Au-delà d’une méthode de calcul discutable, l’intérêt du PIB est surtout plombé par les politiques monétaires laxistes des banques centrales, qui favorisent aussi bien les bulles que les krachs.
Comme nous l’avons vu dans la première partie de notre analyse hier, le PIB est calculé dans l’optique que le moteur d’une économie ne réside pas dans la production de richesses mais plutôt dans la consommation. Ou, dit autrement, dans la demande de biens et pas dans l’offre.
Le problème avec cette logique est qu’elle ignore complètement le fait que l’épargne est le facteur déterminant de la croissance future, car le seul qui permet d’augmenter l’offre de biens et de services.
Il est impossible de déterminer la production totale réelle
Par ailleurs, le PIB cherche à représenter la valeur globale d’une multitude de biens et services échangés durant une année dans un pays. Mais est-il vraiment possible de calculer cela ?
Pour calculer une somme, plusieurs éléments doivent être additionnés. Afin de pouvoir le faire, il faut cependant que ces éléments aient une unité de mesure commune. Il n’est tout simplement pas possible d’additionner des réfrigérateurs avec des voitures et des chemises pour arriver à la somme des biens produits.
Cela pose de nouveaux problèmes, et n’est pas arrangé par les politiques monétaires laxistes… Cliquez ici pour lire la suite.
Puisque la production totale réelle ne peut être déterminée avec justesse, elle ne peut évidemment pas être quantifiée objectivement. Pour surmonter ce problème, les économistes se basent sur le montant total des dépenses monétaires en biens et services, qu’ils divisent par leur prix moyen. Cependant, le calcul d’un prix moyen est-il réellement possible ?
Supposons par exemple que deux transactions soient réalisées. Lors de la première transaction, un téléviseur est vendu pour 1 000 $. Lors de la deuxième transaction, une chemise est vendue pour 40 $. Le prix, ou la valeur d’échange, est donc de 1000 $/téléviseur en ce qui concerne la première transaction et de 40 $/chemise en ce qui concerne la seconde.
Afin de calculer le prix moyen, nous devrions additionner ces deux valeurs d’échange puis les diviser par deux. Cependant, on ne peut pas additionner un téléviseur à 1 000 $ avec une chemise à 40 $, ce qui implique qu’il n’est pas possible d’établir un prix moyen. A ce propos, Murray Rothbard a d’ailleurs écrit :
« Ainsi, tout concept de niveau moyen des prix implique l’addition ou la multiplication de quantités d’unités de marchandises complètement différentes, telles que le beurre, des chapeaux, du sucre, etc., ce qui est donc totalement illégitime et dénué de sens. »
Etant donné que le PIB américain est exprimé en dollars et que ces dollars sont déflatés en fonction d’un indice des prix dont le mode de calcul est plus que douteux, il est évident que les fluctuations du PIB en volume (soi-disant ajustées de la variation des prix) sont en fait une fonction directe des fluctuations de la quantité de dollars injectés dans l’économie. Ce qui est aussi le cas pour tout autre pays et devise.
Par conséquent, dès lors que la croissance de l’économie est mesurée par le biais du PIB, il n’est pas surprenant que la banque centrale semble être capable de piloter efficacement l’économie. Par exemple, en accélérant la croissance de la masse monétaire, les actions de la banque centrale sont supposées permettre de stimuler l’économie.
Observez bien qu’après un certain délai, le taux de croissance du PIB aura tendance à accélérer en réaction à ces injections monétaires. A l’inverse, si la banque centrale décide de ralentir le rythme d’expansion de la masse monétaire, cela se traduira par un ralentissement de la croissance économique telle qu’elle est mesurée par le PIB en volume.
Les politiques monétaires laxistes favorisent les bulles comme les krachs
Une politique monétaire laxiste, qui se traduit par une expansion de la masse monétaire, implique l’échange de ressources réelles contre de la monnaie créée ex nihilo, ce qui équivaut à un détournement de la richesse générée par les activités productives vers des activités improductives.
Ces activités ne sont rien d’autre que des bulles. Leur émergence est le résultat de la politique monétaire laxiste de la banque centrale et non du marché libre. Pire, ce processus de détournement des ressources affaiblit les agents économiques réellement productifs, ce qui a pour conséquence de réduire leur capacité à accroitre la quantité globale de richesses disponibles.
Des injections de liquidités réalisées dans le cadre de la politique monétaire laxiste de la banque centrale peuvent pousser à la hausse le chiffre d’affaires des entreprises, et donc le PIB. Mais, encore une fois, n’oubliez pas que l’augmentation du PIB dont il est question ici ne fait que refléter le développement d’activités en situation de bulle.
Une fois que le chiffre d’affaires des entreprises est déflaté en fonction du soi-disant indice moyen des prix, il est probable que le PIB en volume ainsi calculé ressorte en hausse. Cette croissance est alors décrite comme un boom économique. La plupart des experts et des commentateurs présentent cette croissance du PIB comme une preuve factuelle que les politiques monétaires laxistes de la banque centrale ont réussi à stimuler l’économie.
Cependant, lorsque la banque centrale doit resserrer sa politique monétaire en réaction à des anticipations d’inflation, cela a pour conséquence de ralentir le détournement des ressources des agents économiques productifs vers les activités en situation de bulle. Ces dernières bénéficient ainsi d’un soutien moins important au travers de la création monétaire, et une récession risque donc de débuter.
Il convient de noter que ces activités n’ont en fait jamais été économiquement viables : elles auraient été incapables de survivre sans un détournement de ressources à leur profit au travers de l’expansion de la masse monétaire. Par conséquent, la plupart de ces activités risquent de dépérir.
A partir de là, nous pourrions en conclure que les périodes de récession résultent de la liquidation des activités qui ne doivent en premier lieu leur existence qu’à la politique monétaire laxiste de la banque centrale. Ce processus de récession est enclenché dès lors que la banque centrale met fin à sa politique monétaire laxiste.
La politique monétaire mise en œuvre par les banques centrales, qui vise à compenser les conséquences de leurs tentatives précédentes de stabilisation de l’économie, mesurée par le PIB en volume, constitue un facteur clé à l’origine des cycles d’expansion et de récession à répétition.
En raison du décalage variable qui existe à travers le temps entre les fluctuations de la masse monétaire et les fluctuations des prix ainsi que du PIB en volume, les dirigeants de la Fed peuvent être confrontés à des données économiques en contradiction avec les objectifs qui sont assignés à la Fed.
Cela oblige les responsables de la banque centrale à réagir aux effets des politiques monétaires qu’ils ont eux-mêmes mis en œuvre précédemment. Ces réactions aux effets des politiques qu’ils ont eux-mêmes mis en œuvre précédemment entrainent à leur tour des fluctuions de la croissance de la masse monétaire à l’origine de cycles récurrents d’expansion et de récession.
Quelle conséquence pour les entreprises concernées ?
Certains commentateurs affirment que les entreprises bien gérées seront capables d’échapper à une nouvelle crise économique. Mais cela ne sera probablement pas le cas. Par exemple, à cause des politiques monétaires laxistes mises en œuvre par la Fed, de nombreuses activités ont émergé afin de satisfaire la demande provenant des bénéficiaires de la nouvelle monnaie mise en circulation.
Or, même si certaines activités en situation de bulle sont bien gérées et que leurs dirigeants contrôlent efficacement le niveau des stocks, il est peu probable que cela leur permette de survivre une fois que la banque centrale aura mis fin à sa politique monétaire laxiste.
Les activités en situation de bulle n’existent qu’en raison de la politique monétaire laxiste de la banque centrale, elles n’ont jamais été « approuvées » par le marché en tant que telles. Elles sont apparues en raison de l’augmentation de la masse monétaire, qui a soutenu le développement de la production des biens et services fournis par ces activités.
Une fois que la banque centrale aura amorcé un tournant dans sa politique monétaire, quelle que soit la qualité de la gestion des activités en situation de bulle, elles seront soumises à une forte pression et risquent très probablement d’être liquidées. Étant donné que les consommateurs n’ont pas alloué d’épargne aux activités en situation de bulle, une fois que le taux de croissance de la masse monétaire commencera à ralentir, ces activités seront menacées. Les activités en situation de bulle ne peuvent tout simplement pas survivre sans le soutien des injections monétaires de la banque centrale.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici