La question est essentielle, et personne ne la pose… La prédation financière s’organise en coulisses – mais dans cette lutte, les épargnants individuels ont un avantage.
La question centrale aujourd’hui pour une organisation politique, un syndicat, un intellectuel est : tout ce qui se passe va coûter cher, incroyablement cher, des dizaines de milliers de milliards.
Les dettes et les pertes vont représenter des pourcentages considérables des PIB. Selon moi, en France près de 50% du PIB normal.
Qui va en supporter la charge, qui va payer ?
Pas la BCE : elle ne fait qu’émettre du papier, brasser du vent – ce sont des actions dont la fonction est de jeter un voile sur ce qui va se passer réellement.
La monnaie, les dettes, le crédit… Tout cela n’existe pas, sauf dans l’imaginaire : ce sont des rapports sociaux, des transferts, des arrangements entre les gens et des arrangements dans le temps. In fine, tous les mouvements de la monnaie et de ses avatars recouvrent des mouvements réels.
Vous avez entendu poser cette question de savoir qui va payer ? Moi non ! Et pourtant je lis quasiment tout ce qui se publie dans les domaines économiques, politiques et sociaux.
Défaite historique des classes moyennes
En 2008 comme aujourd’hui, la question du coût de la crise avait été escamotée. La crise a pourtant coûté plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars – personne n’en a parlé.
Ceci a permis aux autorités de faire payer dans l’opacité la plus totale le sauvetage des ultra-riches et des banquiers par les salariés de base et les retraités. Le débat politique n’a jamais eu lieu, les soi-disant représentants des travailleurs et des classes moyennes n’ont jamais soulevé la question, ils n’ont jamais compris et bien sûr jamais expliqué.
Les élites ont d’ailleurs été les premières surprises de cette apathie de ceux qui étaient spoliés – et je dois dire que cela les a enhardies : une fois la surprise passée, elles se sont dit allons-y, allons encore plus loin, faisons-leur rendre gorge du passé. On a organisé la régression sociale, l’augmentation rétroactive du taux d’exploitation !
La conséquence en a été une régression sans précédent du monde du travail et des classes moyennes – et un enrichissement sans pareil dans l’Histoire des capitalistes, des détenteurs du capital ancien. Non seulement ils n’ont pas été ruinés, mais ils se sont considérablement enrichis. Les Bourses ont pulvérisé tous les records. Les grosses fortunes ont été multipliées par trois, voire près de quatre !
Nous avons assisté à une défaite historique des classes moyennes.
S’agissant de la crise actuelle, c’est exactement le même schéma qui est en train de se re-préparer. Après tout, pourquoi changer de voie quand on a réussi dans la première au-delà de tout ce qui était espéré ? Déjà, au cours du dernier mois, la Bourse de New York a connu sa plus forte hausse en 30 ans.
Dettes = profit
On pose les jalons, on véhicule des schémas de pensée, on sème les petites phrases pour aboutir à ce qui sera le discours dominant d’ici quelques semaines :
– on a créé beaucoup de dettes, il faut rembourser ;
– il faut réduire les déficits et dégager des marges, c’est-à-dire des ressources ;
– le capital est affaibli par les pertes de revenus et les dettes, il faut le soutenir et le favoriser ;
– l’austérité s’impose, il faut rembourser, reconstruire et investir. Il faut tout cela pour maintenir l’emploi !
Attendez-vous à ce discours sous toutes ses formes, y compris les plus vicieuses et les plus détournées.
Et n’oubliez jamais : quand on vous parle de « dettes », traduisez toujours « profits ». En effet, invoquer la dette, c’est toujours dire : il faut secréter des ressources pour l’honorer, confisquer du cash-flow et du surproduit pour le donner aux détenteurs des créances – c’est-à-dire à ceux qui détiennent le capital fictif.
Les « économistes » se concentrent aujourd’hui presque exclusivement sur les chiffres ; jamais ils n’essaient de voir ce qu’il y a derrière. Les chiffres que vous voyez passer, les centaines et les milliers de milliards, masquent des transferts réels qui soit sont déjà en cours, soit se réaliseront dans le temps.
Les défauts de crédit vont commencer à apparaître immédiatement, contrairement aux récessions précédentes où la situation financière des entreprises s’était détériorée progressivement. Ils s’accompagneront de chiffres de licenciements par dizaines de milliers qui vont rendre la classe des salariés malléable, et assouplir les échines.
On sauve les uns immédiatement avec les dettes, c’est-à-dire avec l’argent des autres… mais ces autres, ils ne s’en rendront compte que lentement et très indirectement.
Au four et au moulin
Les gouvernements vont aller au four et au moulin.
Au four :
– ils vont accorder des avantages et subventions au capital et aux entreprises ;
– ils vont intensifier le travail, par exemple en rognant sur les horaires et congés ;
– ils vont exiger de la discipline salariale et surtout raboter les dépenses sociales qui renchérissent le coût du travail et constituent un salaire différé ou indirect.
Au moulin :
Ils vont s’attaquer au gros morceau, celui de la prédation de l’épargne. De votre épargne. Les gouvernements vont recourir à une répression financière de plus en plus sévère, voire féroce – volant lentement de l’argent aux personnes peu sophistiquées qui en détiennent, en particulier celui des personnes âgées.
Répression, prédation
Les gouvernements peuvent confisquer des sommes colossales en utilisant des tactiques que peu de gens ordinaires comprennent. Ces tactiques consistent à construire et mettre en place des sortes d’entonnoirs qui attirent l’argent des gens peu avertis, à leur faire miroiter des pseudo-rendements ou des avantages et à les piéger.
On appelle cela la répression financière, mais le vrai nom devrait être la prédation financière. Elle complète la prédation fiscale. Je ne serais pas étonné si, par exemple, l’Europe essayait d’accélérer la constitution d’un marché unifié des capitaux, sorte d’attrape-nigauds.
La répression financière a été utilisée à grande échelle en temps de guerre et vous savez qu’ils nous disent que nous sommes en guerre !
Le Royaume-Uni a réussi à réduire ses dettes de 90% en termes réels dans les décennies qui ont suivi la Seconde guerre mondiale en volant lentement et régulièrement des épargnants.
Les Etats-Unis ont adopté des politiques similaires aux effets similaires.
Le gouvernement français a pour sa part choisi de confisquer l’argent des seniors rapidement après la guerre en plafonnant les intérêts de ses dettes à 6% et en pratiquant une politique inflationniste qui a permis une inflation à des taux avoisinant les 50%.
La répression financière consistera à rendre nulle toutes les rémunérations de l’épargne et à organiser son pillage. On va la canaliser vers des emplois ou elle sera piégée et quasiment autodétruite. Des emplois de type Lorelei, séduisants, scintillants mais qui sont des pièges cyniques.
Les bilans des banques centrales sont gorgés, obèses ; il faut les faire maigrir, les dégonfler. Pour cela, il faut faire en sorte que l’argent ne puisse absolument pas sortir du système et le rendre biodégradable.
Les mesures à venir comprendront la mise en œuvre progressive de contrôles des capitaux, des mouvements, des retraits de fonds – tels que les restrictions du gouvernement chinois sur les sorties de fonds.
Il y aura aussi des mesures pour voler les fonds de pension et des mesures visant à forcer les banques à détenir une dette publique auto-dévalorisante. Des mesures pour inciter à prêter de l’argent à des emprunteurs dont la solvabilité est inférieure à la moyenne et des genres de nationalisations.
Mon conseil : sortez des circuits financiers traditionnels, sortez des véhicules et des établissements professionnels. Ils sont suivistes, moutonniers et surtout légitimistes. Le gouvernement donne l’ordre de vous spolier et ils vont obéir. Ils sont là non pour vous servir mais pour obéir, ne l’oubliez jamais.
Les investisseurs individuels vont avoir un gros avantage sur les investisseurs professionnels collectifs. Le collectif va aller à l’abattoir.
Gardez une bonne partie de vos actifs en dehors du système financier, là où il est plus difficile de les réglementer ou de les saisir.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
Bonjour Mr Bertez,
Vous dites que les états justifient la création de monnaie afin d’aider les entreprises à sauver les emplois et le système. C’est fondamentalement vrai. Mais comme vous le dites aussi, l’argent va malheureusement sauver les riches en premier et le système truqué qu’ils utilisent pour garder leur richesses. En ce qui concerne la répression financière à venir, je suis tout à fait d’accord avec vous. Insidieusement, les moins riches paieront l’addition, les assurances-vies pourraient être bloquées comme le permet le loi Sapin 2 de 2018.
Pourquoi d’ailleurs avoir fait voter cette loi si ce n’est pour s’en servir un jour ? En ce qui concerne votre conseil de sortie des circuits financiers traditionnels, à part l’achat d’or, d’immobilier ou de monnaie numérique, que conseillez-vous ?
Merci
Denis Barthe