▪ Nous continuons nos réflexions — bien utiles en ces temps de confusion — sur la crise du capitalisme.
– « Les Américains pensent que nous sommes stupides », déclarait un diplomate européen lors d’un dîner à Washington. « Mais nous ne sommes pas idiots. Nous essayons simplement de résoudre les problèmes liés à la formation de ce qu’on pourrait appeler ‘une union plus parfaite’. »
– « Eh bien, vous pouvez unifier tout ce que vous voulez… ça ne fera pas disparaître vos dettes », avons-nous répliqué. Nous essayons toujours d’être le boute-en-train, lors des dîners… surtout à Washington.
– « Non… mais il sera plus simple de les gérer, comme vous le faites ici », nous a répondu notre interlocuteur. « D’ailleurs, les Etats-Unis ont environ la même quantité de dette que l’Europe. Les derniers chiffres montrent que la moyenne, pour tous les pays de l’OCDE, est d’environ 100% de dette gouvernementale par rapport au PIB. Les Etats-Unis sont pile au milieu… à la moyenne ».
– « Oh, ne pensez pas que je montre les Etats-Unis comme exemple », avons-nous dit. « Pas du tout. Au contraire. Je souligne simplement que si l’Europe suit le modèle européen, elle fera faillite exactement comme les Etats-Unis ».
– « En fait, il y a des réflexions très intelligentes et sophistiquées qui se font en Europe », a dit notre ami. « Je pense que vous approuveriez. Nous n’en parlons pas en public, évidemment, la plupart des gens ne comprendraient pas. Mais nous savons que quelque chose de très important a changé… et nous ne sommes pas certains de la réponse à apporter ».
« Aucun pays n’a jamais réussi à se sortir de niveaux de dette si élevés sans des taux de croissance exceptionnellement vigoureux… et les circonstances exceptionnellement favorables qui les rendent possible — comme des créditeurs d’extrêmement bonne volonté qui acceptent de renoncer à leurs dettes, comme les Etats-Unis l’ont fait après la Première et la Deuxième Guerre mondiale ».
« Je ne vois rien de tout cela se produire. Les créditeurs ne peuvent renoncer à leurs dettes… parce qu’eux aussi doivent de l’argent. Ils seraient ruinés. Quant à la croissance, elle semble avoir atteint des niveaux négligeables. Si ça continue, tous nos plans et nos efforts pour ‘construire une union plus parfaite’ auront probablement été vains ».
– « Je suis heureux de voir que telles sont vos conclusions », avons-nous repris. « Mais vous êtes conscient que ce problème n’est pas né simplement durant la crise du crédit de 2008 ? »
– « Oui… Nous savons qu’il est apparu de longue date. Depuis la fin des Trente Glorieuses, après la Deuxième Guerre mondiale, la vraie croissance a été difficile ».
– « Exactement. Aux Etats-Unis, l’individu moyen en âge de travailler gagne environ 20% de moins, en termes réels, qu’en 1972. S’il n’est allé qu’au lycée, sans continuer à l’université, il gagne environ la moitié seulement ».
– « En Europe, en dehors de l’Allemagne, les chiffres sont similaires… mais pas aussi épouvantables, il me semble », a répondu notre interlocuteur.
« Les Etats-Unis ont pu réduire leur dette de la Deuxième Guerre mondiale parce qu’ils ont enregistré des taux de croissance réelle très élevés jusque dans les années 70. Idem en Europe. Depuis, la majeure partie de l’amélioration du niveau de vie n’a été que tours de passe-passe. Aux Etats-Unis, les femmes se sont mises au travail. Plus de gens, travaillant plus d’heures. Ils ont pu augmenter leurs revenus personnels… tandis que la qualité de vie à domicile plongeait. Ensuite, quand il n’a plus été possible de travailler plus longtemps, ils ont commencé à emprunter de l’argent. Ce sont leurs finances qui ont alors plongé. C’est là la raison, et la seule raison, du boom des années Clinton puis Bush. C’était un boom factice, insoutenable… avec une croissance factice et insoutenable ».
« En Europe, c’était un peu différent. Les gens ne voulaient pas travailler plus ; ils voulaient travailler moins. Ils ont donc mis l’accent sur les hauts salaires… mais moins de gens avaient des emplois. Nous avons appris à vivre avec un chômage élevé. Et les gouvernements ont emprunté pour augmenter le niveau de vie de tous — y compris ceux qui ne travaillaient pas ».
« Mais c’est terminé, maintenant. Personne — ni les ménages, ni les gouvernements — ne peut continuer à emprunter pour augmenter le niveau de vie. Et sans une augmentation de la demande réelle… des dépenses réelles… et de la richesse réelle… il n’est pas possible de travailler jusqu’à se sortir d’une telle quantité de dette ».
« Cette fois-ci, le capitalisme semble vraiment avoir échoué », a conclu notre ami.
– « Eh bien, c’est ce qu’il semblerait », avons-nous répondu. « On doit se poser la question : comment est-il possible qu’en 40 ans, l’économie la plus dynamique, la mieux capitalisée et la plus avancée du monde n’ait pas pu ajouter un seul dollar à la richesse réelle du travailleur moyen ? »
A suivre…
2 commentaires
[…] Des idées sur l’état de l’Europe vs celui des Etats-Unis, variante du dîner en ville, mais à Washington : https://la-chronique-agora.com/capitalisme-petite-comparaison-europe-etats-unis/ […]
La Capitalisme a échoué car il crée de l’injustice et des inégalités criantes, devenus insupportables pour les 90% :
« Les peuples ne sont plus maitres de leur destin, ils peuvent dormir tranquilles, les Banksters s’occupent de tout : les dépenses publiques, la protection sociale et les salaires coûtent trop chers, l’Europe ne peut pas continuer dans cette voie !
L’objectif est de saigner les populations, d’aspirer la richesse des pays et la distribuer aux familles oligarchiques.
L’Europe se livre pieds et mains liés au pouvoir financier des marchés ! L’Europe s’interdit toute monétisation de la dette publique directement auprès de la Banque Centrale, et garantit aux banques, qu’elles ne seront pas mises à contribution. Cerise sur le gâteau, l’Europe vient de leur accorder un approvisionnement illimité en monnaie (Scripturale) quasi-gratuite par la BCE (1%) pendant trois ans pour mieux faire des bénéfices en prêtant ensuite aux Etats à des taux 3 à 4 fois supérieurs. L’Europe interdit aux Nations d’emprunter directement à la BCE, juste pour que les Banques puissent se gaver, en servant d’intermédiaire ! »