** Le S&P et le Dow ont chuté de 10% par rapport à leur hausse du début du mois d’octobre. Chute qui passe pour une "correction". Cela signifie également que l’optimisme concernant la fin de la crise du crédit début octobre était… sérieusement déplacé. Nous pourrions dire que le marché était complètement à côté de la plaque… mais qui sommes-nous pour discuter ce que dit le marché ?
– En outre, nous sommes actuellement en équilibre sur la fine ligne qui sépare l’incertitude du risque. Le risque est quantifiable. Si vous pouvez lui coller un nombre, une probabilité, alors vous pouvez vous couvrir en cas d’issue inattendue.
– Mais vous ne pouvez pas vous couvrir face à ce que vous ne connaissez pas. L’incertitude est fondamentalement différente du risque, comme l’indique si élégamment Nassim Nicholas Taleb dans son livre The Black Swan. Contre l’incertitude, il n’existe aucune stratégie, si ce n’est de rester vigilant.
– Pourtant le marché est entré dans le mois d’octobre les yeux bien fermés, ignorant volontairement l’immensité du paysage d’incertitude qui s’étendait devant lui. Quel est le degré de gravité du problème du subprime ? Qui possède les prêts ? Comment le système financier mondial défait-il une force aussi imposante sans affecter la valeur des capitaux ?
– Pour chaque évènement, nous avons d’abord posé ces questions, pour démontrer que personne n’en connaissait les réponses. Et nous ne sommes pas près de les connaître. Si vous ne pouvez pas vendre de CDO parce qu’il n’y a pas de prix, cela signifie-t-il que le capital n’a pas de valeur ? Si c’est le cas, les pertes dans le secteur financier pourraient être bien plus importantes que les 300 à 500 milliards de dollars US auxquels on nous a conseillé de nous préparer.
** Nous pensions que les instigateurs et les créateurs des CDO étaient intelligents et rusés. Mais c’étaient peut-être des idiots. Ou peut-être que les conséquences imprévues de la "désagrégation du risque" et de la titrisation vont se retourner contre eux. Les banquiers ne peuvent pas faire de saisies hypothécaires puisqu’ils ne peuvent pas prouver que les hypothèques leur appartiennent.
– Notre amie Lila Rajiva, co-auteur avec Bill Bonner de du livre Mobs, Markets and Messiahs [bientôt disponible en France, NDLR.], nous a indiqué un article dans le New York Times qui révèle ce qui pourrait bientôt devenir une grande tendance. Le Times rapporte qu’"un juge fédéral de l’Ohio s’est opposé à un cabinet de saisies ouvert de longue date, créant potentiellement un obstacle pour les propriétaires souhaitant récupérer leurs biens occupés par des emprunteurs en difficulté, et soulevant la question du statut légal des investisseurs dans le secteur de l’immobilier".
"Le juge Christopher A. Boyko de la Cour fédérale du district, à Cleveland, a rejeté 14 cas de saisies présentés au nom d’investisseurs hypothécaires, affirmant que ces derniers ne pouvaient pas prouver qu’ils possédaient les propriétés censées être saisies". La Deutsche Bank n’a pas pu prouver au juge Boyko qu’elle possédait les propriétés en question, et n’a donc pas pu procéder aux saisies.
– Pour ce cas précis, on peut accuser la titrisation et la mise en commun des hypothèques. L’avantage de ce procédé dans un marché haussier, c’est que les prêts à risque sont disséminés par "tranches", où ils figurent aux côtés de capitaux de meilleure qualité. C’était supposé rendre les probabilités de défaut de paiement moins dangereuses pour les investisseurs obligataires, qui touchaient de toute façon un rendement supérieur à celui des bons du Trésor US à 10 ans.
– Et aujourd’hui, où sont passés les obligations du secteur hypothécaire ? Probablement dans un carton, à prendre la poussière dans un hangar. Cela met toute la crise du crédit sous un jour nouveau. Si personne ne possédait réellement les risques liés aux mauvais prêts — et ne peut pas le prouver — peut-être qu’ils ne possèdent pas non plus la maison… auquel cas cela signifierait une amnistie pour beaucoup de gens.
– A un certain stade, toutes les pertes — celles des emprunteurs et celles des prêteurs — vont être "socialisées", c’est-à-dire qu’elles vont retomber sur le contribuable américain. Nous ne savons pas au juste comment le mécanisme va se mettre en place. Cela rappelle une scène des livres Harry Potter, où Dumbledore est obligé de boire un puits rempli de poison pour récupérer un trésor caché au fond. Le poison le tue presque. Mais il fallait bien que quelqu’un le fasse. La barbe de Ben Bernanke est plus courte que celle de Dumbledore… mais un peu de magie lui rendrait bien service en ce moment.