Les républicains renoncent à la rigueur fiscale. Trump interdit toute réforme structurelle. Et pendant ce temps, la dette va bientôt atteindre les 70 000 milliards de dollars. Comment penser que tout cela finira bien ?
« Avez-vous une pensée qui vous appartient ? Une conviction vraiment vôtre ? Ou bien tout ce que vous croyez, c’est ce que Donald Trump vous dicte ? » – Dan Goldman, à ses collègues républicains
Hier, nous nous sommes émerveillés de la rapidité avec laquelle les gens abandonnent les idées et les opinions qui leur sont chères. Ni toujours bonnes, ni toujours mauvaises, elles sont toujours susceptibles d’être influencées.
Les universités avaient accueilli les programmes DEI (Diversité, Equité et Inclusion) avec la révérence de disciples devant la croix. Mais sous la menace d’un retrait des fonds fédéraux, les administrateurs ont décidé que, finalement, cela n’avait pas tant d’importance. Mieux vaut renier le Christ que souffrir pour lui. Associated Press rapporte :
« La remise en cause des programmes de diversité bouleverse les cérémonies de fin d’études dans les universités.
En tant qu’étudiant de première génération, Austin Kissinger se réjouissait de célébrer sa remise de diplôme aux côtés d’autres étudiants issus de milieux similaires, avec qui il avait trouvé sa voie à l’université du Kentucky. Habituellement, les étudiants qui sont les premiers de leur famille à obtenir un diplôme universitaire choisissent un membre du corps enseignant pour les accompagner lors d’une cérémonie spéciale.
Mais au début du mois, l’université a annulé cette cérémonie, ainsi que d’autres convocations honorant les étudiants noirs et LGBTQ+, invoquant la campagne de l’administration Trump visant à réprimer les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion. »
Forbes explique :
« Alors que de plus en plus d’entreprises, d’universités et d’organisations à but non lucratif cherchent à éviter les retombées politiques liées à l’existence de départements consacrés à la diversité, à l’équité et à l’inclusion, un vaste effort de rebranding est en cours.
Les bureaux de la DEI – et ceux qui y travaillent – ne se présentent plus sous le signe de la diversité. Le dernier exemple en date ? L’université de Harvard, qui a annoncé lundi que son bureau de l’équité, de la diversité, de l’inclusion et du sentiment d’appartenance serait désormais rebaptisé ‘Vie communautaire et universitaire’. »
Si la DEI relevait d’une regrettable escroquerie, le contrôle budgétaire, lui, est une nécessité sérieuse. C’est donc le coeur lourd que nous voyons les républicains renoncer à leur attachement traditionnel à une politique fiscale rigoureuse, pour rejoindre le défilé de Donald Trump.
Trump… Trump… Trump… Nous en sommes aussi fatigués que vous. Mais personne n’aura plus d’influence sur l’économie – ni sur la dynamique des primaires – que l’homme à la Maison-Blanche. La politique s’impose comme force dominante.
Il a fait basculer le gouvernement américain d’un système fondé sur les lois votées par le Congrès à un régime de décrets (plus d’un par jour au cours des 100 derniers jours). S’il s’avérait être un vrai réformateur à la Milei, nos perspectives changeraient du tout au tout.
Mais nous avons déjà vu le Grand Chef ajouter plus de 100 milliards de dollars à la manne du Pentagone. Et désormais, dans une interview accordée au Time, il indique clairement qu’il n’a pas non plus l’intention de réduire sérieusement les dépenses intérieures :
« TIME : Si les Républicains vous soumettent un projet de loi visant à réduire les dépenses de la Sécurité sociale, de Medicare et de Medicaid, vous engagez-vous à y mettre votre veto ?
Trump : Si le but est de réduire ces programmes, je ne l’approuverai pas.
TIME : Donc, vous y mettrez votre veto ?
Trump : Oui, je mettrai mon veto. »
Message aux républicains du Congrès : n’essayez même pas.
Dans la bataille qui s’annonce entre les lois d’airain de la finance et l’équipe de Trump, cette dernière ne peut pas l’emporter. Les chiffres ne tiennent tout simplement pas. Chaque membre du Congrès est en mesure de le comprendre. Même les politiciens les moins brillants du Capitole devraient saisir que la seule décision sensée et raisonnable est de battre en retraite : en cesser avec cette volonté de domination totale du spectre, se désengager de dépenses que le pays ne peut plus se permettre. Equilibrer le budget, pour l’amour du ciel !
On comprend aisément pourquoi Donald Trump ne l’a pas fait. C’est le Grand Chef. Ne parle-t-il pas déjà d’inscrire son visage sur le mont Rushmore ? Ne vise-t-il pas le prix Nobel de la paix ? Ne cherche-t-il pas à régner sur le monde entier – et à ce que cela se sache ?
Mais qu’en est-il des membres du Congrès ? Ni la Chambre des représentants, ni le Sénat ne montrent la moindre volonté d’éviter la crise budgétaire qui s’annonce. A l’exception notable du représentant Thomas Massie (Kentucky), les républicains du Congrès se montrent aussi serviles et flagorneurs que le cabinet de Trump. Le projet de loi budgétaire proposé à la Chambre ferait grimper la dette totale des Etats-Unis à près de 70 000 milliards de dollars d’ici 2035. La version du Sénat, elle, franchit déjà ce seuil.
Les hypothèses budgétaires sont tellement truffées de tours de passe-passe comptable qu’il est difficile de comprendre exactement ce que les chiffres signifient. Mais selon l’ancien directeur du budget de la Maison-Blanche, David Stockman, le gouvernement fédéral devrait percevoir 65 000 milliards de dollars de recettes au cours des dix prochaines années. Quant aux dépenses, elles devraient s’élever à 94 000 milliards de dollars. Les républicains parlent de réduire les dépenses. Mais ils n’osent pas s’attaquer aux principaux postes de dépense : les prestations sociales, et le Pentagone. Trump leur a interdit de le faire.
La dette américaine devrait donc atteindre environ 70 000 milliards de dollars… plus ou moins. Et ce, à condition qu’il n’y ait aucune urgence majeure entraînant de nouvelles dépenses ou une chute des recettes. Pas de récession. Pas de nouvelles baisses d’impôts. Pas de panique sur le marché obligataire. Pas de hausse des taux d’intérêt.
Qui peut croire à ce scénario ?