▪ Les places européennes ont oscillé toute la journée entre +0,2% et +0,6%. L’indice CAC 40 a terminé en hausse de 0,23% à 3 872 points, devant Londres (+0,2%), mais derrière Francfort (+0,3%) et l’Euro-Stoxx 50 (+0,3%).
Les rares statistiques économiques du jour (rien à signaler côté américain) ont apparemment soutenu le rebond des indices boursiers. Le volume des ventes de détail a augmenté de 0,9% dans la Zone euro et les commandes à l’industrie en Allemagne ont quant à elles rebondi de 2,8% (contre 0,6% et 2% anticipés respectivement).
L’euro reste très solide face au dollar à 1,4650, mais ne nous réjouissons pas trop vite de cette bonne santé apparente ! Il s’agit clairement d’un signe de défiance relatif à la conjoncture globale — qui induit davantage un débouclement du carry trade euro/dollar qu’un vote de confiance en faveur de l’euro.
▪ Des rumeurs laissaient entrevoir mardi dernier (le 31 mai, une date stratégique comme nous vous l’avions expliqué ) un règlement rapide sinon imminent de la question grecque. Il apparaît désormais que le nouveau plan de sauvetage pourrait ne pas être bouclé avant fin juillet. Il semble impossible d’aboutir à un accord incluant un aval du FMI avant le sommet européen du 12 juin.
Deux difficultés sont apparues ces derniers jours. L’une concerne le montant du refinancement de la dette : il ne serait plus question de l’injection de 60 à 70 milliards d’euros supplémentaires mais bien d’un « package » voisin de 100 milliards d’euros. Personne ne veut avouer qu’il s’agit en fait d’un doublement du plan de sauvetage initial de 110 milliards d’euros de juin 2010, présenté alors comme l’alpha et l’oméga.
La seconde difficulté concerne l’absence d’accord de la part des créanciers privés, invités à rouler leurs positions sur la base du volontariat. S’engager à souscrire par anticipation aux prochaines émissions de dettes d’Athènes (à hauteur de 30 milliards d’euros, ce n’est tout de même pas rien, même si l’effort individuel resterait modeste), cela équivaut à consentir un allongement de la maturité, ce que Fitch assimile de toute façon à un défaut de paiement.
▪ D’autre part, les interrogations concernant la solvabilité des Etats-Unis — qui n’ont rien à envier à la Grèce en matière de surendettement et d’attitude négligente à ce sujet — se font de plus en plus pressantes. Que se passera-t-il lors de l’expiration du QE2 si les Etats Unis ne parviennent pas au moindre accord politique sur l’extension du plafond de la dette ?
En ce qui concerne le volet réduction des déficits, le blocage est total entre démocrates et républicains. Ces derniers en font un enjeu idéologique visant à séduire l’électorat réactionnaire du Tea Party, avec des prises de positions caricaturales et parfois scandaleuses qui stigmatisent les victimes de la Grande Crise 2007/2011, en vue des élections de 2012.
La vulgate ultra-libérale et ultra-réactionnaire ne se fixe plus aucune limite en matière d’abjection sociale. D’après les derniers discours entendus au Congrès US, les chômeurs sont des « assistés » qui ne se donnent pas les moyens de se sortir de l’ornière ; les pauvres ne devraient pas avoir le droit de dépenser leurs maigres subsides dans l’alcool et le tabac ; les bons d’alimentation devraient être supprimés, etc.
▪ En attendant que Ben Bernanke prenne la parole devant la Conférence monétaire internationale d’Atlanta, en Georgie, le président de la Fed de Dallas Richard Fisher avait enterré les derniers espoirs de voir le fameux programme d’assouplissement quantitatif QE2 être prolongé par un troisième cycle.
Cela a suffi à déstabiliser Wall Street. Les indices américains qui grimpaient de 0,7% en moyenne vers 20h30 avaient effacé la totalité de leurs gains une demi-heure plus tard, avant de déraper vers la zone rouge jusqu’au coup de cloche final.
Les écarts ne sont pas spectaculaires : -0,15% pour le Dow Jones, -0,1% pour le S&P et -0,05% pour le Nasdaq. Mais ce nouveau faux pas débouche sur l’inscription d’une cinquième séance de recul pour un repli cumulé de 4% ; il compte parmi les plus sévères observés depuis le début de l’année.
Ben Bernanke s’est exprimé au moment de la clôture des marchés américains. Seuls les cambistes avaient l’occasion de réagir mais ils n’ont guère été inspirés.
Comme à son habitude, il n’a pas dit un mot sur la valeur du dollar. Il s’est contenté de réaffirmer qu’il ne croyait pas au scénario d’un double creux, et que la croissance, qu’il qualifie de « désespérément lente », devrait se redresser « quelque part » au cours du second semestre.
Parallèlement, l’inflation — qui demeure largement contenue selon lui — devrait s’être calmée d’elle-même, pour peu que l’OPEP augmente sa production de manière à la ramener au niveau de l’été 2008 afin de combattre « l’effet rareté » qui pousse les prix du pétrole à la hausse.
C’est toujours de la faute des autres si l’or noir (ou n’importe quelle autre matière première) atteint des sommets, jamais de la sienne ni de la spéculation qui se nourrit de la fausse monnaie qu’il imprime par milliers de milliards depuis mars 2009.
Bernanke ne regrette rien, ne tire aucune conséquence de l’échec de sa stratégie, n’évoque aucun « plan B ». Il a simplement indiqué que la Fed allait se donner un peu de temps pour étudier de nouvelles mesures de soutien à l’économie (sans préciser lesquelles) et poursuivrait ses efforts pour stimuler l’emploi (sans évoquer la mise en oeuvre d’un QE3).
Le patron de la Fed ne va pas au-delà de ses habituelles déclarations d’intention et se retranche derrière sa conviction que « ça ira mieux bientôt ». Le seul point sur lequel il s’est montré plus précis et plus directif concerne les banques : il les invite à renforcer leurs fonds propres au-delà des niveaux préconisés par Bâle III.
Peu après la fin de la séance de questions-réponses (vers 22h45), les indices américains effaçaient les pertes marginales mentionnées quelques paragraphes plus haut. Barack Obama ne croit pas non plus au double creux ; il déplore simplement le mauvais état de la route qui devrait mener les Etats-Unis vers un avenir radieux.
Avec l’arrêt du QE2 (à peine commenté) et l’impossibilité d’embrayer sur un QE3 (non explicité), qui déclencherait la colère de la Chine et des alliés européens, nous avons le sentiment que les Etats-Unis viennent de mettre l’essieu avant dans le Grand Canyon, plutôt que dans l’un de ces fameux nids-de-poule évoqués la veille par le président.
Il n’est guère étonnant que la Maison Blanche ne distingue plus la route ni le relief, vu le zèle déployé par Ben Bernanke pour actionner la « pompe à brouillard » sur son plan d’action.
1 commentaire
Il était tout de même étonnant d’entendre le président des USA adjurer l’Union Européenne de régler ses petits problème pour ne pas déclencher une crise internatonale. La paille et la poutre ?