pondérés. La téléphonie et les services — structurellement déflationnistes — ont vu leur poids relatif augmenter.
Nul doute que le salarié chinois, en se faisant livrer son repas par téléphone (avec un coût d’appel en net recul), va rééquilibrer son budget et retrouver du pouvoir d’achat !
De toute façon, passer un simple coup de fil à sa famille lui évitera de coûteux déplacements à travers la Chine. En adoptant massivement le télétravail à la chaîne, il s’épargnera d’inutiles déplacements en voiture, ainsi que les monstrueux bouchons que Pékin espère vaincre en réduisant drastiquement les autorisations d’immatriculation.
Certains mauvais esprits redoutent que les berlines de luxe occidentales soient jugées trop polluantes et ne se voient plus attribuer de permis de circulation qu’au compte-goutte, un peu comme à Singapour depuis 20 ans.
Nous ne savons pas d’où peut leur provenir une telle idée ! Comment cela ? Il y a eu des précédents historiques ?
Mais où cela donc ? Ah oui… en France dans les années 90, quand les grosses cylindrées allemandes étaient frappées d’une sorte de « malus écologique » !
Nous ne voyons vraiment pas comment un pays aussi peu protectionniste que la Chine et aussi friand des innovations occidentales (comme la voiture électrique) pourrait imiter un aussi mauvais exemple !