▪ Peu avant la Trêve des Confiseurs, nous avons fait l’incontournable inventaire des prévisions des uns et des autres pour 2016. 90% des gérants déclaraient s’attendre à une hausse comprise entre 10% et 25% sur le CAC 40.
Nous ne parlons pas là d’un indice retombé sous l’ex-plancher annuel 2015 des 4 300 points… mais bien d’un CAC 40 tutoyant les 4 750 et même les 5 000 points le 3 décembre. Le calcul est vite fait : cela nous valait un objectif médian de 5 300 (soit une remontée au contact du zénith des 5 283 du 27 avril 2015) et une hypothèse haute voisine de 6 000 points (c’est-à-dire, en réalité, 14 750 points sur le CAC 40 global return). Cela implique, sur la base des bénéfices anticipés en 2016, de supporter un PER de 20.
Cela vous paraît idiot ?
Ca l’est dans l’absolu… mais nous vivons à l’ère de la relativité et des raisonnements mécanistes et statistiques qui servent à la conception des meilleurs algorithmes boursiers.
Oubliez vite les dividendes : ils n’avaient pratiquement pas progressé de fin 2011 à fin 2014… mais le CAC 40 avait pris 60% dans l’intervalle. Il était mû par l’anticipation d’une croissance des résultats se comportant comme l’arc en ciel face à un TGV lancé à pleine vitesse : plus le train accélère, plus l’arche de couleurs semble prendre la fuite.
La hausse des cours ne s’est expliquée pendant trois ans que grâce à "l’expansion des multiples" |
La hausse des cours ne s’est expliquée pendant trois ans que grâce à "l’expansion des multiples", le PER moyen passant de 12 (fin 2011) à 18, lorsque le CAC 40 flirtait avec les 5 200 points début août dernier.
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Alors prenez le graphique des PER, observez l’irrésistible progression de sa courbe depuis quatre ans… puis prolongez-la en conservant le même angle ascendant au cours des 12 prochains mois : cela vous donne un PER de 20.
Multipliez parallèlement les bénéfices attendus en 2016 par 20 et vous obtenez bien un CAC 40 à 6 000 points — CQFD.
▪ Les bourses européennes font cavalier seul ?
Préparez-vous à un "cavalier seul" historique des places européennes en 2016. En effet, Wall Street pourrait bien rééditer le piètre millésime 2015 selon Goldman Sachs, qui anticipait début décembre dernier un S&P 500 à 2 100 alors qu’il évoluait déjà entre… 2 100 et 2 110 points.
S’il vous paraît difficile d’envisager que l’EuroStoxx 50 ou le CAC 40 gagnent 15% quand le S&P 500 stagnerait entre 2 000 et 2 150 durant toute l’année 2016, c’est que vous avez oublié que l’inverse a déjà été observé dans un passé pas si lointain (comme ce fut le cas ponctuellement en 2011 et 2012).
Autrement dit, c’est en 2016 que les marchés européens vont vraiment prendre leur revanche sur Wall Street, dans le cadre d’un vaste mouvement de rotation sectoriel en faveur des actions libellées en euro.
Ceci prolongera le scénario observé en 2015 — mais avec une plus grande vélocité, du fait de l’afflux de liquidités désertant les marchés obligataires et continuant de se détourner des pays émergents (plombés par la faiblesse persistante des matières premières).
L’alignement des planètes reste presque parfait en Europe, avec des taux ultra-bas (voire encore plus négatifs)… une BCE prête à recalibrer la taille de son QE autant que nécessaire… et des consommateurs bénéficiant d’un prix de l’énergie optimal.
La baisse des carburants et du fioul domestique leur restitue du pouvoir d’achat, ce qui dispense les entreprises d’augmenter les salaires tout en leur permettant d’améliorer leurs marges, d’où une progression des bénéfices à niveau d’activité égal.
Vous connaissez ce couplet des marges par coeur puisqu’il s’agit du seul succès dont sont crédités les "Abenomics". Les commentateurs essayent vainement de les justifier alors qu’aucun des autres objectifs assignés aux QE japonais n’a été rempli depuis fin 2013.
Aux yeux des brasseurs d’argent, les QE sont une vache sacrée… ou plutôt une vache à lait |
Mais aux yeux des brasseurs d’argent, les QE sont une vache sacrée… ou plutôt une vache à lait puisque leurs bonus sont assis sur le gonflement (peu importe qu’il soit totalement artificiel) des actifs sous gestion.
▪ Plein de bonnes nouvelles !
Avec l’entame d’année que nous venons de vivre et un recul moyen de 7% des actions à l’issue de la première semaine, aussi bien à Tokyo qu’à New York ou Paris, les gérants ne perdent pas le moral.
Une telle déculottée boursière est en effet très prometteuse :
– Elle sent bon l’accroissement imminent de la taille du QE de la BCE.
– La Fed n’est pas près d’effectuer un nouveau tour de vis monétaire.
– Pékin va certainement accroître son soutien tous azimuts aux marchés chinois.
– Les doutes sur la croissance vont maintenir le pétrole près de ses planchers.
– Le CAC 40 avait perdu 7% début janvier 2000 — un mois plus tard, il battait son record.
En ce qui concerne ce dernier argument, la correction en question n’avait effacé qu’une partie des gains de la dernière quinzaine de l’année 1999 ; la tendance sous-jacente était la plus furieusement haussière jamais observée en 50 ans.
J’ai du mal à qualifier de haussière la dernière quinzaine de l’année 2015, et plus encore la performance du CAC 40 au cours du deuxième semestre, avec deux corrections de plus de 10% coup sur coup fin août et fin septembre… sans parler des -5% du mois de décembre.
La correction survenue début janvier constitue donc une continuation… mais elle est présentée comme le scénario "impensable" |
La correction survenue début janvier constitue donc une continuation… mais elle est présentée comme le scénario "impensable", l’accident de parcours imprévisible mais qui ne saurait faire dérailler les marchés de leur trajectoire haussière long terme.
▪ Cependant, quelque chose n’a-t-il pas déjà déraillé ?
En ce qui concerne la Chine, je ne parle pas de la croissance mais bien de la bulle des mauvaises dettes qui plombent le système bancaire… l’officiel et le parallèle — ce dernier étant le shadow banking dont les encours sont peut être supérieurs à ceux relevant de la supervision de la banque centrale chinoise.
Par ailleurs, quelque chose n’a-t-il pas déjà déraillé au Proche-Orient ? Je pense à la guerre par procuration que se livrent l’Arabie Saoudite et l’Iran au Yémen depuis un an, en Syrie depuis trois ans et en Irak depuis 10 ans… et qui débouche sur une rupture diplomatique entre les deux pays.
La Turquie n’a-t-elle pas intérêt à attiser la rivalité entre wahhabites et chiites pour rafler la mise une fois les deux pays allés trop loin dans l’escalade militaire, ce qui leur vaudrait une mise en quarantaine diplomatique par l’ONU ?
Quelle fourchette de cours le pétrole pourrait-il atteindre si des installations pétrolières saoudiennes se retrouvaient ciblées au quotidien par une poursuite des tirs de missiles depuis le Yémen ? Après tout, Riyad n’hésite pas à bombarder massivement les infrastructures yéménites dès lors qu’elles passent sous le contrôle des "rebelles" chiites houthis…