Les banques centrales sont prêtes à tout pour lutter contre la tendance baissière. Un combat hélas perdu d’avance…
A Dubaï, la télévision est censurée. WhatsApp et Skype ne sont pas permis. L’alcool est strictement contrôlé. Il y a toutefois une oasis dans le bar de l’hôtel, où les étrangers se rassemblent le soir. Des étrangers en terres étrangères, ils racontent leurs histoires…
L’un d’entre eux, brûlé de soleil et étourdi d’alcool, décrivait l’endroit où il avait échoué…
« Ouais… c’est une sorte d’Etat-providence basé sur les revenus pétroliers. Seuls 15% de la population environ sont citoyens. Ils traitent les autres comme des chiens. Des travailleurs du Pakistan, du Sri Lanka et d’Inde ont construit cet endroit. Ce sont eux qui versent du béton par 40°C. Mais ils ne peuvent rester que tant qu’ils ont un emploi. Ensuite, on les jette dehors ».
« On devrait faire ça aux Etats-Unis », a dit une voix américaine.
« Ils traitent bien mieux leurs citoyens. Si vous êtes citoyen de Dubaï, c’est tout bon. Lorsque vous vous mariez, ils vous donnent une maison et 25 000 $ pour payer les dépenses de la cérémonie ».
N’allez pas contre la Fed
Pendant ce temps, aux Etats-Unis, les choses deviennent de plus en plus curieuses…
Les investisseurs sont titillés par la pensée d’un accord commercial avec la Chine. Cela vient s’ajouter à la Fed qui – dans le sillage d’une économie qui se détériore – semble prête à passer à l’Erreur n°3 avant même d’en avoir terminé avec l’Erreur n°2.
Vous vous rappellerez que l’Erreur n°2 consiste à augmenter les taux d’intérêt pour tenter d’adoucir les dommages causés par l’Erreur n°1 (maintenir les taux trop bas pendant trop longtemps). L’Erreur n°3, quant à elle, consiste à les réduire trop rapidement pour tenter de réparer les dégâts causés par l’Erreur n°2.
« On ne lutte pas contre la Fed », est un credo de longue date dans l’industrie financière. Si la banque centrale commet les Erreurs n°1 ou 3, mieux vaut ne pas être positionné à découvert ; si elle commet l’erreur n°2, mieux vaut ne pas être acheteur.
Les investisseurs croient que les banques centrales contrôlent les prix des actions – ce qui est bien entendu le cas… jusqu’à un certain point.
Le roi Knut ne pouvait pas arrêter la marée. La Fed quant à elle ne peut pas contrer les profonds courants de la fortune économique. Le flot montant d’espoir et d’optimisme qui avait commencé avec l’administration Reagan a atteint son apogée en 1999. Depuis, c’est la chute.
C’est du moins notre hypothèse.
De l’avidité à la crainte
Depuis, les taux de croissance du PIB ont chuté ; les revenus réels des personnes réelles ont décliné en Occident. Et une bonne partie du public a changé de point de vue – les gens n’attendent plus l’avenir avec impatience ; ils regrettent le bon vieux temps. D’un monde gagnant-gagnant à somme positive… on est revenu à un monde à somme nulle, gagnant-perdant.
De l’avidité à la crainte, en d’autres termes.
C’est ainsi que nous appelons les grands mouvements de notre jauge Dow/or. Elle a atteint un sommet en 1999 à plus de 40 (il fallait plus de 40 onces d’or pour acheter le Dow Jones). Aujourd’hui, on est à 20 environ.
La jauge est passée sous les cinq par trois fois au cours du siècle dernier. Nous sommes d’avis qu’elle aurait à nouveau atteint son rendez-vous avec le destin – moins de cinq onces d’or pour acheter le Dow – en 2009 si la Fed n’était pas intervenue.
Mais la Fed a paniqué. Elle a ensuite déguisé, retardé et nié la vérité de cette inversion des courants en falsifiant le signal de prix le plus important du capitalisme – le prix du capital lui-même.
Cette évaluation erronée du capital – à cause de taux d’intérêt artificiellement bas – a empiré la tendance baissière.
Cette tendance baissière n’est pas limitée aux Etats-Unis. L’Europe, le Japon et la Chine montrent tous les mêmes symptômes. La semaine dernière, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a annoncé qu’il continuerait à commettre des erreurs… encore plus grosses.
Contrairement aux Etats-Unis, la BCE semble avoir purement et simplement évité l’Erreur n°2. Son taux directeur n’a jamais dépassé le zéro. Draghi affirme néanmoins qu’il est prêt à le mettre encore plus en territoire négatif. De l’agence Bloomberg :
« Le président de la BCE Mario Draghi a semblé mettre la barre très bas mardi lorsqu’il a affirmé que des mesures de relance supplémentaires seraient nécessaires ‘en l’absence de toute amélioration’ des perspectives de croissance et d’inflation. Parmi les options disponibles, il a spécifiquement cité les réductions de taux, ce qui a fait baisser l’euro et poussé les marchés monétaires à intégrer une baisse de dix points de base d’ici décembre. […]
‘Draghi terminera sa présidence par une réduction’, a déclaré Claus Vistesen, chef économiste sur l’Eurozone chez Pantheon Macroeconomics. ‘La porte est désormais ouverte et je ne vois pas comment ils ne la franchiraient pas’. »
Les investisseurs ont acheté des actions européennes. Le plus curieux, c’était la réaction du président américain sur Twitter :
« Mario Draghi vient d’annoncer que de nouvelles mesures de relance pourraient arriver, ce qui a immédiatement fait chuter l’euro par rapport au dollar, ce qui leur donne un avantage injuste dans la concurrence contre les USA. Ils font ça depuis des années, tout comme la Chine et d’autres.
Les marchés européens ont augmenté suite aux commentaires (injustes envers les US) faits aujourd’hui par Mario D. ! »
M. Trump pense que la BCE manipule l’euro à la baisse pour rendre les exportations européennes plus attractives.
Il s’agit là bien entendu de l’homme même qui braille contre Jay Powell pour n’avoir pas manipulé le dollar US à la baisse. Il s’est récemment plaint que les prix des actions US seraient « 10 000 points plus élevés » si la Fed avait suivi son conseil.
Le voilà maintenant qui se plaint de Mario Draghi. Et pour quoi ? Pour avoir utilisé la politique monétaire afin de manipuler l’euro à la baisse !
Nous n’avons rien de particulier contre l’hypocrisie. Et aucune rancune particulière envers le président américain.
La presse, le Congrès, la Maison Blanche, les investisseurs, les économistes, la Fed – tous semblent penser les mêmes balivernes… que les banques centrales sont responsables des prix des actions et de l’économie.
Mais peut-on vraiment renforcer une économie en falsifiant les taux d’intérêt et en dévaluant sa devise ?