La baisse des taux de la Fed, très attendue, n’est peut-être pas une si bonne nouvelle finalement.
Comme annoncé il y a quelques jours, la Fed baisse ses taux d’intérêt pour la première fois en quatre ans. Prévisible. Ce qui n’était pas prévisible cependant, c’est à quel point la baisse serait agressive : c’est une mauvaise nouvelle pour le marché et l’économie.
Pourquoi ? Les acteurs du marché n’espéraient-ils pas depuis des mois un changement de cap de la part de la Fed ? N’étaient-ils pas déjà prêts à faire sauter le bouchon de champagne ?
Récapitulons d’abord ce qu’il s’est passé il y a quelques jours…
La Fed a baissé les Fed funds de 0,50%, mais cette baisse conséquente n’aura aucun effet stimulant sur l’économie.
Voilà une partie du communiqué de la Fed émis le 19 septembre à 14h :
« Le Comité cherche à atteindre un niveau d’emploi maximum et un taux d’inflation de 2% à long terme. Il est de plus en plus convaincu que l’inflation se rapproche durablement de 2% et estime que les risques qui pèsent sur la réalisation de ses objectifs en matière d’emploi et d’inflation sont à peu près équilibrés. Les perspectives économiques sont incertaines et le Comité est attentif aux risques qui pèsent sur les deux volets de son double mandat. À la lumière des progrès réalisés en matière d’inflation et de l’équilibre des risques, le Comité a décidé d’abaisser la fourchette cible du taux des fonds fédéraux de 1/2 point de pourcentage, pour la ramener de 4-3/4 à 5%. Lorsqu’il envisagera d’autres ajustements de la fourchette cible du taux des Fed funds, le Comité évaluera attentivement les données reçues, l’évolution des perspectives et l’équilibre des risques. Le Comité continuera à réduire ses avoirs en titres du Trésor, en dette d’agence et en titres adossés à des créances hypothécaires d’agence. Le Comité est fermement déterminé à soutenir l’emploi maximum et à ramener l’inflation à son objectif de 2%. »
Les résultats du vote du comité fédéral de marché ouvert (FOMC) sur cette politique étaient de 11 pour et 1 contre. Une gouverneure, Michelle W. Bowman, a voté contre la baisse des taux de 0,50%, elle préconisait une baisse de 0,25%. C’est le premier vote contestataire venant d’un gouverneur depuis 2005.
Cette réunion comprenait les « points », techniquement le résumé des projections économiques (SEP) proposé par 19 gouverneurs de la Fed et présidents de banques de réserve régionales et présenté sous forme de graphique. Les points montrent les prévisions individuelles de variables clés telles que le chômage, les taux d’intérêt, l’inflation et la croissance économique.
Les points ne sont pas fiables en tant qu’outils de prévision. De toutes les institutions, la Fed est celle qui a les plus mauvais résultats en matière de prévisions. Cela dit, les points montrent que la Fed s’attend à de nouvelles baisses de taux d’ici la fin de l’année, lors de ses réunions de novembre et de décembre.
Voici un résumé des points de projections économiques discutés lors de la réunion : la prévision médiane pour la croissance du PIB est de 2% pour les deux années à suivre, un taux que Powell définit comme « solide ». La projection de l’inflation médiane est de 2,3% pour 2024 et 2,1% pour 2025. Les participants s’attendent à ce que l’inflation se stabilise à 2 % (objectif de la Fed) pour 2026 et après.
Le taux cible des Fed funds projetés est de 4,4% le 31 décembre 2024 et 3,4% le 31 décembre 2025. Le pic du taux de chômage pour ce cycle est de 4,4%. Comme indiqué, toutes ces projections doivent être prises avec plus qu’un grain de sel. Le bilan des prévisions de la Fed est catastrophique.
Powell décrit un tableau idyllique, mais…
Le communiqué était suivi par une conférence de presse à 14h30 avec le président de la Fed Jerome Powell.
M. Powell a indiqué qu’en plus de la réduction du taux cible des Fed funds, « nous avons également décidé de continuer à réduire nos avoirs en titres » et que « nous n’envisageons pas d’arrêter la liquidation » des actifs du bilan. C’est un peu étrange, car les baisses de taux sont un signe d’assouplissement monétaire, tandis que les réductions de bilan sont un signe de resserrement monétaire. M. Powell a défendu le fait de faire les deux en même temps en disant qu’ils équivalaient tous deux à une « normalisation » par rapport aux conditions antérieures. En fait, la Fed tente de se retirer à la fois des activités de relance et de lutte contre l’inflation et de revenir à une position moins interventionniste, ce qui ne s’est pas vu depuis 2006. Bonne chance !
En ce qui concerne le déplacement des préoccupations de l’inflation vers le chômage, M. Powell a admis que « les risques de baisse de l’emploi ont augmenté ». Dans le même temps, il a défendu les politiques menées jusqu’à présent par la Fed en déclarant : « Nous ne pensons pas être à la traîne… mais vous pouvez considérer cette [baisse des taux] comme un signe de notre engagement à ne pas être à la traîne. » Il a réaffirmé ce sentiment en déclarant : « L’économie américaine est solide et l’objectif de notre décision est de la maintenir à ce niveau. »
Ce sont des mots courageux, mais ils sont sous-cotés étant donné que la Fed a baissé les taux de 50 points de base, et non 25. Cela laisse à penser que la Fed est déjà « en retard ». Cela laisse également à penser que l’économie des Etats-Unis n’est pas dans une « position solide ». L’histoire de la politique de la Réserve fédérale prouve qu’elle est toujours en retard sur la courbe, comme ce fut le cas lors de la Grande Dépression, de l’inflation des années 1970 et de la panique financière de 2008. Il n’est pas nécessaire de supposer que les conditions actuelles sont aussi mauvaises que celles de ces trois périodes (même si elles en prennent le chemin) pour conclure que la Fed est à nouveau en retard sur la courbe.