▪ D’autres rédacteurs réguliers de La Chronique Agora sont beaucoup plus qualifiés que moi pour vous parler de l’or et vous expliquer pourquoi il faut plutôt s’attendre à une consolidation à court terme mais se préparer à une nouvelle vague haussière majeure d’ici 18 à 24 mois — c’est le message qui vous a été délivré ce week-end en direct du salon Actionaria.
Il existe des gens qui n’aiment pas l’or, pas plus le métal — sous forme de pépites ou de bijoux — que son prétendu statut de valeur refuge. Mais quand il s’agit de faire de l’argent, les questions de goût et de couleur s’effacent rapidement en faveur d’une approche réaliste.
Une catégorie d’acheteurs opportunistes a commencé depuis le milieu de l’été à accumuler de l’or physique. Ils ont acheté des contrats à terme — c’est-à-dire du papier assorti d’une clause de livraison. Et ils ont calculé que les quantités vendues par les producteurs (hedging), prêtées par les Banques centrales (contre rémunération ou « à réméré ») ou stockées récemment par les émetteurs de certificats or seraient bien supérieures aux quantités disponibles (un simple contretemps) et — c’est beaucoup plus inquiétant — aux quantités existantes.
Les prêteurs et les vendeurs auraient négocié sur le marché beaucoup plus que ce qu’ils détenaient dans leurs coffres à la fin des années 90. A l’époque, ils étaient peut-être convaincus — et après 10 années consécutives de repli — que les positions short sur la relique barbare seraient une mine d’or à l’entame du XXIe siècle. Pendant ce temps, la bulle de la nouvelle économie gonflait démesurément.
▪ A quel cours pensaient-ils se racheter ? En tout cas, ils ne bougèrent pas — la courbe des volumes négociés au début des années 2000 le démontre — lorsque l’once s’effondra sous les 300 $ l’once.
La Banque centrale britannique, sous l’impulsion d’un certain Gordon Brown, vendit de juillet 1999 à mars 2002 pas moins de 395 tonnes d’or, et ce au cours le plus bas depuis 25 ans, à livre sterling constante. Ces tonnes ont été vendues par l’intermédiaire de ventes aux enchères programmées tous les deux mois, réduisant ainsi les réserves de l’Angleterre à un plancher historique de 314 tonnes — contre 2 500 tonnes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au début des années 50.
Apparemment sûr de vendre dans les pires conditions, le Trésor britannique crut bon d’annoncer à l’avance les dates et les quantités d’or qu’il offrirait sur le marché, dans un souci de « flexibilité et de transparence ».
Mais il y a peut-être pire. Certaines Banques centrales, dont la Fed, auraient discrètement prêté sous forme de SWAP — et afin de rentabiliser un actif dormant — des quantités d’or bien supérieures aux stocks officiels. A charge pour les emprunteurs — la plupart s’empressant de vendre à leur tour cet or à découvert pour surfer sur la tendance — de se débrouiller pour rembourser la Fed au cas où les cours se mettraient à remonter, une hypothèse jugée alors très improbable.
De nombreux bons connaisseurs des turpitudes du marché aurifère sont plus que jamais convaincus qu’il faudrait, pour solder toutes les positions short et déboucler tous les SWAPS accumulés ces 15 dernières années, beaucoup plus d’or que n’en détiennent les institutions précitées. Et beaucoup plus d’or que ne pourraient en extraire du sol l’an prochain les plus grandes sociétés minières — sur la base des quantités produites annuellement, et qui sont connues avec un assez bon degré d’exactitude.
▪ Alors que l’once d’or battait son record absolu en dollars à 1 180 $ et rééditait son zénith de mars 2008 en euros à 778 euros, me sont revenus en mémoire divers articles bien documentés et concordants qui circulent sur Internet et qui dépeignent une gigantesque arnaque aux faux lingots, dont plusieurs mètres cubes — oui, cela représente des milliers de tonnes ! — auraient atterri, et pas par hasard, dans les coffres fédéraux de Fort Knox.
Il s’agirait de 640 000 barres de tungstène — même masse que l’or, mais c’est un métal beaucoup plus dur et qui fond à des températures bien plus élevées — de 400 onces plaquées à l’or fin. Elles ont été fabriquées par une fonderie américaine ultrasophistiquée et ont reçu une immatriculation tout à fait officielle. Cela se serait déroulé sous l’administration Clinton et ces faux lingots, indétectables en cas d’immersion dans un gabarit permettant d’identifier des faux lingots au plomb par exemple, n’étaient probablement pas destinés à l’exportation.
Connaissez-vous Rob Kirby ? C’est un spécialiste reconnu de tout ce qui touche au métal précieux. Il affirme connaître les gens qui ont les copies des bons de transport des barres au tungstène, les adresses de livraison et les dates. Ce qui n’aurait pas été stocké à Fort Knox aurait été vendu sur le marché de l’or international. 5 600 à 5 700 fausses barres de 400 onces d’or viennent d’ailleurs d’être découvertes à Hong Kong.
Dans un premier temps, les spécialistes ont cru à une contrefaçon chinoise — on ne prête qu’aux riches — mais les numéros d’immatriculation correspondent exactement à ceux provenant des lots fabriqués aux Etats-Unis.
Les contrefacteurs — et rien ne prouve qu’il s’agit des Chinois, soyons très clairs à ce sujet — ont peut-être poussé le souci de l’exactitude jusqu’à graver les fausses barres avec des numéros qu’ils seraient parvenus à se procurer de façon plus ou moins ingénieuse. Le NYMEX possède en effet toutes les archives des cheminements des lingots.
Si Rob Kirby a réussi à récupérer de telles informations, d’autres que lui peuvent également les détenir et en avoir fait un usage malhonnête, à condition d’être bien organisé !
En effet, se procurer plusieurs dizaines de tonnes de métal industriel raffiné, le fondre et le conditionner suppose une logistique de très haut de gamme, le plaquage à l’or fin étant l’opération la plus simple de la chaîne de fabrication.
D’après Rob Kirby, les lingots fourrés au tungstène ont essaimé de Londres à Paris, en passant par Singapour, Francfort, Moscou, et peut-être aussi dans les coffres des gens qui vendent de l’or papier.
Nous n’avons pas les moyens de pousser très loin nos propres investigations mais les informations plus ou moins vérifiables qui circulent ces dernières semaines suffisent à engendrer des comportements de précaution — que nous décrivions en début de chronique — de la part d’investisseurs qui n’auraient pas acheté une once d’or physique en temps normal.
▪ La séance d’hier s’est achevée par une assez lourde consolidation du pétrole (-2% à 76 $ le baril) tandis que l’or n’a pas cédé un pouce de terrain à 1 170 $.
Le billet vert a pour sa part oscillé entre 1,4930 et 1,4980 euro toute la journée. Paris a terminé sur une correction technique de 0,75% à l’issue d’une séance en montagnes russes qui a démarré au plus bas (-1% à 3 770 points) et s’est achevée dans la zone des 3 785 points.
Le CAC 40 a effectué une brève incursion dans le vert à mi-séance (+0,15% à 3 818 points), peu avant la publication du chiffre révisé de la croissance au troisième trimestre aux Etats-Unis.
L’estimation initiale a été révisée comme prévu à la baisse à 2,8% contre 3,5% annoncé à la mi-novembre — le consensus tablait sur 3%. Cette annonce a un peu affaibli le dollar et a relancé le CAC 40 à l’assaut des 3 800 points.
Il y a eu ensuite fort peu de réactions lors de la parution à 15h00 de l’indice Case Shiller. Il confirme la stabilisation ou la légère remontée des prix de l’immobilier, avec une baisse de 8,5% en rythme annuel (contre -8,7%) dans les dix plus grandes métropoles et de 9,35% en moyenne dans les 20 premières (contre -9,1% anticipé).
Les marchés ont par contre recommencé à fléchir avec l’indice de confiance des consommateurs américains (du Conference Board) qui remonte à 49,5 contre 48,7, notamment en raison d’un moindre pessimisme concernant le marché de l’emploi.
En milieu de matinée, l’euro — et dans son sillage l’once d’or — avaient été dopés par l’indice IFO. Le climat des affaires s’est encore amélioré en Allemagne au mois de novembre, pour le huitième mois consécutif, avec un indice ressorti à 93,9 contre 92 en octobre.
Le long pont de Thanksgiving se rapproche et les indices américains ont montré plus de fermeté que leurs homologues européens. Wall Street n’a pas l’intention de jouer les trouble-fête. Le terrain gagné la veille (1,3%), le bond du Dow Jones en direction des 10 500 points — suivi d’une meilleure clôture annuelle à près de 10 450 points — sont les bienvenus à la veille du grand rendez-vous consumériste du Black Friday.