Les impôts ne suffisent plus : les autorités ont désormais recours à la Bourse pour maintenir l’ordre social. A quel prix pour l’économie réelle ?
Pour que les élites et ceux qui les paient s’en sortent, il faut un gigantesque transfert de capitaux de votre poche vers la leur. Pour maintenir l’ordre social qui leur est favorable, les impôts ne suffisent plus.
La Bourse est le moyen d’y parvenir. Ce moyen complète à grande échelle les autres qui sont déjà utilisés : la stagnation des salaires, l’intensification du travail, la régression sociale, la baisse des services publics, la vente des bijoux de famille de la propriété collective, etc.
Suivez la démonstration pas à pas. C’est simple mais il faut faire l’effort de suivre.
Anormal contre normal
Je vois de plus en plus souvent, en ce moment, affirmer que la politique monétaire justifie les valorisations élevées des Bourses. Ceci est répété stupidement par des gouverneurs de la Fed et les médias.
La politique monétaire explique les valorisations élevées des Bourses, mais elle ne les justifie pas.
C’est très différent.
Sauf si on croit à la magie !
Le monde de la Bourse est un monde de signes : les cours de Bourse sont des signes, des tableaux de signes plaqués sur une réalité qui est l’économie réelle. Une cote de Bourse, c’est un tableau de signes, rien d‘autre.
Lorsque vous êtes en régime normal, il y a adéquation entre d’un côté le monde des signes, et de l’autre l’économie réelle que ces signes sont censés symboliser. Les signes sont un reflet à peu près fidèle du monde. Si ce n’est pas vrai à chaque instant, c’est vrai sur la durée – ce que j’appelle le long terme, 10 à 12 ans.
En revanche, si vous êtes en situation anormale comme nous le sommes actuellement et que vous créez des signes à partir de rien, c’est-à-dire si vous gonflez les cours de Bourse en y pompant de la monnaie tombée du ciel numérique, vous ne faites que manipuler des signes. En croyant influencer le réel, vous pratiquez la pensée magique, vous faites des incantations.
En quoi le fait de rajouter des zéros dans les livres de comptes modifierait-il la situation de l’économie réelle ?
Comment on fabrique une bulle
Il y a cependant un cas où cela provoquerait des modifications : vous créez des zéros dans les livres de comptes… les portefeuilles boursiers de ceux qui les détiennent se valorisent… ils font des plus-values… ils prennent leurs bénéfices ou s’endettent sur ces portefeuilles… et injectent l’argent ainsi obtenu dans l’économie. C’est le cas de sortie de l’univers boursier.
C’est la transmission, la transformation.
Les plus-values des portefeuilles se transforment en revenus qui irriguent l’économie réelle. Ils circulent dans l’économie, font monter la demande, les prix et les salaires. L’argent descend jusque dans les poches des agents économiques qui le font circuler.
Si vous réussissez cela, vous avez enrichi au passage ceux qui détiennent des portefeuilles boursiers ; vous avez accru les inégalités tombées du ciel mais au moins, vous avez obtenu un résultat.
Si au contraire l’argent pompé ne fait que gonfler les portefeuilles boursiers, s’il ne fait que rester dans l’univers boursier et gonfler les cours sans arrêt, vous avez échoué et augmenté les inégalités sans résultat aucun pour l’intérêt général.
Vous avez gonflé les cours de Bourse avec de la monnaie tombée du ciel, enrichi ceux qui sont déjà riches sans que ceci provoque un regain de croissance, un regain d’investissement productif, un regain de demande de consommation et un regain de production de richesse réelle.
Vous avez simplement fait une bulle, une hernie qui est venue se stocker dans le marché financier et donner un sentiment d’enrichissement aux détenteurs de portefeuilles… et vous avez aigri les populations.
En quoi tout cela justifierait-il une augmentation de la valeur fondamentale des titres boursiers si le réel n’est pas lui-même modifié ?
La déconnexion entre le monde des signes boursiers et le monde économique réel fait qu’il n’y a pas de raison de considérer que les titres valent plus cher. Un titre, c’est la somme des flux que vous allez recevoir pendant toute la durée de vie de ce titre, et cette valeur ne dépend que de l’exploitation de la société qui a émis le titre. Elle ne dépend pas des tripatouillages des livres de comptes.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]