▪ Les marchés se sont fait plaisir lundi avec les 1 000 milliards de dollars surgissant de nulle part évoqués par Christine Lagarde dans le cadre d’un plan de soutien aux pays surendettés de la Zone euro. Mais le tintement d’une piécette ne paye pas une baguette ! Si le boulanger s’en contentait, il serait en faillite avant la fin de la semaine.
Les marchés enchaînent peut-être les mouvements d’enthousiasme imbéciles depuis une semaine, mais il arrive tout de même un moment où ils demandent à voir l’argent.
▪ 1 000 milliards de dollars, ce n’est pas facile à trouver !
A moins d’exhiber une corne d’abondance dont la sphère financière ignorait l’existence, Mme Lagarde risque d’en rester au stade des voeux pieux. Ni les Etats-Unis, ni l’Allemagne, ni la Chine (les trois principaux bailleurs de fonds solvables du FMI) ne veulent remettre au pot, et ils n’ont pas mis plus de 24 heures à le faire savoir.
Les autres contributeurs comme le Japon, l’Inde ou le Brésil soulignent que si de nouveaux fonds devaient être apportés au FMI, la priorité devrait être accordée aux pays confrontés à une situation réellement critique.
C’est le cas pour certains pays de l’ex-Union soviétique, ou encore ceux qui se sont débarrassés d’une dictature corrompue lors du printemps arabe. La pauvreté et le chômage s’y sont aggravés fin 2011… la tentation ultra-religieuse se renforce… une explosion sociale menace à tout instant.
Et de toute façon, il n’est même pas envisageable — car se serait contrevenir à ses statuts — de voir le FMI lever des fonds dans le but de les allouer quasi exclusivement à des pays prédéterminés. D’ailleurs certains d’entre eux n’appartiennent-ils pas au G20, c’est-à-dire au club très fermé des « riches et puissants » ?
▪ FMI et S&P dégradent tout
Le FMI ne se contente pas de réclamer le renforcement de ses moyens d’action… Il brosse un portrait économique bien morose pour l’Europe (qui connaîtra une année de récession) et les Etats-Unis (1,8% de croissance alors que Wall Street rêve déjà de +3%). Le Fonds monéraire international abaisse donc sa prévision d’activité à l’échelle mondiale de 4% à 3,4%.
Dans le même temps, Standard & Poor’s dégrade la note de trois des quatre principales banques françaises (la BNP Paribas est épargnée) et celle de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Cela a tout juste suffi à déclencher une petite vague de prises de bénéfices sur le secteur financier, lequel sert de locomotive depuis une bonne semaine.
▪ Les bancaires sous les feux des projecteurs
Notez à ce sujet que sans la contribution décisive des trois bancaires du CAC 40 puis d’AXA et Alstom, le CAC 40 n’aurait jamais franchi les 3 250 points. Les cinq titres mentionnés ci-dessus rajoutent à eux seuls plus de 100 points à la valeur de l’indice phare en une semaine.
Si vous déteniez les 35 autres, vous pouvez vous demander de quelle hausse nous parlons depuis mardi dernier (et l’ouverture d’un gap au-dessus des 3 231 points).
Comme personne ou presque ne détenait de valeurs bancaires au soir du 9 janvier dernier, vous devinez sans peine que les seuls grands gagnants de la dernière quinzaine sont des hedge funds et quelques banques d’affaires. Ces dernières agissent pour le compte de richissimes clients qui tentent un banco, comme ce fut le cas fin septembre puis fin octobre 2011.
Le marché nous propose donc une hausse en trompe-l’oeil qui constitue le symétrique des phases de chute libre du début de l’automne 2011. Les médias qui tentent de rationaliser ce rebond s’obstinent à ne voir que le verre à moitié plein et négligent quelques petits détails techniques qui devraient pourtant les alerter.
▪ Une hausse sans volume
La remontée des indices se déroule sans accroissement des volumes, contrairement aux phases de contraction de septembre et octobre. La symétrie que nous évoquions quelques lignes plus haut n’est donc pas parfaite, loin s’en faut.
Il manque toujours beaucoup d’acheteurs ; le fait de solder quelques positions vendeuses qui deviennent intenables (comme sur Alstom, Bull ou Eiffage ainsi que les bancaires, malgré les pseudo-interdits mis en place par les autorités boursières) n’engendre pas un basculement radical de la tendance générale à la hausse.
Le marché se voit reparti pour un cycle inextinguible de hausse, comme au début de l’année 2011. Quelques éléments d’actualité défavorables ne parviennent qu’à égratigner la cuirasse d’optimisme que le marché s’est forgé depuis le 20 décembre 2011. L’injection de 490 milliards d’euros dans le système bancaires par la BCE sous forme de LTRO à trois ans (un quantitative easing à peine déguisé).
Tout cet argent accordé aux banques résout en théorie le problème de la liquidité mais pas celui de la sous-capitalisation de nombre d’entre elles. Il est facile de constater qu’elles préfèrent encore replacer leurs excédents auprès de la BCE que de se le prêter entre elles.
Rien ne les empêche de participer aux opérations de refinancement des différents pays de la Zone euro car elles pourraient détenir les nouveaux emprunts émis durant encore 35 mois avant de rendre l’argent à la BCE… au cas très improbable où elle décidait de ne pas prolonger ses prêts au-delà du 19 décembre 2014.
Cela nous étonnerait beaucoup de sa part puisqu’elle nous prépare un second LTRO de taille équivalente au premier pour la fin du mois de février… Mais bon sang, les voilà les fameux 500 milliards d’euros qui manquent au FMI !
▪ Les ministres des Finances ne sont toujours pas d’accord sur le cas grec
En attendant que cette manne providentielle inonde les coffres de nos chers banquiers, nous avons constaté ce mardi que les ministres des Finances de la Zone euro réunis à Bruxelles ne sont pas encore parvenus à un accord sur la dette grecque. C’est déconcertant… car vendredi dernier, le marché était convaincu que la question serait réglée durant le week-end.
Les divergences porteraient essentiellement sur les taux d’intérêts qui seront offerts aux banques sur les nouvelles obligations grecques à très long terme (30 ans) en contrepartie de l’abandon d’une partie (65 à 70%) des créances existantes.
Le FMI souhaite un taux de rémunération inférieur à 4%… c’est-à-dire moins élevé que celui exigé de la France qui affichait encore un AAA lors de la dernière émission d’OAT de maturité 2041.
L’autre aspect du problème (et pas des moindres) concerne le taux d’adhésion au rollover de la dette grecque une fois actée une décote de plus de 50%. Certains hedge funds avaient fait le pari que le sacrifice demandé n’ira pas au-delà des limites fixées par les ministres des Finances et le FSI réunis à Bruxelles fin octobre, ce en quoi ils se sont trompés.
Ils ont probablement intérêt à faire jouer les CDS afin de récupérer la majeure partie de leur mise… Mais cela ficherait alors par terre tout le processus de renflouement de la Grèce.
Il vaudrait mieux leur faire un chèque qui leur rembourse la différence plutôt que d’affronter une telle situation. Mais alors, ce serait entériner l’avènement d’un capitalisme totalement dévoyé. Quelle horreur ! Ce serait inacceptable !
Nous plaisantons bien sûr. Le capitalisme qui privatise les gains et nationalise les pertes, qui enrichit les traders quand les Etats font appel aux contribuables pour garantir le bailout de leurs « zombie-banques », est totalement discrédité depuis 2007… Mais peu importe puisque ce sont ces mêmes banques qui manipulent les politiciens du Congrès américain comme des marionnettes.
Et si vous vous demandez qui des Etats ou des entreprises inspire le plus de confiance aux investisseurs, intéressez-vous au cas Apple. Avec une hausse de 120% de son bénéfice trimestriel, le groupe va voir sa trésorerie exploser au-delà des 100 milliards de dollars.
Le cash mobilisable par Apple est désormais supérieur à la capitalisation de 475 des valeurs du S&P 500 et à 39 sur 40 des valeurs du CAC 40 (Total pèse 125 milliards de dollars, Sanofi seulement 97 milliards de dollars).
Apple est devenu mardi soir vers 22h30 la plus grosse capitalisation boursière de tous les temps. Jugez plutôt : elle affiche 430 milliards de dollars avec un cours de 460 $ inscrit peu après la réouverture des transactions électroniques.
Sa capitalisation est supérieure au PIB de l’Argentine (40 millions d’habitants), de l’Autriche ou de l’Afrique du Sud (50 millions d’habitants). Elle est supérieure de 40% au PIB de la Grèce (11 millions d’habitants) et elle représente 50% de la totalité du CAC 40 — soit plus que le produit de l’activité de plusieurs millions de salariés parmi les plus productifs de la planète.
Apple pourrait s’offrir cash n’importe laquelle des plus grandes banques occidentales — à une seule exception près, HSBC — pour le seul plaisir de lui coller le label iBank.
Et si ça se trouve, ça marcherait peut-être !
1 commentaire
[…] quel merveilleux symbole de l’inventivité et de la prospérité à l’américaine que la réussite d’Apple… mais cette impression est largement factice et ne résiste pas à […]