Face à un marché immobilier inaccessible et à une masse monétaire qui explose, les solutions proposées frisent l’absurde : étirer la dette sur un demi-siècle et distribuer de l’argent emprunté comme s’il tombait du ciel.
C’est la semaine de Thanksgiving. Et, fidèle à notre époque de monnaie factice, nous exprimons une gratitude tout aussi artificielle.
Voici une perle dénichée dans USA Today :
« Trump propose un prêt hypothécaire sur 50 ans. »
Que Dieu le bénisse. Le président américain veut rendre service. Il tente de résoudre un problème né d’un excès de crédit… en ajoutant encore plus de crédit !
Le logement n’a jamais été aussi inabordable. Le revenu médian d’un foyer tourne autour de 80 000 dollars, mais il en faudrait environ 120 000 pour acheter une maison moyenne. Que doivent faire les familles américaines ? Boire de l’eau boueuse et dormir dans des troncs d’arbres creux ?
La cause du problème n’a pourtant rien de mystérieux. La Fed a déclenché la première crise hypothécaire en abaissant son taux directeur de 6 % en 2001 à seulement 1 % en 2003. Résultat : une frénésie immobilière.
Vous vous souvenez des prêts « lo-doc » ? Une simple demande suffisait pour décrocher un crédit garanti par Washington. Puis, lorsque la Fed a voulu revenir à des taux « normaux », le marché a explosé : faillites, défauts, saisies en cascade.
La Fed a alors recommencé son manège : elle a fait chuter les taux de plus de 5 % en 2007 à moins de 1 % en 2009. Corrigés de l’inflation, ils sont restés sous zéro pendant la majeure partie des quinze années suivantes. Nouvelle ruée immobilière menée cette fois par des acheteurs institutionnels tirant pleinement parti de ces taux dérisoires. Leur demande a propulsé les prix vers des sommets jamais vus, au point de dépasser de 100 000 dollars le budget d’un foyer type.
Quant à l’idée de Trump, Charlie Bilello la résume très bien :
« La cause du problème est-elle donc proposée comme solution ?
Exactement. Un prêt sur 50 ans plus que doublerait le montant total des intérêts par rapport à un prêt sur 30 ans. Durant les dix premières années, seuls 5 % des mensualités amortiraient le capital : les 95 % restants partiraient en intérêts. On a vu mieux comme remède miracle. »
Les calculs sont faciles à vérifier. Les simulateurs en ligne montrent qu’une maison coûte aujourd’hui environ 420 000 dollars, et que le taux moyen sur 30 ans est de 6,24 %. Total des intérêts : 407 000 dollars.
Avec une durée portée à 50 ans, le taux grimpe à 6,72 %, et les intérêts à 837 000 dollars. Autrement dit, vous ne serez jamais vraiment propriétaire.
Merci, monsieur le président ?
Aujourd’hui, nous interrompons notre plongée dans l’ère de la monnaie fictive — et dans le lien entre argent facile et comportements douteux — pour rendre grâce au système qui rend tout cela possible.
L’offre monétaire (M2) aux Etats-Unis vient d’atteindre un record : 22 000 milliards de dollars. Elle n’était que de 650 milliards en 1971, quand l’ère de la monnaie papier a débuté. Cette année-là, le PIB s’élevait à environ 1 200 milliards ; il est aujourd’hui de 28 000 milliards. Autrement dit, la masse monétaire a augmenté une fois et demie plus vite que la production réelle.
Et la dette publique et privée – l’ombre portée du crédit – a gonflé encore davantage : de 125 % du PIB en 1971 à environ 260 % aujourd’hui. Pour chaque dollar de PIB en 1971, on comptait 1,25 dollar de dette. Aujourd’hui, c’est 2,60 dollars. Soit 135 % supplémentaires du PIB, représentant 38 000 milliards de dollars dépensés sans contrepartie productive. Naturellement, les prix ont grimpé pour absorber cet afflux de monnaie.
Mais ne nous plaignons pas. Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, nous rendons grâce. Et notre gratitude est immense. Fortune rapporte :
« Trump promet d’envoyer des chèques de dividendes de 2 000 dollars ‘probablement au milieu de l’année prochaine’. »
Dans la Rome antique, l’annona distribuait des céréales gratuites pour acheter la loyauté – ou du moins la docilité – du prolétariat urbain. En Argentine, Eva Peron offrait des cadeaux de Noël aux enfants pauvres. Et aujourd’hui, dans l’Amérique du XXIᵉ siècle, une dinde trône sur chaque table… accompagnée d’un chèque de « dividende » de 2 000 dollars dans la boîte aux lettres.
Appeler cela un dividende relève parfaitement de la logique frauduleuse ambiante : un dividende vient d’un bénéfice. Ici, il n’y a aucun bénéfice. Seulement des recettes tarifaires – autrement dit, une taxe déguisée pesant surtout sur les consommateurs américains, non sur les producteurs étrangers. Au mieux, on pourrait parler de remboursement d’impôt. Mais les droits de douane ne couvriront qu’environ la moitié de la facture. Le reste sera emprunté… ajouté à la dette nationale… et finira en inflation supplémentaire.
C’est exactement la politique que M. Trump a menée lors de son premier mandat. Et quel succès ! Une œuvre magistrale.
Ses mesures de relance pendant la pandémie ont ajouté près de 3 000 milliards de dollars à la dette, et propulsé l’inflation à 9 %, un record depuis quarante ans. Les prix n’ont jamais reflué : ils sont aujourd’hui environ 25 % plus élevés qu’en 2020.
Muchas gracias. Merci beaucoup.

2 commentaires
C’est possible, mais Macron ou Van Layen font-ils mieux ? Il semble que divers facteurs mondiaux, dont le développement de ce que l’Occident a appelé pendant plus de cinquante ans le « Tiers Monde » et pendant plus longtemps encore « les colonies », fassent que les temps de croissance matérielle globale (Deux siècles) soient révolus pour l’ensemble CEE-Amérique du Nord. Ce renversement de situation est difficile à admettre en Occident. Trump est-il responsable de ce rééquilibrage des forces à l’échelle mondiale ? Obama et Biden avaient-ils fait mieux ? La France n’est-elle pas devenue la colonie du « Tiers Monde »?
50 ans vous effraie ! En Suisse c’est 90 ans et du coup on n’est jamais vraiment propriétaire car on meurt le plus souvent avant le terme. Et sauf erreur les intérêts ne sont pas du tout calculés comme en France. Du coup les héritiers renoncent souvent à pour suivre et ce sont donc les banques qui, de fat, sont les vrais propriétaires et nous ne sommes que des locataires.
Qu’en dites vous ?