Ciel bleu ou icebergs ? La navigation financière et budgétaire devient de plus en plus dangereuse en ce moment.
Le Dow grimpe, l’or aussi. Les investisseurs du Dow parient sur du ciel bleu et une traversée paisible. Les investisseurs aurifères parient sur des icebergs.
Qui a raison ?
Nous n’en savons rien. Peut-être que tous parient sur les baisses de taux. Comme un coup de vent, une nouvelle dose de fausse monnaie prêtée à des taux factices pourrait faire avancer les deux camps, l’or comme le Dow… à court terme.
A long terme, nous misons sur les icebergs.
Amnésie économique
Les économies sont des choses vivantes. Les civilisations aussi. Elles inspirent et expirent. Elles apprennent de leurs erreurs et avancent. Ensuite, elles oublient… et coulent.
Le Wall Street Journal de jeudi dernier explique la dernière amnésie en date :
« Le soutien politique au contrôle de la dette fédérale a disparu ; les Etats-Unis testent désormais la quantité d’argent qu’ils peuvent emprunter.
Selon les projections de Moody’s, d’ici une décennie, le paiement des intérêts consommera plus de 20% des revenus fédéraux, un montant bien supérieur à la plupart des pays développés et dépassant les niveaux américains dans les années 1980 et 1990, lorsque les inquiétudes de dette consumaient Wall Street et Washington ».
Le Wall Street Journal a fait appel à un vétéran – l’ancien sénateur Alan Simpson, né en 1931 et désormais retraité dans les montagnes du Wyoming – pour se rafraîchir la mémoire :
« Dépenser plus que l’on gagne, ça coûte la peau des fesses ».
Un processus qui peut prendre du temps. Et comme nous l’avons souligné hier, il se produit d’abord lentement… si lentement que peu de gens le remarquent.
En matière d’argent, on ne peut pas faire confiance à l’être humain
Tout commence avec la politique. En fin de compte, les autorités contrôlent l’argent que nous utilisons. Et tout au long d’une Histoire douloureuse, elles ont appris – nous avons tous appris – qu’on ne peut pas faire confiance à l’être humain lorsqu’il s’agit de créer de la fausse monnaie à volonté.
La contrefaçon est un crime fédéral.
John Law a été le premier banquier central moderne ayant fait de la contrefaçon un sujet de politique publique. Son système de fausse monnaie s’est effondré en 1720.
La bulle de la Compagnie des Mers du Sud, en Angleterre, était elle aussi, techniquement, un plan pour financer le gouvernement avec de la fausse monnaie ; elle a éclaté la même année. Plus tard, les assignats français – une autre forme de fausse monnaie, basée sur les biens confisqués au clergé – ont provoqué une inflation de 3 500% en 1795.
Ces désastres fiduciaires – et de nombreux autres au XVIIIème siècle – ont persuadé les gouvernements de se fier au métal pour leur monnaie.
Prospère et pacifique
C’est en partie à cause de cet argent bien réel que le XIXème a été si prospère… et relativement pacifique.
Il n’y avait pas d’inflation systématique des prix – ni en Bourse ni dans l’économie réelle. N’ayant pas facilement accès à la fausse monnaie, les gouvernements ne pouvaient pas se lancer dans des guerres, des aventures coûteuses et des gabegies.
Mais l’étalon-or s’est pris une bouffée de gaz toxique durant la Première guerre mondiale. Tous les combattants – exception faite des Etats-Unis – étaient si motivés par la guerre qu’ils ont fait appel à la fausse monnaie pour la financer.
Plus tard, la monnaie adossée à l’or a été remise au goût du jour… et s’est traînée, bon an mal an, jusqu’en 1968.
Les Etats-Unis ont alors déclaré qu’à partir de là, ils n’auraient plus besoin d’or pour leurs finances internes. L’étalon-or est allé fumer les mauves par la racine en 1971, quand l’administration Nixon l’a éliminé de ses engagements mondiaux et enterré.
Cela ne signifiait pas pour autant que les gens avaient complètement perdu l’esprit. Les membres du Congrès US ont continué à s’indigner des dépenses excessives et de la dette… et ont généralement fait des efforts pour équilibrer le budget fédéral – même s’ils y sont rarement parvenus.
Par la suite, les conservateurs budgétaires à l’ancienne ont complètement disparu.
Les déficits n’ont pas d’importance
Les démocrates ont été les premiers à adopter la sottise selon laquelle « les déficits n’ont pas d’importance ». Une fois au pouvoir, les républicains l’ont eux aussi trouvée utile.
A présent, selon votre correspondant et le Wall Street Journal, personne au pouvoir actuellement ne se soucie trop de budgets équilibrés, de déficits, de la dette ou de la fausse monnaie.
Dans les derniers comptes mensuels américains, par exemple, nous découvrons qu’en mai, les autorités ont dépensé près de deux dollars pour chaque dollar récolté en impôts – ce qui met le déficit des 12 derniers mois proche des 1 000 Mds$.
Combien de temps cela peut-il durer avant que le sénateur Simpson ait raison, nul ne le sait. Nous avons tendance à penser que ce ne sera pas éternel.