La période de croissance de la seconde bulle immobilière du XXIe siècle a pris fin, mais la chute des prix est encore loin d’être terminée…
Le XXIe siècle, qui n’a qu’à peine 23 ans, a déjà connu deux bulles immobilières de grande ampleur et d’ampleur internationale. Face à ce constat, il est permis de douter que nous devenions plus sages avec l’expérience.
Parmi les pays impliqués dans cette deuxième grande bulle immobilière, les Etats-Unis et le Canada ont été particulièrement affectés par cette nouvelle vague d’inflation des prix de l’immobilier. Cette fois, les prix ont atteint des niveaux encore largement supérieurs à ceux atteints lors du pic de la précédente bulle.
Aux Etats-Unis, au milieu de l’année 2022, l’indice national des prix des logements S&P/Case-Shiller se situait 67% plus haut qu’au sommet de la bulle de 2006 (et 130% au-dessus du plus bas atteint en 2012). Au Canada, l’indice des prix des logements Teranet-Banque Nationale se situait 143% plus haut que son précédent sommet de 2008 (et 168% au-dessus de son précédent plus bas atteint en 2009).
Au travers de leurs politiques de taux d’intérêt bas, la Fed et la Banque du Canada ont entrainé une hausse des prix des logements à des niveaux qui seraient insoutenables en cas de normalisation des taux d’intérêt des prêts hypothécaires. Nous nous sommes demandés pendant plusieurs années quand cela se produirait-il. Nous avons maintenant la réponse : en 2022.
Fin 2022, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires, les bulles immobilières ont commencé à se dégonfler et les prix des logements sont en baisse à l’échelle nationale, aussi bien aux États-Unis qu’au Canada. Nous sommes ainsi de nouveau entrés dans une phase de baisse des prix de l’immobilier faisant suite à une véritable flambée des prix.
Dix ans de bulle
Comment est-il possible que nous nous retrouvions si vite confrontés aux difficultés causées par une nouvelle bulle immobilière ? Dix ans seulement se sont écoulés depuis 2012, l’année au cours de laquelle les prix de l’immobilier ont cessé de baisser aux Etats-Unis, marquant la fin d’une longue et douloureuse crise qui avait suivi l’éclatement de la précédente bulle immobilière de 1999-2006.
Avant que les prix de l’immobilier ne commencent à baisser aux Etats-Unis, les experts affirmaient que l’immobilier américain pouvaient potentiellement baisser au niveau régional, comme cela s’était déjà produit à nombreuses reprises, mais qu’il était impossible que les prix baissent à l’échelle nationale compte tenu de l’importance et de la diversification de l’économie américaine. Cette théorie s’est évidemment avérée totalement inexacte, et la moyenne nationale des prix de l’immobilier a chuté de 27%. En 2022, cette théorie s’est à nouveau révélée fausse, mais l’ampleur de la chute, cette fois, n’est pas encore connue et ne peut être déterminée pour le moment.
Ironiquement, la leçon à en tirer est la suivante : lorsqu’un grand nombre de personnes croient que les prix de l’immobilier ne peuvent pas baisser, en particulier lorsqu’elles sont encouragées par les politiques des banques centrales, il devient beaucoup plus probable, et même certain, que les prix finiront par baisser.
Lorsque cela finit par se produire, la notion d’AVI (« appréciation de la valeur immobilière ») que tout le monde avait intégré dans ses analyses et prévisionnels financiers, est remplacée par la notion de DVI (« dépréciation de la valeur immobilière »). Il serait préférable de parler de « VVA » (pour « variation de la valeur immobilière »), pour nous rappeler que les prix de n’importe quel actif peuvent monter et descendre, parfois de façon considérable.
Il semble que dix ans soit une période suffisamment longue pour estomper le souvenir que les prix peuvent varier de façon spectaculaire dans les deux sens, même à l’échelle nationale. Une bulle, en particulier lorsqu’elle se poursuit pendant des années, rend beaucoup de gens heureux car ils ont le sentiment de s’enrichir. Et plus leur effet de levier est élevé, plus ils ont l’impression de s’enrichir rapidement.
Comme l’a écrit le grand journaliste financier Walter Bagehot il y a 150 ans : « les périodes durant lesquels les cours restent trop élevés » signifient que « pour un moment, les gens sont prêts à croire n’importe quoi ».
Chute remarquable
Puis le marché finit par se retourner à la baisse et des croyances différentes s’imposent. En quatre mois seulement, de juin à octobre 2022, le prix médian des logements aux États-Unis a connu une chute remarquable de 8,4%, les prix ayant baissé par rapport à leur sommet dans les 60 plus grandes métropoles du pays.
En octobre, les ventes de logements anciens ont diminué pour le neuvième mois consécutif et étaient en baisse de 28% par rapport à l’année précédente. Les demandes de prêts hypothécaires pour l’achat d’un logement ont diminué de 42% sur un an.
Les banques ont déclaré qu’en moyenne elles perdaient de l’argent sur les prêts hypothécaires et beaucoup ont licencié du personnel. Le cours de l’action de la plus grosse banque sur le marché des prêts hypothécaires, Rocket Companies, a baissé de 70% par rapport à son sommet de 2021. Le PDG de la National Association of Home Builders [NDLR : la plus grande association professionnelle du BTP aux Etats-Unis] a déclaré que « nous nous dirigeons vers une récession dans le secteur du logement ».
Au Canada, le prix moyen des logements a chuté de 7,7% entre mai et octobre 2022, ce qui représente la plus forte baisse sur cinq mois de l’histoire de l’indice Teranet, qui remonte à 1997. A Toronto, capitale financière du pays qui était habituée à une inflation particulièrement rapide des prix des logements, la chute des prix sur cette période a été vertigineuse : de 11,9%.
Les publications mensuelles concernant l’évolution de l’indice des prix de l’immobilier Teranet-Banque nationale étaient précédées des titres suivants : « Baisse record des prix en août » ; « Nouvelle baisse mensuelle record en septembre » ; « Nouvelle baisse mensuelle en octobre ».
Le point bas n’est pas encore atteint
Malgré ces baisses rapides, les prix des logements dans les deux pays se situent toujours à des niveaux extrêmement élevés. Jusqu’à quel niveau peuvent-ils encore baisser ?
En ce qui concerne les Etats-Unis, la Réserve fédérale a prudemment indiqué dans l’un de ses derniers rapports sur la stabilité financière que, « compte tenu du niveau élevé des valorisations, les prix des logements pourraient être particulièrement impactés en cas de choc économique ».
Plus concrètement, l’AEI Housing Center prévoit une chute moyenne de 10% à 15% des prix des logements à l’échelle nationale en 2023. Cela anéantirait une grande partie du patrimoine immobilier que les investisseurs ont cru posséder en raison de la bulle. On parle ici de 4 000 à 5 000 Mds$ qui pourraient encore se volatiliser, en plus des 3 000 Mds$ perdus en 2022.
De nombreux propriétaires ayant acheté leur logement lorsque le marché était proche de son sommet, en particulier ceux qui ont acquis leur logement avec l’aide de programmes gouvernementaux permettant d’accéder à la propriété sans apport personnel significatif, verront la marge hypothécaire de leur logement disparaitre voire même tomber en territoire négatif.
En ce qui concerne le Canada, le Wall Street Journal a suggéré que le marché du logement serait « particulièrement sensible au durcissement de la politique monétaire » et a rapporté qu’Oxford Analytics « estime que les prix des logements au Canada pourraient chuter de 30% ».
Rappelons que les prix sont purement subjectifs : ils résultent de la combinaison des anticipations, des actions, des espoirs et des peurs d’une multitude d’individus.
Lors des conférences que je donne, j’aime demander à mon public : « Dans quelle mesure pensez-vous que le prix d’un actif peut-il changer ? ». La réponse que je suggère à chaque fois est la suivante : « Plus que vous ne le pensez. »
Bien sûr, personne, pas même la Fed ou la Banque du Canada, ne peut prévoir avec précision comment les prix des logements vont évoluer, mais nous pouvons tous deviner dans quelle direction ils vont s’orienter. Le célèbre économiste Gary Shilling a écrit en novembre que « la baisse des prix ne fait que commencer » et que « le retournement récent est probablement loin d’être terminé ». Cela me semble effectivement probable.
Quoi qu’il en soit, la deuxième grande bulle immobilière de ce début siècle est terminée et une nouvelle phase a commencé.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.