« Il n’y a pas d’inflation », soutient la BCE envers et contre tout. Pendant ce temps, dans le monde réel, les prix de l’alimentation et du carburant grimpent… tout comme les tensions sociales.
Une fois en place, les politiques monétaires dites expansionnistes ne peuvent pas être stoppées. Est-il possible que quiconque à la BCE pense réellement que les Etats dont le déficit structurel est supérieur à 4% du PIB par an ont l’intention de rééquilibrer leurs budgets lorsqu’ils pourront émettre de la dette à des taux négatifs ? Quiconque à la BCE pense-t-il honnêtement qu’après la crise du Covid-19, les gouvernements réduiront leurs dépenses ?
D’innombrables excuses seront inventées pour pérenniser une politique budgétaire et monétaire dont les résultats sont pour le moins décevants compte tenu de l’énorme quantité de ressources utilisée.
La pire excuse de toutes est qu’« il n’y a pas d’inflation ». C’est comme conduire une voiture à 300 km/h sur l’autoroute, regarder dans le rétroviseur et déclarer : « Nous ne nous sommes pas encore tués, accélérons encore plus ? »
L’inflation des prix des actifs
Il n’est pas surprenant qu’un nombre croissant de manifestations se soient produites dans la Zone euro contre l’augmentation du coût de la vie bien que la banque centrale nous affirme qu’« il n’y a pas d’inflation ».
Il est également pour le moins imprudent de dire qu’il n’y a pas d’inflation sans tenir compte des actifs financiers dont les cours se sont envolés en raison de cette politique.
Les faits que les obligations souveraines à 10 ans de pays insolvables affichent un rendement négatif représente une inflation considérable.
La hausse des prix des biens et services non reproductibles, qui dans de nombreux cas est trois fois plus rapide que le taux d’inflation officiel, constitue une inflation considérable.
La forte augmentation des loyers et des prix de l’immobilier n’est pas correctement prise en compte dans l’inflation officielle.
Il est particulièrement préoccupant que les politiques monétaires actuelles encouragent des dépenses improductives et le maintien de surcapacités. Cela a pour conséquence de freiner la croissance de la productivité, ce qui implique des salaires moins élevés dans le futur.
Pendant ce temps, dans la vie réelle…
Une étude récente réalisée par Alberto Cavallo, de la Harvard Business School, alerte de l’existence d’un différentiel entre l’inflation réelle subie par les consommateurs, en particulier les plus pauvres, et l’IPC officiel (Indice des prix à la consommation).
Prenons par exemple l’IPC de la Zone euro au mois de novembre. Il ressort en baisse de 0,3%. Il n’y a donc pas d’inflation, n’est-ce pas ?
Cependant, d’après ces mêmes données, les aliments frais ont augmenté de 4,3% et les services de 0,6% alors que l’énergie a chuté de 8,3%. Pourtant, aucun citoyen européen n’a pu constater une baisse de 8,3% de sa facture énergétique, puisque ni l’essence, ni le gaz naturel, ni l’électricité (taxes comprises) n’ont diminué de la sorte.
En fait, si nous analysons l’évolution du coût de la vie en nous basant sur les biens et services que nous utilisons réellement de façon fréquente au quotidien, nous pouvons constater qu’au cours d’une crise sans précédent comme celle de 2020, les prix supportés par les consommateurs de la classe moyenne et des couches les plus pauvres de la population augmentent beaucoup plus vite que ce que montre l’IPC.
Cela, combiné à l’effet de distorsion que constitue l’inflation massive des actifs financiers, génère de graves problèmes sociaux.
Des risques ignorés
Le fait que, pour le moment, des risques considérables restent imperceptibles – du moins pour les dirigeants de la banque centrale européenne – ne signifie pas qu’ils ne soient pas réels et de plus en plus importants.
Les obligations à rendement négatif, qui représentent à présent un montant record de 18 000 Mds$ dans le monde, principalement en Zone euro et au Japon, ne sont pas un signe de confiance, elles font plutôt peser un risque considérable de stagnation séculaire.
Lorsque les dirigeants d’une banque centrale soutiennent qu’ils ne font que proposer un outil, mais qu’ils donnent en même temps des recommandations de politique fiscale et budgétaire encourageant à « ne pas craindre la dette » et à dépenser davantage, non seulement la banque centrale perd son indépendance, mais c’est une situation comparable à celle d’un barman qui n’arrêterait pas de vous servir des verres d’alcool, vous encouragerait à en consommer sans limite, puis s’indignerait que vous soyez ivre.
Le développement de ces grands déséquilibres comporte des risques importants – et ce n’est pas une prédiction que je fais ici. C’est déjà une réalité.
L’énorme déconnexion qui existe entre les actifs financiers et l’économie réelle, le fait que des Etats insolvables parviennent à se financer à des taux négatifs, les bulles sur le marché immobilier et les actifs liés aux infrastructures, le niveau historiquement bas des taux d’intérêt sur les dettes de mauvaise qualité ou de sociétés zombies, la démultiplication des investissements à effet de levier dans des secteurs à haut risque, etc. Qu’une grande institution monétaire ignore ces éléments est plus que dangereux, c’est irresponsable.
Ce n’est pas le moment de faire n’importe quoi à n’importe quel prix sans se préoccuper des conséquences futures. Il est temps au contraire de défendre une monnaie saine. Sinon, la crédibilité des institutions s’effritera encore davantage alors que les partisans du consensus général chanteront tous en chœur alléluia pendant que l’édifice s’effondre autour d’eux.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici