Jerome Powell patauge, et ses volte-face pourraient finir par coûter cher. Mais comment pourrait-il en être autrement dans un monde où la finance domine tout ?
Pris globalement, les marchés ont eu tendance à se stabiliser la semaine dernière – aussi bien au centre qu’à la périphérie.
L’événement a été constitué par les propos confus sinon contradictoires de Jerome Powell, président de la Fed. Visiblement il n’a pas grand-chose à dire et dans ces conditions, il cafouille. Nous serions de retour dans le fameux « transitoire », cette tarte à la crème inventée par Yellen…
Lisons le Financial Times :
« Après avoir déploré le faible taux d’inflation parmi les principaux défis auxquels doivent faire face les banquiers centraux aujourd’hui […], Jay Powell a perturbé mercredi de nombreux investisseurs par des commentaires qui semblaient minimiser la gravité du problème.
Le nouveau message du président de la Réserve fédérale, à savoir que des changements ‘transitoires‘ pourraient être la cause de la faiblesse de l’inflation plutôt que des problèmes plus persistants, a provoqué un réveil brutal des investisseurs qui espéraient qu’il suggérerait une réduction des taux d’intérêt pour cet été.
Pour les critiques, le ton radical de M. Powell rend la politique de communication plus imprévisibles et plus difficile à déchiffrer.
Beaucoup considéraient que les investisseurs avaient pris de l’avance en considérant une réduction de taux en 2019 comme un fait accompli. »
Le charabia du FT exprime correctement le charabia de Powell lui-même.
Un chef d’œuvre d’incompétence
En fait, la conférence de presse du président Powell était une performance lamentable. Ce n’est pas une formule de style : elle était lamentable dans sa confusion – et bien dans la ligne de celle de décembre dernier, qui avait été un chef d’œuvre d’incompétence.
La confusion des formulations est l’expression de la confusion de la pensée, des errements théoriques qui la sous-tendent et, en même temps, du malaise provoqué par la volte-face de fin d’année dernière.
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On veut à la fois faire croire que la Fed est là pour rassurer et donc confirmer le « put », mais parallèlement, on ne veut pas pousser les feux de la spéculation. Cela donne un méli-mélo ridicule, un charabia presque risible.
Le message sur l’inflation était confus et maladroitement incohérent. Comment diable peut-on qualifier de « transitoire » l’insuffisance de l’inflation alors que cela fait des années que c’est ainsi !
Cela fait des années que les anticipations d’inflation sont systématiquement déçues. Cela fait des années que seules les hausses du coût de l’énergie provoquent une flambée de hausse des indices de prix.
La peur est mauvaise conseillère
Pour simplifier, disons la vérité – celle que Powell n’ose pas formuler :
– Il a essayé de sortir du piège des marchés, il a essayé de les laisser se débrouiller tout seuls jusqu’en novembre 2018.
– La forte baisse boursière de fin 2018 lui a fait peur, il a paniqué et changé de discours. Il est revenu aux positions de ses prédécesseurs.
– En janvier, toute honte bue, il a mis un genou à terre ; il a accepté de céder et de redevenir l’otage des bourses.
– Cependant, il n’admet pas sa défaite. Il veut faire croire qu’il a encore une marge de manœuvre et qu’il peut faire semblant de piloter.
– Ceci l’a conduit à essayer maladroitement, la semaine dernière, de tenter de reprendre la main.
Point à la ligne.
Powell a commis une erreur en octobre 2018 : il n’a pas apprécié le degré de fragilité du monde global et a dû corriger le tir en panique quelques semaines plus tard, alors que les marchés étaient sur le point de se disloquer.
Cette erreur de la rentrée de 2018 a été doublée d’une autre bévue le 20 Mars 2019 quand il s’est montré, on se demande bien pourquoi, excessivement dovish. Il a suscité de nouvelles attentes.
Maintenant que le vin est tiré, il faut le boire… mais notre Powell le trouve amer. […] Cours des actions records, marchés obligataires en ébullition et retour à des conditions financières ultra-souples, Jerome Powell est à nouveau pris à contrepied et il doit, croit-il, jeter un peu d’eau froide, doucher les attentes en faisant croire qu’il va peut-être remonter les taux !
Ah les braves gens !
Tout cela est idiot, absurde et suggère soit que les théories sont fausses soit que les hommes qui les appliquent sont fous… ou peut-être bien les deux à la fois.
Nous vivons à une époque où des marchés financiers mondiaux capricieux, instables, désancrés, produisent les conditions financières, et où les conditions financières produisent les performances économiques.
L’ordre du monde est un sous-produit des plus grandes bulles financières et boursières de l’histoire. Lesquelles bulles, nos zozos banquiers centraux ne l’ont pas encore compris, ont leur dynamique propre. Dynamique intrinsèque de plus en plus exigeante.
À ce stade final, après 10 années de folie monétaire, les bulles gonflent ou se contractent, elles vacillent, elles se déplacent, elles se transmettent… et plus elles gonflent longtemps, plus elles deviennent sensibles. La bulle mondiale était menacée en décembre 2018 comme en 2015/2016, les banquiers centraux mal préparés sont venus fébrilement à la rescousse des marchés.
La prochaine fois, il faudra boire la coupe jusqu’à la lie ; il faudra mettre en place des politiques de sauvetage encore plus désespérées. Ces politiques spolieront encore plus les peuples et surtout les classes moyennes ; il faudra passer aux taux négatifs scélérats.
En attendant on refait un round d’élargissement des inégalités !
Ces politiques affaibliront encore plus les tissus sociaux.
Je soutiens, vous le savez, qu’il n’y a de vérité que du Tout.
C’est pour cela que je traite aussi bien de la finance que de l’économie, de la politique ou de la société.
La finance fait partie du Tout : tout le monde le sait. En revanche, ce que bien peu savent c’est que dans ce Tout, la finance est devenue prédominante. C’est elle qui dicte les choix, c’est elle qui imprime les orientations qui lui conviennent. La finance est un système qui a sa logique propre.
Et maintenant qu’elle est devenue folle et tyrannique, elle détruit nos arrangements sociaux.