Des Etats-Unis à l’Europe, en passant par les anciennes colonies, la démocratie s’est imposée comme le modèle politique dominant. Mais avec le temps, son essence s’est diluée, capturée par des élites déconnectées du peuple.
Les Etats-Unis ont eu l’avantage des premiers arrivants. Leur déclaration d’indépendance en 1776 a marqué le début de l’ère de la démocratie. La France a traversé un bouleversement plus chaotique en 1789, avant de revenir sous la domination d’un Grand Chef quelques années plus tard, avec le couronnement de Napoléon.
Toutefois, la démocratie est restée la tendance politique dominante aux XIXe et XXe siècles.
L’idée était que les nations pouvaient être gouvernées par des principes, des règles et des lois, plutôt que par la volonté de dictateurs, de rois ou d’hommes forts.
Les Etats-Unis ont rédigé une Constitution, un ensemble de règles consignées sur papier et plus ou moins acceptées par tous. Les défis auxquels la jeune nation serait confrontée devaient être relevés dans le cadre de ce plan.
Le pouvoir était structuré à travers des institutions. Les lois seraient rédigées par des représentants élus siégeant au sein des parlements. Leur application reviendrait au président, lui aussi élu par les citoyens. Quant aux conflits, ils seraient réglés au sein des tribunaux.
Ce modèle séduisant est rapidement devenu l’un des principaux produits d’exportation des Etats-Unis. Après la défaite des Grands Chefs, Adolf Hitler et Benito Mussolini, les nations européennes l’ont adopté sans réserve.
Puis, après 1945, dans le monde entier, la « démocratie » est devenue aussi à la mode que le Coca-Cola et les autoroutes. Les pays africains ont adopté des versions du système politique américain. Ho Chi Minh, au Vietnam, était également favorable au modèle américain, jusqu’à ce que les Etats-Unis le rejettent. Le Mexique, les Philippines, la Chine ont tous été influencés par le système démocratique américain.
Et puis, avec ses 800 bases avancées et les espions de la CIA encourageant les changements de régime dans des dizaines de pays, le modèle américain est devenu plus sinistre. Mais il s’agissait toujours d’un ordre « fondé sur des règles », dont le champ d’application ne cessait de s’étendre.
L’Organisation mondiale du commerce a promu des règles pour le commerce. L’UNESCO a cherché à appliquer le leadership américain à l’éducation, à la science et aux arts, tout comme l’ONU elle-même a offert une version de la démocratie parlementaire mondialisée à l’ensemble de la planète.
Enfin, il y a le pouvoir judiciaire : la Cour internationale de justice, la Cour pénale internationale et même le Tribunal international du droit de la mer. Tous sont censés offrir des moyens de régler les différends sans avoir recours aux Grands Chefs ou à la guerre.
Nous laisserons la question de savoir quand exactement le « pic de démocratie » à d’autres. Peut-être était-ce en 2005, lorsque l’Irak a tenu ses premières élections après l’invasion américaine. Les électeurs ont brandi leur index taché de violet pour montrer qu’ils avaient accepté le gag.
A ce moment-là, il y avait déjà quelque chose de factice. La démocratie mondialisée était en train de devenir décadente – soutenue, ou imposée, par le budget militaire américain hors normes. Les Etats-Unis avaient conquis l’Irak et remplaçaient les élites précédentes par celles de leur choix. Il n’est donc pas surprenant qu’un ancien agent de la CIA, Ayad Allawi, soit devenu Premier ministre.
Plus l’échelle est grande, plus l’escroquerie est importante. A petite échelle – par exemple, une petite ville ou une paroisse – la démocratie peut fonctionner de manière raisonnablement efficace. Tout le monde connaît les questions politiques, ainsi que les personnes qui les soutiennent. Ce sont tous des élus locaux. Les enjeux sont clairs, gérables. Le peuple peut réellement avoir un gouvernement par lui-même, pour lui-même et issu de lui-même.
Ce n’est pas le cas des Etats-Unis, et encore moins des institutions « démocratiques » mondialisées. Le pouvoir les corrompt. Le temps et la distance les corrodent. Au lieu d’être par, pour et issu du « peuple », le gouvernement est pris en charge par des élites restreintes et privilégiées qui consacrent toute leur carrière à soutirer richesse et pouvoir aux personnes qu’elles sont censées servir.
Ces élites mondialisées, issues de la même culture, des mêmes écoles, de la même idéologie, sont très différentes des « gens » qui votent pour elles. Et soudain, il devient évident qu’elles méprisent leurs électeurs. C’est ainsi que les démocrates ont perdu le soutien de leur propre base, après avoir qualifié de « déplorables » (Hillary Clinton) ou « d’ordures » (Joe Biden) ceux qui n’adhéraient pas à leurs fantasmes d’amélioration du monde.
L’électorat n’est peut-être pas très brillant ni très bien informé, mais il n’aime pas être insulté. C’est pourquoi, le 5 novembre 2024, les électeurs ont choisi un autre type d’homme politique qui signale une toute nouvelle – mais bien plus ancienne – tradition gouvernementale : la politique du Grand Chef.
Le Grand Chef n’est pas nécessairement meilleur ou pire que le modèle démocratique. En revanche, il est souvent aveuglé par son propre génie et commet de graves erreurs. Les Grands Chefs ont tendance à surestimer leurs propres capacités et à aller trop loin, souvent avec des conséquences désastreuses.
D’un autre côté, un Grand Chef est capable de faire des choses qu’un « démocrate » plus conventionnel, tel que Joe Biden, ne pourrait pas faire.
Le système démocratique actuel, comme un vieux chêne qui abrite maintenant des écureuils, des vers, des oiseaux, des vignes et d’autres parasites, ne peut pas se réparer lui-même. Les parasites sont aux commandes.
Le Grand Chef, moins redevable aux élites, pourrait être en mesure de faire le ménage. En gouvernant par décrets – des ordres exécutifs plutôt que des lois –, il met à la poubelle des milliards de dollars de dépenses insensées… et se débarrasse d’une grande partie du baratin qui a conduit les démocrates à leur défaite bien méritée.
S’il était sage et bien intentionné, un Grand Chef pourrait également mettre fin à l’emballement des dépenses fédérales, équilibrer le budget et sauver le pays d’une catastrophe fiscale. Il pourrait aussi ramener les troupes à la maison, réduire le budget militaire et éviter de nouvelles aventures coûteuses et désastreuses.
Mais aussi grand qu’il soit, il n’est jamais totalement indépendant des tribunaux, du Congrès, de la bureaucratie, de Wall Street, des lobbyistes, de l’Etat profond, de l’armée, des donateurs… ou des riches. Même Louis XIV n’a pas exercé un contrôle absolu sur le gouvernement ; il a eu encore moins de contrôle sur le pays lui-même. Dans tous les cas, une armée d’exécutants, d’informateurs, d’influenceurs, de bourreaux et d’administrateurs volontaires est nécessaire.
Si l’on en croit son discours de mardi dernier, M. Trump a trouvé ses applaudisseurs serviles, prêts à accueillir avec entrain chacune de ses bêtises.
Demain, nous verrons comment il pourrait s’attaquer à la plus grande menace qui pèse sur les Etats-Unis… Ou pas.
2 commentaires
Oui. La Démocratie ? La République ? Ces termes se sont tellement dilués qu’il n’ont plus aucune signification pratique. La démocratie Soviétique ou Populaire de Chine n’a rien à voir avec la démocratie aux USA. Même les USA de l’horrible Trump. L’Algérie est une République Démocratique et Populaire…quand le Maroc est un royaume. L’Afrique Noire regorge de pays qui se proclament démocratie ou république. La Démocratie ou la République française a dans la réalité infiniment peu de points communs avec la démocratie ou la République dans la Confédération Suisse.
Toujours un plaisir de vous lire, merci. Notre droit, celui de l’Occident, des Etat Unis à l’Oural trouve ses sources dans le droit Romain augmenté de « coutumes ». Tel n’est pas le cas sur les autres continents. C’est un « bon » système » si les magistrats restent la bouche du droit, ce qui n’est plus le cas, faute de contrepouvoir. Je partage les observation de Jean Louis Mazières sur le concept de démocratie. Remarque, c’est la France qui a « rejeté » Ho chi minh, en 1945, France qui n’a pas tenu ses promesses. Staline était un grand chef et il l’est resté, pour les survivants, à en croire la roman national Russe. Enfin Mussolini n’a commis qu’une faute : s’allier à Hitler. L’huile de ricin est un bon remède et n’a jamais tué personne. Les Occidentaux ont rejeté cet homme toujours respecté par les Italiens. Votre conclusion tendent à démontrer qu’un peuple en péril a besoin d’un grand chef, certainement, mais comme vous l’écrivez, également, avec des contrepouvoirs, reste à savoir lesquels et comment.