Le puissant empire américain arrive-t-il en fin de vie ? Les signes avant-coureurs du naufrage sont là depuis quelque temps…
Nous essayons de garder nos distances avec la politique. Mais telle une brute dans un bar, elle se rapproche toujours de nous. Son haleine sent l’alcool.
L’inflation est fondamentalement une question de politique gouvernementale. Les politiciens veulent plus d’argent qu’ils ne peuvent en obtenir en taxant et en empruntant. En général, ils en ont besoin pour financer des programmes coûteux et improductifs, tels que la redistribution des terres (Zimbabwe), la corruption des électeurs (Argentine) ou la guerre (Allemagne). Partout et toujours, il s’agit d’une façon de dépouiller le plus grand nombre au profit de quelques-uns.
Et ce n’est pas un phénomène totalement imprévisible. On identifie plusieurs schémas définis à travers l’histoire. Sur les marchés, la tendance principale fixe un cap qui peut se poursuivre pendant plusieurs décennies, quelles que soient les actualités.
Le cycle des taux d’intérêt, par exemple, peut durer toute une vie. Les taux d’intérêt ont atteint des niveaux historiquement bas après la Seconde Guerre mondiale. Ils sont remontés… et n’ont retrouvé leur niveau plancher qu’en 2020, soit plus de sept décennies plus tard.
Un schéma familier
En politique, l’une des tendances les plus fortes est celle de l’arc de l’empire – au départ, il est sérieux, dynamique et humble (les Etats-Unis au XIXe siècle)… puis devient un hégémon puissant, fier et admiré (les Etats-Unis au XXe siècle)….pour ensuite atteindre la sénilité la dégénérescence (les Etats-Unis au XXIe siècle) – le schéma est familier ; il semble « naturel ».
A une échelle encore plus grande, la gloire éclatante de l’ensemble du monde anglophone, depuis la défaite de l’Armada espagnole en 1588 jusqu’à sa propre défaite au Vietnam, en Irak et en Afghanistan cinq siècles plus tard, est en train de virer au gris.
Les Britanniques « régnaient sur les vagues » au XIXe siècle. Les Etats-Unis ont pris le relais après la Première Guerre mondiale et ont régné sur le XXe siècle. Aujourd’hui, les sanctions américaines toucheraient un tiers de l’humanité, sans grand effet.
Malgré toutes les fanfaronnades de la presse, les Russes semblent être en train de gagner leur guerre en Ukraine. La France a annoncé qu’elle pourrait suivre sa propre voie. Les Japonais se réarment. La Chine commence à jouer un rôle de plus en plus important sur la scène internationale. Les BRIC développent leur propre monnaie de réserve… tout en affirmant leur indépendance. Le prestige, le pouvoir et la richesse des anglophones – par rapport au reste du monde – sont clairement en train de s’effriter.
Il y a près de 20 ans, lorsque nous avons écrit notre livre L’Empire des Dettes avec Addison Wiggin, nous avons vu ce qui se profilait à l’horizon. Les Etats-Unis ont conquis. Mais ils ne pouvaient pas gagner. Ils pouvaient détruire des gouvernements étrangers… mais ils ne pouvaient pas construire une démocratie. Ils ont dépensé de l’argent pour pouvoir gérer leur empire – près de 1 500 Mds$ par an –, mais ils n’avaient pas de revenus pour les payer.
Voilà l’essentiel de notre argumentaire, à l’époque… et aujourd’hui.
Les choses ne vont pas bien se terminer.
Les barbares débarquent
En ce qui concerne la politique actuelle…
… ce qui est peut-être le plus remarquable, c’est que très peu de personnes s’opposent à ce programme, qui est le plus susceptible de nous ruiner. Les Etats-Unis n’ont pas d’ennemis qu’ils ne se sont pas eux-mêmes créés. La Russie ne va pas envahir l’Alaska. Le Canada ne va pas envoyer de soldats pour prendre le contrôle du Minnesota. La Chine ne prépare pas une attaque contre la Californie. Et il est très peu probable que les Mexicains marchent sur Houston.
Pourtant, des milliers de milliards de dollars sont dépensés au nom de la « sécurité nationale ». Dans le brouhaha sur le plafond de la dette, aucun membre du Congrès n’a même suggéré la solution évidente : réduire de quelques centaines de milliards le budget de l’empire. Au lieu de cela, les deux partis ont convenu d’exempter le Pentagone et ses fournisseurs de toute réduction de budget.
Les derniers présidents américains à avoir voulu faire bouger les choses sont Eisenhower et Kennedy, il y a plus d’un demi-siècle. Dans son discours de fin de mandat, Eisenhower a mis la nation en garde contre l’armée. Héros de guerre célèbre, il savait mieux que quiconque à quel point le complexe militaro-industriel pouvait être pervers et corrompu.
JFK était lui aussi un héros de guerre. Selon son neveu, RFK Jr, le jeune président avait été manipulé par la CIA. Selon lui, l’invasion de la baie des Cochons a été intentionnellement bâclée pour contraindre Kennedy à envoyer le Pentagone à la rescousse.
Mille morceaux
Au début des années 1960, la CIA suivait ses propres lois… avait un budget confidentiel, et apparemment illimité. C’était un gouvernement au sein d’un gouvernement… la partie la plus profonde du Deep State. Elle soutenait des révolutions et des coups d’Etat. Elle a tenté d’assassiner des dirigeants étrangers. Elle agissait sans scrupules dans une grande partie du monde ; elle a financé la débâcle de Cuba.
Mais au lieu d’envoyer des avions pour couvrir l’assaut sur la baie des Cochons, le président Kennedy a enrayé les forces américaines… et a juré de casser la CIA « en mille morceaux ». Deux ans plus tard, Kennedy a été assassiné… et la CIA est devenue plus puissante que jamais.
Depuis lors, le complexe militaro-industriel n’a jamais été sérieusement remis en question. Et maintenant, il n’y a plus de héros de guerre pour s’y opposer.
Donald Trump et sa campagne « Make America Great Again » ont séduit les personnes qui aspiraient à un retour aux premiers jours de l’empire. Il a même prétendu qu’il mettrait fin aux « guerres éternelles » lancées par la CIA. Mais Donald n’a jamais compris ce qui se passait. Ses fans, et peut-être lui aussi, pensaient qu’il s’opposait au Deep State, alors même qu’il lui accordait des budgets militaires plus importants, des déficits plus élevés que l’Amérique n’en avait jamais connus, et un « verrouillage » sans précédent et inutile de la société civile.
Et Joe Biden ? Il n’y a aucune chance qu’il essaie de changer les choses non plus.
Les oiseaux doivent voler. Les poissons doivent nager. Et les empires doivent disparaître. Mais comment ? Quand ? Qui les mènera à leur perte ?
A suivre…