Il y a « trop de monde à table » dans le système économique et financier actuel. Le capital lutte pour sa survie, étouffant toute tentative de reprise et asphyxiant les citoyens.
Le moteur de la croissance économique – le profit – est en panne, comme nous l’avons vu hier. Et s’il est en panne, c’est parce que le système est bloqué, il rencontre ses limites : il n’y a pas assez de profit face à une masse considérable de capitaux qui prétend s’en octroyer une part.
Le capital, ce n’est pas une entité qui produit sa richesse. C’est plutôt un rapport social qui donne le droit de prélever la plus-value, c’est-à-dire de prélever le surplus de la production par rapport aux facteurs mis en œuvre.
Le profit, c’est la part de la valeur ajoutée que s’octroie le capital – et on comprend que la profitabilité a à voir avec deux choses : d’une part la valeur ajoutée et d‘autre part la masse de capital mise en œuvre. La profitabilité a à voir avec ce qu’il y a à manger et le monde qui est à table.
Le droit à prélever que l’on a accordé au capital est trop grand par rapport à ce qu’il y a à prélever. Comme on disait avant en Bourse, il y a trop de monde à table.
Pour ne rien arranger…
Il y a rareté de profit prélevable face à un excès considérable de capital, puisque d’un côté on n’en détruit plus par les cycles de crise/récession et de l’autre, on en crée du fictif par les dettes.
On laisse enfler la masse de capital qui prétend prélever – sans éliminer celui qui est inefficace, l’improductif, le zombie, et en produisant en continu du capital financier fictif qui, comme Ugolin, exige toujours plus et dévore ses enfants.
Pour ne rien arranger, on gonfle la valeur du capital et ses prétentions en faisant grimper les cours de Bourse depuis 11 ans. Le capital ainsi « inflaté » est de plus en plus gourmand ! D’ailleurs, s’il n’était pas gourmand, il serait détruit car la concurrence est sans pitié.
Quand il réclame son profit, le capital lutte pour sa survie ; tout capital non rentable est balayé.
Un excès d’épargne, où ça ?
Contrairement à ce que disent les zozos officiels, il n’y a pas d’excès d’épargne – en fait, elle n’a même pas retrouvé les niveaux de 2007 !
Les données du FMI/Banque mondiale montrent qu’au cours des dix dernières années, l’investissement total par rapport au PIB dans les principales économies a été faible. En effet, à fin 2019, l’investissement total (administrations publiques, logement et entreprises) par rapport au PIB est encore inférieur à celui de 2007.
En d’autres termes, même avec un taux de croissance du PIB réel faible dans les principales économies au cours des dix dernières années, l’investissement n’a pas réussi à se maintenir en pourcentage. Et si on supprime les investissements des gouvernements et le logement, l’investissement des entreprises s’est dégradé
Si on remet l’église au milieu du village au lieu de dire n’importe quoi, les chiffres sont là :
Il n’y a pas d’excès d’épargne puisque celle-ci est restée en dessous de ce qu’elle était avant. En revanche…
… Il y a une baisse de l’investissement – c’est cette baisse qu’il faut considérer comme première et expliquer.
Pourquoi ce manque d’investissement ?
Les entreprises n’investissent plus assez par rapport à ce qu’il faudrait pour maintenir le système en équilibre. Par conséquent, elles ne s’équipent pas assez, n’embauchent pas assez, ne versent pas assez de revenus salariaux.
Le fonctionnement harmonieux, auto-entretenu, de la machine économique est bloqué.
Pourquoi les entreprises se privent-elles d’investir ? Parce que la rentabilité des investissements productifs n’est pas assez grande, parce qu’elle ne supporte pas la comparaison avec la rentabilité offerte par les emplois spéculatifs comme la Bourse !
A partir du moment où l’on cesse de marcher sur la tête, tout s’enchaîne, tout devient cohérent :
– Tendance longue à l’érosion du taux de profitabilité, endogène, inhérente à la nature du système capitaliste – lequel accumule toujours plus de capital qui recherche son profit ;
– refus des crises de récession/nettoyage et de dévalorisation qui en temps normal nettoyaient le système de sa pourriture, éliminaient le capital faible, improductif et inefficace ;
– gonflement de la masse de capital à la fois vrai et fictif qui oblige à rogner sur les salaires et à délocaliser pour peser sur la part des salariés, ce que l’on appelle la hausse du taux d’exploitation ;
– insuffisance des revenus salariaux distribués qui oblige à compléter les revenus des salariés par l’octroi de crédit. Ceci crée une nouvelle couche de capital fictif puisque les dettes des uns sont le capital des autres ;
– instabilité croissante du système, crise de suraccumulation conjointe de capital et de dettes, crise de solvabilité du système. Il repose sur une base de travail et de revenus de plus en plus étroites et une pyramide de capital et de dettes de plus en plus énorme ;
– face à cette instabilité et aux risques d’effondrement, les autorités Gribouille créent encore plus de dettes, mettent les taux à zéro. On s’endette encore plus, ce qui augmente les disproportions, fragilise et déstabilise.
Au passage, il faut peser de plus en plus sur les salaires, courber les échines et hausser les impôts sur les travailleurs, car les besoins des gouvernements augmentent. Dans le même temps, pour maintenir la profitabilité apparente des entreprises, il faut en continu baisser leur contribution fiscale.
Un monde de plus en plus tordu, dysfonctionnant, injuste – qui qui produit la destruction sociale et politique.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
Tout est dit . Et ça va mal se terminer..