Officiellement, le déficit semestriel atteint 6,8 % du PIB. En réalité, la France dépense 44 % de plus que ses recettes – un gouffre budgétaire qui place désormais notre pays au même niveau de risque que la Grèce sur les marchés obligataires.
Dans la torpeur estivale, Bercy a publié les chiffres semestriels de la dépense publique. Ils sont – comme chacun pouvait s’y attendre – mauvais. Hors comptes spéciaux, la France a dépensé plus de 262 milliards d’euros.
Alors que la hausse de la masse salariale de la fonction publique d’Etat devait encore se limiter à 1,5 % cette année, selon les prévisions du printemps, elle a déjà augmenté de 2,4 % au 1er juillet. Dans le même temps, les recettes ont péniblement atteint les 182 milliards d’euros. Le manque à gagner de 80 milliards d’euros (qui a même dépassé les 100 milliards en incluant les comptes spéciaux) représente un déficit de 6,8 % du PIB semestriel – bien loin de l’objectif de 5,4 % du gouvernement Bayrou.
Ce chiffre, pourtant désastreux par rapport à la trajectoire de retour à l’équilibre promise par Bercy, donne pourtant une image faussement optimiste de notre situation budgétaire. En réalité, le fossé entre recettes et dépenses publiques se compte en dizaines de pourcents.
Les marges de manoeuvre françaises disparaissent
La sphère politique s’est rapidement emparée de cette mauvaise nouvelle budgétaire pour revenir à ses vieilles lunes idéologiques.
Tel groupe a réclamé la taxation immédiate des hauts patrimoines (qui, même confiscatoire, ne rapporterait que quelques milliards en année pleine). Tel autre a réclamé la fin des 211 milliards d’euros « d’aides aux entreprises » (oubliant que ce montant comprend les investissements de Bpifrance et les allègements de cotisations sociales, et n’est donc pas une faveur de l’Etat envers ces acteurs économiques).
Tous ont oublié l’éléphant dans la pièce, qui est que la réalité du déséquilibre des comptes français va bien au-delà des 5 % à 7 % par an. Cette manière de le quantifier compare en effet deux grandeurs qui n’ont rien à voir. D’un côté, la dépense publique, qui représente la somme dépensée par l’Etat-providence. De l’autre, le PIB, qui correspond à la richesse produite sur le territoire – et qui, sauf à basculer dans une économie collectiviste, n’appartient pas à l’Etat.
Pour prendre la mesure de l’ampleur du fossé budgétaire, il faut en réalité comparer les 262 milliards de dépenses aux 182 milliards de recettes. C’est alors que la réalité de la situation apparaît : l’appareil étatique français dépense, en moyenne, 44 % de plus que ce qu’il ne reçoit.
Ce n’est qu’en comparant les dépenses aux recettes que l’ampleur de l’effort qui s’impose aux citoyens-contribuables devient perceptible. Dans une économie devenue dépendante à la dépense publique, la baisse de la manne étatique à attendre n’est pas de l’ordre de 5 % à 10 % – mais de 50 %.
Tous les agents économiques doivent se préparer à ce changement de paradigme. Car, alors que le Trésor public va émettre 300 milliards d’euros de dette sur les marchés cette année afin de combler le déficit courant, financer la charge de la dette, et faire rouler les échéances arrivant à terme, notre pays se dirige de plus en plus dans les traces de la Grèce.
Preuve en est la convergence du taux d’intérêt grec et français. A l’écriture de ces lignes, les marchés prêtent à Athènes à 10 ans pour 3,46 % par an, contre 3,47 % pour le 10 ans tricolore. L’écart, qui était encore de 1 000 points de base à l’été 2015, est désormais à zéro, indiquant que les marchés internationaux considèrent les deux signatures comme ayant une solidité équivalente.

Dans un silence assourdissant, la France emprunte à 10 ans, à la mi-août, sur la base d’un taux d’intérêt jamais vu en dix ans. Infographie : Investing.com
Vers un scénario de sortie à la grecque ?
Le formidable nettoyage des comptes publics grecs sur les derniers exercices ne manquera pas de donner des idées à Bruxelles et d’inspirer nos créanciers.
Après dix années de crise de la dette souveraine entre 2005 et 2016, les analystes étaient convaincus que la pandémie conduirait immanquablement Athènes à la faillite. De fait, la dette publique hellène dépassait les 207 % du PIB début 2020, et le défaut semblait inéluctable.
Mais, chose rare dans l’histoire moderne, Athènes a réussi non seulement à stabiliser la trajectoire de ses comptes, mais aussi à inverser drastiquement la tendance. Au premier trimestre de cette année, la dette est descendue à 152,5 % du PIB, soit une amélioration de 54 points de pourcentage en à peine cinq ans. Selon le gouvernement grec, elle devrait continuer sa baisse pour s’établir autour de 140 % du PIB dans deux ans.
Cette sortie de crise est idéale sur le papier. Athènes a remboursé par anticipation nombre de tranches obligataires ces derniers mois, et a sécurisé sur des échéances longues (20 à 30 ans) de la dette à bas coût. Les comptes sont apurés, les créanciers remboursés, et un défaut majeur en zone euro est évité.
Le revers de cette médaille scintillante est l’effet néfaste sur le niveau de vie de la population. Depuis 2020, la hausse des prix est de près de 20 % dans le pays, dans un contexte de stagnation des salaires et des pensions. Selon les analystes, 57 % de la baisse de l’endettement est due à l’érosion de la valeur de la monnaie, le reste étant réparti entre hausse des prélèvements et baisse des dépenses publiques.
La dette n’a pas été remboursée par magie ou par un simple effort de bonne gestion : les citoyens ont payé par la baisse de leur pouvoir d’achat réel, tandis que les créanciers se sont fait rembourser avec des euros qui ne valent plus que 80 % de la valeur qu’ils avaient il y a cinq ans de cela. Baisse du niveau de vie des citoyens et défaut partiel qui ne dit pas son nom : c’est ainsi qu’Athènes a pu contenter les marchés financiers.
Par manque d’alternatives, la France suivra certainement cette voie. Tandis que les contribuables verront leur pouvoir d’achat stagner, les épargnants verront la valeur de leur épargne diminuer – le tout dans un contexte de diminution de la qualité et de la quantité des services publics. Ce n’est qu’en réalisant l’ampleur véritable de l’effort à mener que les agents économiques pourront prendre leurs pertes après un demi-siècle de laisser-aller, pour pouvoir à nouveau se tourner de nouveau vers le futur avec optimisme.
Tant que notre situation budgétaire n’aura pas été correctement décrite et acceptée, le pays continuera sa fuite en avant dans l’endettement exponentiel. Un business as usual qui peut perdurer… tant que nos prêteurs ne sifflent pas la fin de la partie. La rentrée promet d’être mouvementée, sur le marché de la dette comme à l’Assemblée nationale.
5 commentaires
Entièrement d’accord avec Etienne. Le seul ratio significatif est les dépenses par rapport aux recettes. Il faut marteler ce chiffre à tout les citoyens à chaque occasion. On sait que la culture économique n’est pas élevée en France, mais chaque citoyen comprendra très bien que l’on ne peut pas dépenser 44% de plus que son revenu très longtemps sans voir arriver des conséquences assez désagréables.
PS: De plus, le PIB est un indicateur complexe facilement manipulable. Par exemple, 44% de déficit sur recettes pour un déficit sur PIB annoncé à 6.8%; considérant un taux de prélèvement à 45%, mathématiquement, il y une inconnue dans l’équation non ?
Plus que jamais, l’art de la solution doit s’initier dans l’art de cadrer la problématique. Le constat très pertinent que vous dressez (distorsion 262/182 hors comptes spéciaux) mérite d’être pris en compte à sa pleine mesure… D’autant que le maintien de la solvabilité des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics doit s’exercer en synergie sous peine de s’engager sur un toboggan socio-économique.
C’est la qualité épistémologique de l’approche qui seule peut nous épargner ce toboggan. Et le sous-jacent théorique d’une zone monétaire unifiée (la praticabilité de l’ajustement interne, hors dévaluation) mérite d’être interrogé en profondeur.
Une voie très étroite subsiste à mon sens mais cela excède largement le cadre de ce commentaire… cordialement
Tout ce gouvernement et ses prédécesseurs vivent dans un autre monde depuis 10 ans et le pire c est qu ils continuent!! après avoir vécus , servis, nourris habillés tous frais payés dépensés leurs budgets à l envie des revendications et des chantiers fastueux sans contrôles des financiers de l Etat !? et nous avoir bassinés il y a des années à tenir nos budgets , à ne pas dèpenser plus que ce que l on gagne etc… Les voilà dressés , mantons hauts ! nous expliquer qu il va falloir serrer les ceintures et payer des taxes aux caisses de ce dit Etat et sans hontes ! Le pire encore , ils ne s imaginent pas les suites sociales et sociétales qui vont leurs sauter aux visages ! Les français leurs font comprendre par des épargnes de plus en plus importantes, n achetant que les minimums et cela aggravant les rentrées de trésoreries ! Aucun voyants clignotants, ren n y fait les dépenses continuent . Plus les mouvement sociaux importants renforcés à venir et chose jamais vues par les votes totalement « surprises » de nous retraités !!! Méme pas peur notre premier Ministre de circonstances renforcé par la confiance de notre jeune Président très occupé par l Europe et son futur poste en 2028 ?!
A la paroisse et aux assoces séniors on se répéte en boutade les prières de Lazare ! …Seigneur ( Président 1erMinistre) les pauvres ( le peuple) ne peuvent plus et ne veulent plus vivre des miettes qui tombent de la tables des (vos) festins…
A méditer pour la rentré. Merci à vous et à Tous.
PATRICO a bien résumé la situation. La situation de la FRANCE est critique tous les dirigeants devraient se consacrer à trouver une solution pérenne et acceptable. Fini les ballades hors du pays pour nos dirigeants. Fini les bla bla bas concernant la situation des autres pays. Il faut se consacrer à la FRANCE. N’oubliez pas que les retraités encore en vie ont travaillé 45 h 42h30 puis 40h pour un même salaire.
Première mesure de 35h passer à 38h point barre.
Bien à vous
Je demande à l’état de revoir son parc automobile à la baisse et rapidement
C’est un exemple parmi tant d’autres car notre gouvernement est à côté de la plaque et surtout depuis l’arrivée de Macron qui ne gère rien
La preuve par notre ancien ministre de l’économie qui lui a suffit de démissionner sans rien dire en nous laissant une dette colossale