L’implosion de la plateforme FTX place tout l’écosystème au bord du gouffre.
Wall Street a dévissé ce 9 novembre (le Nasdaq lâchant 2,5%). Non pas à cause du résultat des élections de mi-mandat qui vont instaurer une nouvelle cohabitation entre la Maison-Blanche et le Congrès, mais bien à cause du krach de la plateforme d’investissement en crypto-actifs FTX (proposant le trading et la conservation des jetons de ses clients dans un portefeuille virtuel), associée à Alameda Research. Les deux fondées par le même homme, Sam Bankman-Fried (SBF).
Cette structure, immatriculée aux Bahamas, offrait par exemple aux clients 8% de rendement sur leurs premiers 10 000 $ investis (5% sur les suivants) pour soutenir un projet ambitieux de développement d’outils « blockchain » et de protocoles de paiement en actifs numériques.
Avec un passif estimé à 8 Mds$ apparu avec un audit des comptes, les clients dont les actifs se sont volatilisés ont commencé à liquider d’autres crypto-actifs tous azimuts pour faire face à des appels de marge sur des positions à terme détenues par ailleurs sur d’autres plateformes, générant un effet domino dévastateur. Encore plus que ce qui avait déjà été observé suite à la faillite de la plateforme Celsius mi-juillet et de Voyager Digital (qui s’était lancé dans des prêts – avec rémunération – en cryptos) fin août.
Des valeurs en chute libre
L’ensemble du secteur des cryptomonnaies a vu fondre sa capitalisation de 20% en l’espace de 36 heures, au fil des rumeurs de faillite de FTX et Alameda. Mais certaines cryptos ont bien plus perdu. C’est le cas de Solana, qui a vu son cours divisé par trois en autant de jours, et même par 20 en un an, jour pour jour. SBF était en effet un très gros investisseur dans le « SOL » au travers de Alameda Research (qui en détenait pour au moins 1,1 Md$, avant la chute du cours).
Il avait également créé son propre jeton, le FTT, lié à la plateforme FTX. Ces FTT servaient en quelque sorte de garantie pour les « déposants », un peu comme un banquier émet des emprunts, des titres ou des « parts sociales » pour se financer… un schéma somme toute assez classique, mais adossé à des actifs 100% numériques. Et avec tout de même quelques « innovations », comme des frais réduits pour les utilisateurs de la plateforme qui en détiennent.
Le principal concurrent de FTX, Binance, avait lui-même investi des centaines de millions dans les FTT, qu’il a revendu massivement ces derniers jours. Pressenti hier pour négocier un rachat afin de voler au secours des clients de FTX et empêcher un effondrement systémique des cryptos, Binance a jeté l’éponge face à l’énormité du passif qui aurait mis en danger son propre modèle et sa survie.
Avant le krach, Alameda détenait les actifs suivants : 5,8 Mds$ dans son propre écosystème FTT, 1,1Md$ de Solana (+ quelques centaines de millions dans des projets de cryptomonnaies divers et variés) ; 3,4 Mds$ en cryptos non identifiées ; 2 Mds$ en actions (pourvu que ce ne soient pas des Tesla ou des crypto-mineurs cotés !), et 2 Mds$ d’actifs non identifiés.
Soit plus de 15 Mds$ au total… mais la fortune du fondateur Sam Bankman Fried était évaluée à 25 Mds$ il y a un mois, ce qui en faisait le principal « crypto-milliardaire », derrière Elon Musk. Celui-ci avait en effet investi une partie de sa fortune personnelle en Bitcoins et y avait même placé des milliards de dollars de trésorerie de Tesla, avant d’en liquider une grande part lors de la rechute du BTC sous 45 000 $.
Le bitcoin en danger ?
Aujourd’hui, c’est encore le Bitcoin – l’actif numérique le plus largement détenu – qui supporte les allègements les plus massifs : son cours s’est effondré de 21 100 $ à 15 600 $ en 72 heures : pratiquement plus aucun mineur n’est rentable (du coup, on connaîtra très bientôt le « dernier survivant » ?).
Graphiquement, c’est un cauchemar, le Bitcoin enfonce la base d’un drapeau 25 000/18 000 et l’objectif devient 13 500 $, puis 11 000 $.
Qui parviendra encore à rentabiliser le minage d’un BTC à ces niveaux ?
Pas grand-monde : la plupart des fermes de minage (certaines concentrent des dizaines voire plus d’une centaine de milliers de machines dédiés à cela) vont devoir cesser leurs opérations à moins d’un rebond au-delà des 18 000 $ dans les plus brefs délais.
A 10 000 $, il faudra que les « critères de difficulté » (la complexité des calculs) soit assouplie, mais cela risque de tomber au moment où des centaines de milliers de détenteurs capituleraient de peur de tout perdre, ce qui mobiliserait malgré tout d’importantes ressources, alors que les coûts énergétiques vont doubler en un an dans la plupart des pays (et quintuplé en France ou au Royaume-Uni, pour des entités ayant pour objet exclusif le minage).
La sphère des crypto-actifs a vu dans la nuit du 9 au 10 novembre sa capitalisation chuter brutalement sous la barre symbolique des 1 000 Mds$, jusque vers 790 Mds$ (contre près de 3 000 Mds$ en novembre 2021) et il ne subsiste, au moment d’écrire ces lignes, plus que neuf cryptomonnaies (dont 3 stablecoins) affichant une capitalisation supérieure ou égale à 10 Mds$, tandis qu’une quarantaine seulement surnage au-delà du milliard de dollars.
La fortune de Sam Bankman-Fried s’est quant à elle évaporée. Estimée à 25 Mds$, elle est passée à quelques centaines de millions (900 à 650 M$ selon diverses estimations) en moins d’une semaine, et il en ressort un passif estimé à 8 Mds$ : Jerome Kerviel est battu !