La gauche a trouvé la panacée, le remède à tous nos maux : la taxe Zucman. Elle pourrait trouver une majorité à l’Assemblée nationale. Faisons le point sur ce qui, en réalité, n’est qu’un poison.
La taxe Zucman, vous connaissez ? Il faut sans doute habiter la planète Mars pour ne pas en avoir entendu parler. Le débat politique est aujourd’hui saturé de ces deux mots, et on les entendra prononcer encore et encore dans les prochains mois, jusqu’à l’adoption définitive du budget pour 2026.
Qu’est-ce que la taxe Zucman ?
A l’origine de la taxe imaginée par l’économiste d’extrême-gauche, il y a un constat : les 0,1 % des Français les plus riches paieraient (nous utilisons le conditionnel car le constat est sujet à caution comme nous le verrons plus loin) proportionnellement à leurs revenus, moins d’impôts que la moyenne des Françaises et des Français.
Comme l’explique la proposition de loi déposée en janvier 2025 par les députés écologistes Eva Sas et Clémentine Autain, ces riches « savent structurer leur fortune pour qu’elle génère peu de revenus imposables. Leurs pratiques d’optimisation fiscale passent notamment par l’utilisation de sociétés holdings, exonérées d’impôt sur les dividendes ».
Les plus grandes fortunes arriveraient ainsi à minimiser leurs revenus. Il convient donc d’instaurer ce que les deux députés écologistes appellent un « impôt plancher sur la fortune » (IPF) permettant de « redonner du sens à la progressivité de notre système fiscal et au principe d’égalité devant les charges publiques ». Cet IPF concerneraient les 4 000 contribuables dont le patrimoine est supérieur à 100 millions d’euros (M€), soit 0,01 % des contribuables. Si l’ensemble des impôts qu’ils paient (IR, CSG, CRDS, IFI, contribution exceptionnelle sur les hautes revenus) ne représentent pas 2 % de leur fortune, ils seront assujettis à l’IPF à concurrence de ces 2 %.
Cette nouvelle contribution, qui toucherait environ 1 800 personnes sur les 4 000 potentielles – ce qui signifierait donc que les 2 200 personnes non concernées paient déjà des impôts à hauteur de 2 % de leur fortune ! – est censée rapporter entre 15 et 25 milliards d’euros (Mds€) par an.
Nous comprenons bien, toujours en lisant la proposition de loi des écologistes, que cet IPF est motivé par deux considérations.
- La nécessité de rétablir les comptes publics : « Le déficit budgétaire de la France pourrait atteindre 6,1 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024, selon la loi de finances de fin de gestion. Ce niveau de déficit exceptionnellement élevé, jamais observé depuis la seconde guerre mondiale hors période de crise, résulte d’une politique systématique de baisse d’impôt depuis 2017, dont l’impact sur les recettes fiscales est estimé à 62 Mds€ par la Cour des comptes. Le choix de diminuer la fiscalité des grands groupes économiques, avec la baisse des impôts de production et de l’impôt sur les sociétés, mais aussi des plus riches avec la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière (IFI), ou la mise en place de la flat tax, ont gravement fragilisé nos comptes publics. »
- L’impérieux besoin de justice sociale : la « politique de l’offre » d’Emmanuel Macron n’a pas provoqué le « ruissellement » attendu. Elle a, au contraire, creusé les inégalités. « En dix ans, les 500 plus grandes fortunes de France ont vu leur richesse augmenter de 1 000 Mds€, de 200 à 1 200 Mds€. Sur cette période, leur patrimoine a augmenté de 8 à 10 % par an. De manière générale, les revenus du capital ont augmenté de 7,3 % en 2022 et de 15,5 % en 2023, soit trois fois plus que les revenus du travail. » Par conséquent, « une taxation minimale sur la fortune est indispensable pour établir davantage de justice fiscale dans notre pays ».
Que l’on se rassure : « Il n’y a aucune crainte à nourrir sur l’impact pour notre tissu productif. Et ce d’autant que les études montrent que l’impôt sur la fortune ne fait pas fuir significativement les contribuables à l’étranger. A titre d’exemple, en 2017 en France, seuls 0,2 % des contribuables éligibles à l’ISF recouraient à l’exil fiscal, selon France Stratégie. »
Reprenons, si vous le voulez bien, chacun des arguments des deux députés écologistes, écrits fort probablement sous la dictée de Gabriel Zucman lui-même.
Les riches paient déjà énormément d’impôts
L’argument phare de Zucman est que les plus fortunés ne paient pas suffisamment d’impôts. C’est évidemment faux pour qui prend la peine de regarder les chiffres : selon la Direction générale des finances publiques (DGFiP), de moins en moins de Français sont assujettis à l’impôt sur le revenu et les plus aisés sont de plus en plus mis à contribution. Ainsi, 76 % des recettes de l’impôt sur le revenu (IR) sont fournies par 10 % des contribuables. Et 40 % de ces mêmes recettes proviennent du 1 % des contribuables ayant les revenus les plus élevés.
Par ailleurs, comme l’a montré une étude récente de l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF), l’impôt absorbe la plus large part des revenus du patrimoine. Alors que les 1 500 Mds€ de revenus d’activité et remplacement rapportent 220,3 Mds€ d’impôts (IR+CSG+RDS), soit un rendement de 14,7 %, les revenus du capital, qui sont d’environ 200 Mds€, rapportent 122,8 Mds€ d’impôts et taxes, soit une contribution de 61,4 %. Les revenus du capital sont donc imposés 4,17 fois plus que les revenus d’activité et de remplacement.
Ajoutons que l’ensemble des prélèvements obligatoires sur le patrimoine en France représentaient 4,4 % du PIB en 2020 pour une moyenne de 2,5 % dans l’Union européenne. Et si l’on peut comprendre que les produits du patrimoine soient taxés, à condition que ce soit du même ordre que les produits du travail, la taxation du patrimoine lui-même, pour sa seule détention, est plus discutable, notamment quand ce patrimoine a été acquis avec des revenus qui ont déjà payé l’impôt.
Les calculs de Zucman sont faux
Le problème est que Mesdames Sas et Autain reprennent aveuglément à leur compte les arguments et les calculs de Gabriel Zucman qui sont faux. Et à plus d’un titre.
Les calculs de Zucman sont d’abord grossièrement erronés parce qu’ils s’appuient sur les travaux de son mentor Thomas Piketty. L’IREF a montré, notamment dans l’ouvrage Anti-Piketty. Vive le capital au XXIe siècle, co-dirigé par Jean-Philippe Delsol, Nicolas Lecaussin et Emmanuel Martin, que l’économiste star raisonnait « sur vingt siècles sans avoir de données fiables pour la majorité d’entre eux » et surtout qu’il faisait reposer sa thèse tout entière « sur l’idée fausse que le taux de rendement du capital puisse être durablement plus élevé que le taux de croissance et que certains puissent s’enrichir sans fin ».
En 2023, le prestigieux Journal of Political Economy démontrait, après avoir repris les calculs depuis 1960, que la part des revenus, avant impôts, les plus élevés était moins importante et avait moins augmenté aux Etats-Unis que Piketty l’affirmait. Après impôts et redistribution, les auteurs de l’étude ont remarqué une augmentation des revenus réels pour toutes les catégories. Les inégalités de revenus aux Etats-Unis n’ont donc pas augmenté au cours des 60 dernières années, contrairement à ce qu’affirme le Français.
Un article qui venait confirmer ce que disait dix années auparavant la revue Social Science History. Piketty lui-même a fini par reconnaître, à demi-mots, que « le monde du début des années 2020, aussi injuste puisse-t-il sembler, est plus égalitaire que celui de 1950 ou celui de 1900, qui étaient eux-mêmes par de multiples aspects plus égalitaires que ceux de 1850 ou 1780 ».
Zucman s’appuie donc sur des données fausses et lui-même se charge de les fausser davantage encore, par exemple en choisissant soigneusement quels prélèvements intégrer dans ses calculs (cotisations sociales, TVA) pour gonfler les taux d’imposition des ménages les plus modestes, et lesquels ne pas prendre en compte (prélèvement forfaire unique ou flat tax) pour minimiser celui des plus riches.
De même, pour ces derniers, Zucman intègre les revenus fictifs comme les dividendes versés à des holdings alors qu’il ne prend pas en compte, pour les autres, les transferts sociaux (prime d’activité, ARS, APL…). Les plus modestes bénéficient de diverses allocations qui leur servent à consommer des biens soumis à la TVA et se voient ainsi appliquer un taux de prélèvement élevé.
Le journal L’Opinion nous apprend d’ailleurs que nombre d’économistes classés à gauche désapprouvent Zucman accusé de tordre les données pour leur faire dire ce qu’il désire.
Nous verrons dans notre prochain article que la taxe Zucman, en voulant imposer les plus riches sur des revenus non perçus, risque d’asphyxier les entrepreneurs, de provoquer des exils fiscaux et de fragiliser l’économie française au nom d’une égalité fiscale idéologique.
1 commentaire
Il y a environ 50 millions de personnes majeures en France : il faudrait trouver 2000 euros par personne pour collecter 100 milliards
2000 euros , ce n’est qu’un mois de revenu médian, reste à adopter une méthode de répartition :
1) du type « poll tax » : 2000 euros par personne quel que soit son revenu.
2) du type « flat tax » : proportionnelle à l’ensemble des revenus à un taux permettant de trouver 2000 euros par contributeur
3) du type « IRPP » : proportionnelle aux revenu individuel dépassant le revenu médian .
4) du type « ISF » : taxation des patrimoines supérieurs à 1300000 euros : 100000 euros en moyenne pour 1 million de payants
5) du type « zucman » : cela ferait 50 millions par personne pour 2000 concernées.