▪ Il semblait si facile de propulser le CAC 40 vers les 4 500 points vendredi, dans un marché désert en l’absence de toute opposition de la part des "vendeurs" — une catégorie d’intervenants qui a complètement disparu des radars — et des opérateurs américains qui étaient en congé depuis l’heure du déjeuner jeudi dernier.
Cette demi-séance précédant un pont de trois jours avait permis aux indices US de tirer un feu d’artifices de records historiques 24 heures avant les feux d’artifices du 4 juillet. Cependant, le CAC 40 a clôturé au plus bas du jour, sur un repli de 0,47% à 4 468 points qui ramenait la hausse hebdomadaire à 0,72%… et la séance de lundi a complètement déjoué tous les pronostics avec une rechute de 1,4% au contact des 4 400 points.
Le retard accumulé sur Wall Street (-2,5% en cinq séances) continue de se creuser. Cela s’explique par la réjouissante conjoncture dont les médias et la Fed se font l’écho depuis la fin des grands froids de janvier février (avec un PIB anticipé à +3,5% après -2,9% au premier trimestre) puis l’anticipation de splendides résultats au deuxième trimestre 2014 qui vont faire rechuter les PER en direction de leur moyenne historique (il suffirait juste qu’ils se dégonflent de 25% à 30% : une broutille).
Beaucoup de valeurs ont été récemment introduites et n’affichent pas encore de bénéfices |
Evidemment, ce sera un peu plus difficile en ce qui concerne le Russell 2000 — où le PER moyen dépassait les 100 selon l’estimation du Wall Street Journal publiée fin avril (et l’indice des midcaps se situait 5% en-deçà des niveaux actuels il y a deux mois)… Mais cela ne veut rien dire car beaucoup de valeurs ont été récemment introduites et n’affichent pas encore de bénéfices.
Pour celles qui distribuent des dividendes, le PER 2014 anticipé est beaucoup plus raisonnable, de l’ordre de 36. C’est juste 33% de plus qu’au sommet de la bulle en 2007… rien que de très raisonnable en somme ! Il y a certainement moyen de gagner encore 15% ou 20% d’ici la fin de l’année au rythme actuel, histoire d’égaler les +30% de l’an dernier.
Le Wall Street Journal tempère toutefois son estimation de 36 de PER en y introduisant les bénéfices anticipés par les entreprises en 2015. Miracle… le PER tombe pratiquement de moitié, à un 19 bien anodin, comparable à celui du S&P 500 ou même du DAX en cette mi-2014.
▪ Est-ce bien plausible ?
J’ai beau chausser des lunettes roses et aligner des Bisounours sur l’étagère ou je range les rapports d’activité des entreprises du segment small ou midcaps, j’ai du mal à croire à cette division par cinq du PER "brut" que calcule le WSJ.
Mais revenons aux actions du S&P 500 qui ont la sagesse de contenir leur PER sous la barre des 20 : la hausse des bénéfices attendue au deuxième trimestre est de 4,9%.
Merveilleux, c’est exactement ce que l’indice phare a gagné depuis le 31 mars dernier.
Attendez… ces 4,9% correspondent-ils à une hausse globale des profits encaissés ou à une hausse du dividende par titre ?
Cette dernière est facilement manipulable par le biais de la "rachat mania" (repurchase-mania) puisque les entreprises se servent de l’argent gratuit distribué par les banques centrales pour faire disparaître d’énormes quantités d’actions en circulation et augmenter mécaniquement leur dividende.
Pas moins de 450 milliards de dollars ont ainsi été dépensés en 2013 pour falsifier le plus légalement du monde la profitabilité apparente des entreprises du S&P 500.
Les entreprises vont donc très, très bien… et plus elles s’endettent, plus les analystes les encensent |
Les entreprises vont donc très, très bien… et plus elles s’endettent, plus les analystes les encensent. Si elles abaissent leurs prévisions 2014 avant même d’avoir publié leurs trimestriels (94 entreprises du S&P ont émis un avertissement négatif, contre 24 révisions à la hausse), ce qui compte, c’est qu’elles soient moins nombreuses dans ce cas que fin mars-début avril (122 révisions à la baisse… sur 500).
Personne bien entendu ne s’émeut que dans une économie soi-disant en forte croissance, les "avertissements" soient quatre fois plus nombreux que les relèvements d’objectifs… car l’essentiel est ailleurs.
En effet, pour les entreprises qui ont de la trésorerie en surabondance, c’est la course à la croissance externe qui est lancée par le biais des OPA… En y regardant de plus près, cependant, c’est bien parce que la véritable croissance risque d’être absente que la concentration a lieu — tandis que nombre d’opérations sont inspirées par un souci d’optimisation fiscale.
Si on ne peut pas escompter faire plus de bénéfices, on se rattrapera en taillant dans les dépenses de personnel et en payant moins d’impôts.
Qui oserait prétendre en constatant ce qui précède que les entreprises n’ont pas une foi inébranlable dans un scénario… déflationniste ?