Depuis la crise des subprime, la Fed garantit aux marchés financiers qu’elle sera toujours là pour les rattraper en cas de chute. Mais cela va devenir difficile avec la remontée des taux…
Michael Lebowitz, gestionnaire de portefeuille chez Real Investment Advice :
« La liquidité est la bouée de sauvetage des marchés, et la Fed, directement et indirectement, gère ses flux de liquidités via le QE et les taux zéro.
Alors que l’inflation fait rage, que la pandémie s’atténue et que l’activité économique se normalise, la Fed tient à commencer à réduire les liquidités via des taux d’intérêt plus élevés et des réductions de la taille de son bilan.
La normalisation de la politique monétaire a pour but de faire baisser l’inflation.
Malheureusement, la suppression de ladite liquidité pourrait s’avérer problématique pour les cours des actions, surtout si elle est effectuée de manière agressive. »
Lebovitz se demande si Powell entend abroger le put de la Fed.
Il oublie de faire ce par quoi il aurait dû commencer : analyser et comprendre ce put, son histoire, sa fonction initiale comme sa fonction présente.
Pourquoi un put ?
Le put de la Fed a été mis en place pour stopper une chute boursière en boule de neige.
La spéculation avait rendu le marché vulnérable, on était trop loin des cours d’investissement et la Fed n’a pas eu le cran d’attendre que les marchés trouvent eux-mêmes un plancher. Elle a créé un plancher artificiel, bien au-dessus des cours d’équilibre naturel.
Et ceci a été répété plusieurs fois, de telle sorte que les observateurs en ont conclu que ce put était une réalité institutionnalisée, que l’on pouvait compter sur lui et qu’à l’avenir la Fed ferait en sorte, lorsque cela serait nécessaire, de l’actionner.
Cela a créé un comportement immoral : les spéculateurs ont eu la conviction qu’ils étaient protégés, que les autorités ne pouvaient pas et plus prendre le risque de les punir. A chaque fois, il a été vérifié qu’ils étaient sauvés.
En tant qu’entité – voire en tant que classe –, les marchés ont en quelque sorte renversé le pouvoir. Avant, c’était la Fed qui avait le pouvoir de faire souffrir la classe spéculative. Après l’institutionnalisation du put, les marchés ont pris le pouvoir, la Fed est devenue otage. Cela a été vérifié en 2018 et 2019, quand Powell a mis un genou à terre lors de son célèbre et infâme pivot.
Le put est un filet de sécurité placé sous les marchés, c’est une assurance contre les pertes catastrophiques.
Des seuils psychologiques
L’expérience montre que la Fed actionnait le put chaque fois que l’on se rapprochait de seuils techniques importants susceptibles, s’ils étaient franchis, de dégénérer en panique. Le put est considéré comme se situant autour de -15%, peut être entre -15 et 20%.
Ce qui semble logique, puisque ce sont des seuils psychologiques, sinon fatidiques, du moins importants. La psychologie agit de façon magique. Par exemple, elle décrète que si un marché dépasse les 20% de pertes, alors il entre en tendance primaire, fondamentale baissière. Et cela provoque des vagues de dégagements techniques.
La fonction du put qui était de maintenir un marché dit « ordonné » a cependant évolué, tout comme la fonction des QE.
Au fil du temps, il ne s’est plus agi d’éviter le chaos, mais plutôt de maintenir des niveaux élevés de valorisations des marchés, de soutenir des effets de richesse et d’enraciner des critères d’évaluation hédonistes.
La Fed en particulier a fait valoir régulièrement que les marchés n’étaient pas trop surévalués, puisque les taux d’intérêt étaient très bas voire nuls.
Personne n’a relevé la signification de cet argumentaire. Or il signifie deux choses : d’abord, que la valeur des actifs a cessé d’être référée au fondamental et, ensuite, que si les taux bas justifient les valorisations élevées, cela implique a contrario que quand les taux vont remonter les marchés vont s’effondrer !
A suivre…