▪ La chute de l’euro suscite de nombreuses réflexions. L’une des plus souvent entendues dans la bouche des traders c’est : « waow » !
Suivent de près : « ça va à une vitesse folle, ça ressemble à de la chute libre », ou encore… « on va atteindre la parité avant juin ».
Les salles de marché bourdonnent de débats concernant le dernier brûlot de Goldman Sachs qui anticipe un euro à 0,85 $ fin 2016 |
Et les salles de marché bourdonnent de débats concernant le dernier brûlot de Goldman Sachs qui anticipe un euro à 0,85 $ fin 2016 (retour au contact du plancher historique) puis 0,80 $ en 2017.
Cela peut paraître cohérent : la BCE vient tout juste de commencer à injecter et n’a même pas encore réalisé la moitié de son programme d’achat pour le seul mois de mars. Mécaniquement, avec 1 100 milliards d’euros de plus dans le système, que vaudra notre monnaie unique au mois de septembre 2016 ?
Goldman Sachs table sur un modeste repli d’à peine 1% par mois au cours des 18 prochains mois… et de -5% au cours des 12 mois suivants. Vraiment pas de quoi se prendre la tête à deux mains !
Sauf que l’euro a déjà perdu 25% depuis mars 2014 (dont 5% rien que ce mois-ci)… Ce qui ne s’explique guère par le décalage conjoncturel entre les Etats-Unis et l’Europe — mais bien davantage par la divergence des politiques monétaires poursuivies par la Fed et la BCE.
LA LISTE NOIRE DE L’INVESTISSEMENT |
L’étonnement de nombreux opérateurs, c’est le silence assourdissant de la Fed. Elle n’a pas émis un seul commentaire inquiet par le biais d’un de ses membres (coup de semonce) ou de sa patronne Janet Yellen (coup de sifflet de fin de la récréation).
Nous constatons un laisser-faire total de la part des autorités monétaires américaines… Peut-être la Fed se trouve-t-elle contrainte au silence jusqu’à ce mercredi ? En effet, s’alarmer du comportement du marché des changes avant le FOMC pourrait donner une indication sur l’imminence — ou pas — du début d’un cycle de hausse de taux, avec une majorité d’experts tablant sur la disparition du terme « patience » du communiqué qui sera publié demain soir… préfigurant un premier tour de vis fin juin.
Le grand écart monétaire entre l’Europe et les Etats-Unis serait alors consommé |
Le grand écart monétaire entre l’Europe et les Etats-Unis serait alors consommé.
La dernière fois que les stratégies sont apparues aussi diamétralement opposées, c’était à l’automne 1987 ; Alan Greenspan venait de prendre ses fonctions. La suite des évènements –et la fameuse séance à -22% de Wall-Street à la mi-octobre — figure dans les livres d’histoire (et pas que boursière).
Les investisseurs sont convaincus que tout va bien se passer cette fois-ci puisque la Fed, la BCE et la Banque du Japon nous jouent une fugue écrite à trois mains, où les partitions respectives s’enchaînent et se combinent avec une maestria digne d’un Jean-Sébastien Bach au sommet de son art à Köthen et Leipzig.
Voilà une transition parfaite pour évoquer l’Allemagne — mère-patrie de J.S. Bach — qui jouit depuis 15 jours d’un engouement qui force l’admiration.
▪ Passons outre-Rhin…
Parce que c’est bien l’Allemagne, le principal pays exportateur européen, qui semble le mieux placé pour tirer les plus grands avantages d’un euro faible… loin devant l’Espagne, la Belgique et les Pays-Bas ou l’Italie… et plus loin encore devant la France si l’on se fie à l’avance de 450 points (+4%) que le DAX 30 vient de prendre sur le CAC 40 en 15 jours.
Fin février en effet, le DAX et le CAC « Global Return » étaient à parité (le CAC GR affichant une légère avance d’une douzaine de points le 27 février). Cependant, depuis 15 jours, Francfort place une accélération qui donne l’impression que Paris reste cloué sur place.
Ce rally catapulte le DAX dans la stratosphère et couronne la plus forte hausse jamais observée en 10 semaines depuis 15 ans : +30% depuis le 6 janvier et un plancher de 9 382 points.
C’est une sorte de krach à la hausse — et cela pourrait continuer jusqu’à ce vendredi 20 mars (journée des « Quatre sorcières »). Les 12 000 points sont pulvérisés, à 12 220 au plus haut lundi. Cela représentera une flambée de 46% depuis la mi-octobre : ce serait tout simplement la plus forte hausse de l’histoire du marché allemand en cinq mois.
L’analyse technique est mise en échec sur toute la ligne. Les oscillateurs ne servent plus à rien, toutes les résistances sont explosées, tous les sommets de surachat précédents effacés des tablettes.
Si l’euro continuait de chuter, les 12 200 points ne constitueraient qu’une résistance purement psychologique |
Si l’euro continuait de chuter, les 12 222 points ne constitueraient qu’une résistance purement psychologique et non pas un plafond de verre contre lequel la hausse pourrait venir s’assommer.
Les tensions germano-grecques sont à leur paroxysme ; jamais les évocations d’un « Grexit » n’ont été aussi nombreuses… ni les avis que cela ne serait pas la catastrophe que certains fin-du-mondistes prédisent depuis le début de la crise en 2010.
Dans le cadre d’une possible dislocation de l’Eurozone — son évocation ressurgirait inévitablement –, les valeurs allemandes, potentiellement libellées en euromark dans le cadre d’un « scénario du pire », feraient figure d’actifs refuges.
Sauf qu’aux niveaux de valorisation actuelle… est-ce qu’un marché qui se paye 17 fois les bénéfices — avec des PER qui explosent parmi les leaders du DAX depuis le 6 janvier — peut être considéré comme une protection contre un « Grexit » ?