▪ Vous êtes-vous déjà trouvé à regarder un film que vous avez déjà vu au milieu de personnes pour qui ce n’est pas le cas ? Vous connaissez l’intrigue de A à Z ; vos voisins en ignorent tout. Tandis qu’ils sursautent aux passages les plus effrayants, vous restez tranquille sur votre fauteuil. Et quand ils découvrent enfin l’ultime rebondissement, vous avez un petit sourire, parce que vous saviez ce qui allait arriver.
Peut-être faites-vous partie de ceux qui savent garder le mystère et laissent leurs co-spectateurs profiter du spectacle… D’autres au contraire ne peuvent s’empêcher de dire « et alors, là, le tueur… » — ce qui, admettons-le, est passablement énervant pour les autres.
A la Chronique Agora, nous nous faisons un peu l’effet d’être de ces rabat-joie qui, connaissant tout du film, claironnent à la cantonade ce qui va se passer ensuite, qui est l’assassin et comment va mourir la fiancée du héros.
S’agissant de cinéphilie, cela fait de nous des personnes assez irritantes.
S’agissant de finance, en revanche… cela fait de nous ceux qui ont vu venir l’effondrement de l’immobilier US, le krach des subprime qui s’en est suivi, l’envolée de l’or et ainsi de suite.
Et ça continue en ce moment : comme nous le répétons depuis des mois et des mois, nous sommes dans une Grande Correction. Les banques centrales, les dirigeants commencent à s’en rendre compte ; les investisseurs aussi.
Ils réalisent qu’une récession en double creux est inévitable ; que la Zone euro est mal partie ; que les Etats-Unis sont à la peine ; que les choses commencent à mal aller en Chine. Pire encore, ils réalisent que les autorités mondiales, malgré tous leurs remèdes inventifs et « non-conventionnels », sont impuissantes face à la crise. Et ils paniquent, comme nous l’avons constaté jeudi dernier.
▪ Mais nous sommes dans un contexte si extraordinaire que le film ne se finira peut-être pas comme nous le pensions, même nous.
Bill l’expliquait vendredi :
« Nous avons cru que le désendettement américain serait plus court. Nous voyions ça comme une bataille entre les forces de la déflation (les marchés) et les forces de l’inflation (les autorités). Nous pensions que les autorités auraient déjà gagné. Après tout, elles ont une planche à billets ».
« Les autorités ont effectivement fait marcher la planche à billets. Elles ont ajouté des milliers de milliards de dollars de cash et de crédit. Et alors ? L’effet n’a pas été révolutionnaire. L’inflation est basse… et apparemment à la baisse. Si l’économie retombe en récession, l’IPC pourrait même devenir négatif ».
« En deux mots, la Grande Correction semble être encore plus grande que ce que nous pensions. Elle a complètement pris de court les autorités. Elle a fait passer les rendements obligataires à leurs plus bas niveaux en six décennies. Elle a fait couler les prix des maisons américaines. Elle a supprimé sept millions de personnes de la main-d’oeuvre US ».
Le plus inquiétant, c’est qu’il ne semble y avoir aucune porte de sortie, comme l’indique Simone Wapler dans son Investisseur Or & Matières :
« Qu’est-ce qui tire actuellement la croissance mondiale ? Rien. Imaginez les économies comme des bateaux en panne de moteurs qui continuent à avancer sur leur erre, poussés uniquement par l’inertie. La distance d’arrêt d’un porte-avion ou d’un pétrolier se mesure en milles nautiques. Aujourd’hui, le pétrolier ‘Chine’ continue à avancer un peu plus vite que les autres. Mais comme les autres, sans véritable poussée moteur ».
« Les révisions à la baisse de croissance mondiale par le FMI faisaient la une de vos journaux mercredi 21 septembre. Portugal, Grèce et Japon sont en récession et le resteront en 2012 (sauf le Japon, semble-t-il). Les croissances prévisionnelles pour 2012 de l’Europe et des Etats-Unis sont proches du ‘bruit statistique’, de la marge d’erreur. La croissance mondiale s’afficherait donc en 2012 à 4%, comme en 2011. Etrange stabilité alors que la Chine freine ».
Un peu partout, le ciel s’assombrit… et comme dirait Bill, nous préférerions être dans un endroit sûr lorsque l’orage tonnera.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora