▪ Aujourd’hui, nous revenons en terrain familier. Nous en avons déjà parlé : il s’agit du ralentissement de l’économie. De la surévaluation des actifs (surtout les actions boursières). De l’immense augmentation de la dette. Du programme d’assouplissement quantitatif de la Fed.
Malgré tous ces traits familiers, le paysage reste insolite… et mystérieux.
Revenons un peu en arrière.
Les fondations de l’étrange économie actuelle ont été posées dans les années 60 et 70. En 1968, la devise américaine a été, dans les faits, détachée de l’or. En 1971, les pays étrangers ne pouvaient plus échanger leurs dollars contre de l’or, faisant du dollar la devise de réserve mondiale. A partir de là, l’offre de monnaie et de crédit a été en grande partie enlevée des mains invisibles d’une économie libre, pour être remise à des économistes travaillant pour la banque centrale américaine, la Fed.
Ces économistes avaient une théorie — qui paraît d’une naïveté infantile mais qui semble néanmoins fonctionner en pratique, jusqu’à présent |
Ces économistes avaient une théorie — qui paraît d’une naïveté infantile mais qui semble néanmoins fonctionner en pratique, jusqu’à présent. Plus on peut pousser de gens à emprunter, ont-ils raisonné, plus il y a de demande pour les biens et les services… et plus l’économie produit… donnant à tout le monde plus d’accès à l’emploi, aux revenus et à la satisfaction d’obtenir quelque chose en l’échange de rien. Selon cette théorie, tant que les prix à la consommation ne prennent pas le mors aux dents, on peut ajouter de plus en plus de crédit, stimulant la croissance.
▪ Succès total… ou pas
Après quelques bricolages dans les années 70, la nouvelle économie nourrie par le crédit a commencé à prendre forme dans les années 80. Depuis, 33 000 milliards de dépenses, d’achats, d’investissements, de production, de consommation et de spéculation ont eu lieu — entièrement financés par du crédit additionnel. C’est-à-dire que si le ratio dette/PIB était resté constant, il y a eu approximativement 1 000 milliards de dollars par an d’activité économique en moins au cours des trois dernières décennies.
Quel succès pour les économistes, non ?
"Non ?" est à la fois notre supposition et notre question.
Durant quasiment toute cette période, de 1980 à 2013, non seulement les prix à la consommation n’ont pas pris le mors aux dents — mais en plus, ils ont semblé se mettre au pas, avec des chiffres de l’IPC en chute progressive (aidés par des statistiques bidouillées !) de plus de 13% en 1980 à tout juste 1% aujourd’hui.
Voici toutefois la partie curieuse et incompréhensible.
Si vous gagniez 100 $ par semaine, vous dépenseriez normalement 100 $ par semaine. Si vous aviez 10 $ d’épargne… votre épargne représentait du pouvoir d’achat en réserve. Vous pouviez donc décider, une semaine, de dépenser aussi cette somme. Durant cette semaine, vous pouviez profiter de 110 $ de ce que le monde avait à offrir. Et l’économie autour de vous pouvait profiter de 10 $ de demande.
Les 33 000 milliards de dollars dépensés par les Américains lors des quatre dernières décennies ne provenaient pas de l’épargne |
▪ Milliards et poudre de perlimpinpin
Sauf que les 33 000 milliards de dollars dépensés par les Américains lors des quatre dernières décennies ne provenaient pas de l’épargne. Ils sont nés de rien — des banques centrales et du système bancaire. Ils ne représentaient pas des ressources qui avaient été mises de côté — comme des semences de maïs — pour alimenter la future croissance. Personne ne s’est privé d’un seul repas ni même d’une seule bière pour épargner cet argent. Personne ne s’est donné la peine de travailler une heure de plus pour le gagner.
Maintenant, si la personne avec les 10 $ d’épargne les avait prêtés à quelqu’un d’autre… et que l’emprunteur les avait dépensés… l’effet aurait été le même que s’il les avait dépensés lui-même. Donc si l’économie avait emprunté 33 000 milliards de dollars de l’épargne… et les avait dépensés… on constaterait le même effet, n’est-ce pas ?
Et si ces 10 $ ou ces 33 000 milliards de dollars ne pouvaient pas être remboursés ? Dans ce cas, l’épargne serait perdue. Les épargnants en seraient pour leurs frais. Mais au moins, ça aurait un sens. Les voitures, centres commerciaux, vacances, retraites, gadgets idiots, complications administratives et produits financiers de perlimpinpin auraient été financés par du véritable argent. Ils existeraient pour une raison, quand bien même celle-ci ne serait pas nécessairement la bonne.
Mais que se passe-t-il si les 33 000 milliards de dollars de crédit pur, non-adossés à de l’épargne, ne peuvent pas être remboursés ? Qui en est de sa poche ? Qui perd ?
Et comment toutes ces choses réelles… les 33 000 milliards de dollars de biens et services… en sont venues à exister, purement et simplement, en l’absence de véritable argent ou ressources pour les financer ?
Est-ce que quelqu’un d’autre s’en inquiète ? Sommes-nous seul sur cette question ?
3 commentaires
Bonjour Bill.
L’argent peut-il se perdre?
Disons que vous êtes l’heureux propriétaire d’un Van Gogh. Vous l’avez acheté 80 millions de dollars. Mais un accident détruit la toile et vous n’êtes pas assuré. vous venez de perdre un magnifique Van Gogh. Ou vous avez perdu 80 millions de dollars. Cet argent a-t-il disparu? NON. Seul ce qu’il a servi a acheter à disparu. L’argent n’est pas une richesse en soi, ce n’est qu’un moyen de paiement. la vrai richesse, c’est le bien que l’on peut acheter avec. Et cette richesse est relative. Pourquoi cette toile peinte valait 80 millions de dollars? Qui l’avait décrété? Personne, mais des gens étaient prêts à mettre cet argent pour l’avoir. Autrement dit le prix des choses est fonction du désir que l’on en a. La richesse est du désir. (Désir vital quand il s’agit de s’acheter à manger, désir futile quand on s’achète un bijou, mais désir toujours). L’argent ne joue le rôle que de catalyseur. Il vous permet de réaliser votre désir, mais il n’est pas le désir. Il n’est rien en soi. N’étant rien, on ne peut pas le perdre. On ne perd que ses rêves.
Possiblement l’obsolescence des choses est devenue plus rapide qu’à l’époque de la monaie or. Cette création massive de monnaie « à partir de rien » part pour sa plus grande part en fumée via des produits renouvelés plus souvent, des services absolument inutiles etc.
Ca fait tourner la machine qui ne marche pas sans croissance et à l’intérieur des pays manufacturiers ça a peu d’incidence, des mécanismes de redistribution compensent les perdants de l’économie de la dette.
La richesse réelle, ce que les gens possèdent réellement n’a pas augmenté proportionnellement aux chiffres de l’émission de monnaie. On consomme plus vite avec de l’argent qu’on « gagne » plus vite également des choses qu’on abandonne plus vite. Les seuls à avoir de la croissance sont ceux qui prélèvent une dime à chaque nouveau billet émis.
La perte est là, on pourrait avoir cinq voitures, cinq tondeuses à gazon, trois frigos et dix razoirs électriques -si on en restait aux critères de durabilité les produits d’après guerre- grâce à cette dette, sauf qu’ils sont tous tombés en panne et qu’on les a jetés sans les réparer. On a par contre brassé bien plus d’argent ce qui fait de nous des riches.
Les grands perdants, et ceux qui « payent » pour les autres ce sont les humains qui ne savent pas fabriquer, le tiers monde pour être caricatural. Ils travaillent, exportent leurs matières premières peu cher puisqu’elles sont payées avec de la dette et rachètent cher (car eux ne payent pas en dettes) des produits qui sont vite obsolète et leur travail et leur richesse est ainsi absorbé par le premier monde.
Ce sont ces personnes qui paient l’addition de la dette selon moi car eux même n’en créent pas pour payer leurs factures.
De ce point de vue les économistes occidentaux des années 60 sont des génies.
Au moins tant que le tiers monde ne se rend compte de rien ou n’est pas capable de sortir du tuyau de l’aspirateur à richesses occidental.
La monnaie n’est qu’un voile, la réalité c’est la production de biens et services.
Le mode de création monétaire actuel est découplé de la création réelle de richesse, il génère trop ou pas assez de liquidités pour que les échanges se fassent normalement.
Il faut redonner à la monnaie ses vrais parents, l’activité et l’échange. Le système doit s’adapter à la création de richesse et à la demande de consommation.
Mais pour que les rentiers profitent de leur rente, on a mis en avant la fonction de conservation de la monnaie et l’on s’est battu contre l’inflation qui rogne les marges.
Avec leurs tâtonnements de « quantitative easing » les banques centrales répondent plus ou moins au besoin de monnaie, mais elles répondent d’avantage aux besoins des joueurs de casino que des vrais créateurs de richesse.
Va-t-on continuer longtemps comme cela ?