▪ Nous étions un lundi, c’est le mois de novembre, les indices grimpent avec une touchante unanimité… Ne cherchez pas, c’est écrit comme ça dans le scénario.
Il était également écrit dès vendredi soir que Wall Street inscrirait une nouvelle série de records à 72 heures de l’orgie consumériste de Thanksgiving et du Black Friday (début des soldes massives d’avant la période des fêtes).
Il fallait marquer les esprits pour placer cette semaine cruciale (et semi-fériée) aux Etats-Unis sous les meilleurs auspices boursiers. Le Nasdaq a donc été arraché vers les 4 000 points à l’ouverture (4 007) avant de retomber vers 3 995 points (+0,1%) une poignée de minutes plus tard.
Peu importe ce qui pouvait arriver par la suite, les médias ont pu titrer sur LE NASDAQ QUI TESTE LES 4 000 pour la première fois depuis l’automne 2000.
Nouveau record absolu également pour le Russell 2000 à 1 127 points. Cependant, l’épargnant lambda retiendra surtout que le Dow Jones — le plus médiatiques des indices américains — a poursuivi sans faiblir sa course aux records avec le franchissement des 16 100 points.
Une nouvelle thématique "piège à gogos" s’est répandue comme une traînée de poudre à travers les salles de marché lundi. Elle a été immédiatement reprise comme un roulement de tambour par les médias financiers américains : à dollar constant, il faudrait rajouter 20% sur les niveaux record de l’été 2007 pour qu’un actionnaire ait battu l’inflation.
Autrement dit, le S&P 500, par exemple, ne vaut pas 15% de plus que le 9 octobre 2007 (1 565 pour sa précédente meilleure clôture historique) mais 5% de moins, l’objectif étant de 1 885 points.
▪ Refaisons le calcul
Attendez un peu, combien valait le dollar au soir du 9 octobre 2007 ? 1,41/euro ! Et le 25 novembre 2007 ? 1,4850.
Est-ce que le billet vert n’aurait pas plutôt repris quelque chose comme 5% en six ans face à l’euro ? Et est-ce que l’inflation cumulée depuis novembre 2007 dépasse les 25% ?
De façon difficilement contestable, elle se situe autour de 15/16% !
Mais alors, si l’on tient compte de la réappréciation du dollar, cela ne fait pas plus de 10% d’érosion monétaire (15-5 c’est tout bête) pour un gérant qui répartit équitablement ses actifs entre Wall Street et la Zone euro. Nous voici très loin des 20% dont les marchés se gargarisent.
Face au yen ? Le dollar a gagné 15% depuis fin novembre 2007 : pour un gérant japonais, l’inflation des six dernières années n’est même pas mesurable… elle est nulle à négative.
Et le dollar n’avait pas l’air de vouloir rechuter vers 1,50/euro hier. Il se reprenait même légèrement à 1,3485/euro alors que le rendement du 30 ans se rapprochait des 4%.
Mais qui oserait penser qu’une telle dérive puisse un jour poser problème ? La Fed ramasse depuis un an pas loin de 100% des titres émis par le Trésor US sur cette maturité de référence pour le marché hypothécaire. Comment imaginer qu’elle ne parvienne pas à exercer un contrôle total sur l’évolution du 30 ans ?
Du coup, la remontée des taux longs pourrait expliquer en partie le recul surprise des promesses d’achat de maisons neuves (-0,6% au lieu de +2% attendu) aux Etats-Unis au mois d’octobre.
▪ Feuille de route haussière
Pas question toutefois de s’attarder sur les chiffres du jour : il y avait une feuille de route haussière sur les places boursières et le reste n’est que littérature.
Ainsi, le CAC 40 s’est hissé au-dessus des 4 300 points — mais dans des volumes dignes d’une période de 15 août (2,13 milliards d’euros échangés).
Où sont donc les acheteurs et ces cohortes de gérants prétendument sous-investis qui piaffent d’impatience de se renforcer ?
Ils se montrent soit très habiles, soit d’une furtivité remarquable… Le CAC 40 gagne en effet moins de 2% depuis le 19 septembre dernier (soit deux mois et une semaine) — et c’est bien parti pour une sixième semaine de plafonnement entre 4 240 et 4 320 points (et 4 260 et 4 299 pour 90% des échanges sur la période considérée).
Les optimistes sont convaincus que le CAC 40 va sortir par le haut de ce corridor d’une durée exceptionnelle pour combler à coup sûr son retard sur Francfort et Wall Street, d’où l’anticipation d’un test imminent des 4 400 points.
C’est tout de même assez curieux que personne ne s’interroge au sujet de la surperformance de Francfort ces huit dernières semaines : la progression relative des profits des entreprises du DAX 30 cette année ne l’explique pas. Pas plus qu’on ne se pose de questions sur la soutenabilité du rally des indices américains.
Ah, mais que nous sommes distrait ! Wall Street évolue 20% en-deçà de ses records 2007 à dollar constant !
Et sans des mensonges constants, sans les 3 000 milliards de dollars de fausse monnaie imprimée depuis octobre 2008… le S&P 500, il vaudrait quoi ?