Même quand les marchés stagnent ou s’effondrent sous le poids d’une situation économique catastrophique, certains types d’actifs sortent du lot pour leur capacité à résister à l’inflation et aux crises en général…
Nous nous penchons depuis deux jours sur les raisons qui peuvent motiver votre allocation d’actifs pour 2022. Notre premier constat était qu’il n’y aura pas de krach obligataire cette année, notamment parce qu’un tel krach serait catastrophique pour le système.
Mais aussi parce que les banques centrales sont devenues des expertes de la communication prudente et de l’intervention démesurée, une combinaison qui leur sert à éviter à tout prix d’effrayer les marchés.
Cela étant dit, des risques demeurent, comme nous l’avons vu hier. Une politique peut toujours être modifiée en réaction à un événement prévu (comme la publication d’une inflation élevée) ou imprévu (comme les derniers rebondissements géopolitiques).
Des taux bas voire négatifs pour encore longtemps
Pour aujourd’hui, notre second constat est cependant qu’il faudra en 2022 surpondérer les actifs réels.
Déjà, qu’entendons-nous par « actifs réels » ? Il faut savoir ici distinguer les taux nominaux et les taux réels. Lorsque l’on parle de taux réels, certains considèrent qu’il s’agit des taux nominaux (ceux qui sont affichés sur les actifs financiers ou sur les crédits) auxquels on soustrait le taux d’inflation. D’autres considèrent qu’il s’agit de ces mêmes taux nominaux, mais plutôt diminués du taux de croissance de l’économie.
Les deux approches sont recevables et utiles lorsqu’il s’agit de valoriser les actifs financiers, mais nous allons retenir ici la première.
Notre conviction est que les taux réels seront durablement bas voire durablement en territoire négatif (comme actuellement) aux Etats-Unis comme en Zone euro. Cette conviction repose sur la fonction de réaction des banques centrales et l’asymétrie de leurs décisions : elles sont très réactives pour baisser les taux, et très lentes à les remonter comme nous l’avons déjà souligné.
Ceci a pour effet de faire baisser les taux réels.
Par exemple, une hausse de l’inflation anticipée (donc faisant pression sur les taux réels) n’entraînera pas obligatoirement un mouvement de hausse des taux longs de même ampleur. Si l’inflation anticipée passe de 1,90% à 2,40% et que les taux longs sont stables à 1,50%, cela signifie que les taux longs réels des obligations indexées sur l’inflation passeront de -0,40% (1,50% – 1,90%) à -0,90% (1,50% – 2,40%).
Ainsi, dans cet exemple, les obligations indexées inflation achetées à -0,40% se seront fortement appréciées avec la baisse de leurs taux réels.
Raisonnons ensuite dans le sens opposé, donc avec une baisse de l’inflation anticipée.
Dans ce cas de figure les marchés auront tôt fait d’anticiper le revirement des banques centrales et leur ton plus accommodant, compte tenu de leur fameuse fonction de réaction. Dès lors, cette baisse de l’inflation anticipée sera accompagnée d’une baisse des taux longs nominaux encore plus importante.
Ainsi, si l’inflation anticipée passe de 1,90% à 1,70% et que les taux longs baissent de 1,50% à 1,00%, cela signifie que les taux longs réels des obligations indexées passeront de -0,40% (1,50% moins 1,90 %) à -0,70% (1,00% – 1,70%). Là encore, la valeur de marché des obligations indexées inflation achetées à -0,40% aura fortement progressé.
Perte de confiance
De ce fait, nous pouvons anticiper une perte de confiance dans les banques centrales et pourquoi pas une vraie crise de légitimité pour celles-ci, lorsque l’on découvrira que les tentatives de normalisation totale des politiques monétaires ne sont pas possibles.
Le risque associé sera une crise des monnaies fiduciaires qui, bien entendu, n’est pas pour tout de suite. Rappelons qu’en créant de la monnaie à partir de rien (« ex nihilo », comme l’on dit dans les livres), la banque centrale émet une dette sur elle-même, mais qui n’est pas exigible tant que la monnaie émise est acceptée comme moyen d’échange, de paiement, de transaction et de réserve.
On imagine mal qu’il en soit autrement dans une économie moderne. Il faudrait des circonstances économiques et politiques exceptionnelles pour préférer la monnaie marchandise toujours limitée, c’est-à-dire l’or-métal ou, pourquoi pas, certaines monnaies virtuelles qui sont basées sur une cryptographie pure et dure que les gouvernements peuvent difficilement contrôler et manipuler.
Mais, dans une allocation d’actifs diversifiée aujourd’hui, nous devons nous préparer à renforcer ces investissements sur les monnaies dites alternatives (nous allons y revenir).
Ce ne sont toutefois pas les seuls actifs à surveiller dans le cadre d’une surpondération de votre portefeuille d’investissements en actifs réels. Nous recensons ainsi trois types d’actifs réels.
Les actifs qui bénéficient de l’inflation
Premièrement, vous pouvez investir dans des actifs qui bénéficient de la hausse de l’inflation – ou plutôt du maintien d’une inflation structurelle.
C’est notamment le cas de certaines actions (voire obligations) d’entreprises capables de répercuter les hausses de coûts énergétiques ou salariaux dans leur prix de vente (capacité de fort pricing power).
Dans cette catégorie se trouvent aussi quelques obligations (quasi intégralement des obligations d’Etat) indexées sur l’inflation, par exemple les TIPS aux Etats-Unis.
Attention cependant ici au risque de répudiation. En effet, dans un contexte de forte inflation, il faut s’attendre à un traitement spécifique de la dette indexée sur l’inflation et c’est sur cette dette qu’un État ferait défaut en premier lieu.
Mais ce risque reste vraiment théorique, compte tenu de tout ce que nous avons vécu ces dernières années et connaissons aujourd’hui, avec par exemple le retour d’une forte monétisation des dettes publiques en cas d’attaques spéculatives sur certaines obligations d’Etat de la zone Euro.
Les actifs tangibles
Deuxièmement, vous pouvez investir dans ce que l’on appelle les actifs tangibles, de type immobilier (SCPI).
L’immobilier doit pouvoir conserver son statut de valeur refuge dans un environnement plus inflationniste.
Cependant, il s’agira d’être très sélectifs dans le choix des segments d’immobilier. A commencer par une sous-pondération sur l’immobilier commercial et des actions de sociétés associées.
Par ailleurs, malgré l’émergence du télétravail, il n’y a pas de crise attendue sur l’immobilier de bureaux. En effet, la rotation des effectifs sur site doit être parfaitement organisée pour permettre de réelles baisses d’occupation des bureaux et tout ceci prendra beaucoup de temps.
Enfin, il peut être utile de chercher la diversification vers des actifs immobiliers dits « alternatifs » (logistique, entrepôts). Le potentiel de développement de l’e-commerce est encore important, puisque les ventes de produits et de services sur internet continuent d’augmenter très fortement, mais ne représentent aujourd’hui encore que 10% en moyenne de l’ensemble du commerce de détail. Les achats sur Internet nécessitant des besoins importants de logistique (stockage et livraison), ce segment de l’immobilier est très porteur.
Les actifs qui profiteront de la crise des monnaies fiduciaires
Troisièmement, vous pouvez investir dans des actifs qui vont bénéficier non seulement des taux réels négatifs, mais aussi de la crise inévitable des monnaies fiduciaires, conséquence de la crise de légitimité des banques centrales.
C’est en premier lieu l’or physique, encore et toujours, et malgré le manque d’intérêt des marchés et sa sous-médiatisation.
Mais les meilleurs paris n’ont-ils pas souvent porté sur des thèmes d’investissement démodés et les pires paris sur des sujets très à la mode ? Il ne faut pas revenir très loin en arrière pour s’en convaincre, puisqu’il suffit de voir ce que sont devenus les SPACs ou les valeurs à la mode du début de 2021 comme GameStop, AMC ou Robinhood.
L’or, quant à lui, offre une constance. Il ne peut se dévaloriser, puisqu’il ne peut pas être créé à partir de rien comme l’euro, et il va bénéficier d’un environnement de taux d’intérêt réels à court terme négatifs pour longtemps. De plus, dans un monde surendetté, n’oublions pas que l’or est une « monnaie » qui n’est la dette de personne.
Puis, pour finir, ce sont aussi certaines cryptomonnaies. Celles qui ne seront pas seulement dignes d’intérêt à cause du rejet de plus en plus prononcé des monnaies fiduciaires, mais aussi et surtout celles qui sont assises sur un vrai projet et sont porteuses d’une réelle utilité économique dans le monde de la finance de demain. C’est par exemple le cas de beaucoup de valeurs de la finance décentralisée (Decentralized Finance ou DeFi).
Ces valeurs vont de plus en plus faire grandir un système financier alternatif, basé sur la technologie des blockchains, qui va offrir de nombreux services financiers sans intermédiation bancaire… et surtout sans intervention des banques centrales.