Tandis que le spectacle politique américain monopolise l’attention, l’essentiel passe entre les mailles du filet : les fondations financières de l’empire vacillent.
« Je suis choqué ! Choqué de découvrir qu’on joue à des jeux d’argent ici. » – Casablanca
L’administration Trump continue de bouleverser les équilibres du commerce mondial, de remettre en question le fonctionnement des institutions internationales et de déstabiliser les arrangements établis, tant sur le plan national qu’international.
Elle a également abaissé le niveau du débat public à des profondeurs rarement atteintes. Le président n’hésite pas à qualifier des personnalités publiques « d’imbéciles », de « personnes à faible QI » ou encore de « perdants ». Sans surprise, les réactions ne se font pas attendre : certains commentateurs et responsables politiques répliquent en traitant Trump « d’idiot », de « démagogue » ou même de « dictateur ».
Pour notre part, au siège de La Chronique Agora, nous nous en tenons à l’essentiel. Nous ne nous laisserons pas aller à des attaques aussi basses. Le mot « abruti » semble d’ailleurs suffisant pour décrire la plupart d’entre eux ; il n’est guère utile d’aller plus loin.
Mais ce que le « grand perturbateur » ne dérange pas, c’est précisément ce qui aurait le plus besoin de l’être : la mainmise de l’Etat profond sur l’empire américain… et la lente déchéance de ce dernier. Le budget fédéral en est la preuve éclatante. Comme nous l’avons souligné hier, le montant des intérêts de la dette publique américaine dépasse désormais celui de l’ensemble du budget consacré à la « sécurité ». L’historien Niall Ferguson y voit généralement le « point de non-retour ».
Et pourtant, au lieu de tirer la sonnette d’alarme, Donald Trump propose un grand bond en avant… dans l’industrie de la puissance de feu. Comme si multiplier les dépenses en navires et en chars d’assaut allait soudain faire paraître les paiements d’intérêts moins élevés.
Plutôt que de se concentrer sur des coupes budgétaires sérieuses, M. Trump a préféré faire appel à Elon Musk – lequel a eu une révélation très étonnante : les agences fédérales gaspillent de l’argent !
Nous avons regardé une émission d’information divertissante, au cours de laquelle un commentateur de Fox News participait à une réunion du conseil de la DOGE (Department of Government Efficiency). Musk, entouré de ses jeunes et sérieux collaborateurs, y exposait les « découvertes » faites par son équipe : systèmes comptables dysfonctionnels, prêts accordés à des individus qui ne sont pas encore nés, programmes d’aide à l’étranger frauduleux dont l’argent ne sort jamais vraiment de la région de Washington.
Nous avons été choqués… choqués !
La DOGE revendique avoir identifié 160 milliards de dollars d’économies potentielles, alors que l’objectif initial était de 2 000 milliards. Et encore : seuls 60 milliards de dollars de réductions ont pu être effectivement vérifiés. Pendant que cette « commission d’efficacité » fouille sous les coussins, la trajectoire budgétaire suivie depuis un quart de siècle – toujours plus de dette, toujours plus d’Etat, toujours plus de déficits – se poursuit.
Les dépenses ont augmenté de 10% par rapport à la dernière année du mandat Biden. Sur les douze derniers mois, le déficit fédéral a dépassé les 2 000 milliards de dollars. Le « grand et beau » budget républicain, riche de 1 116 pages, regorge de mirages comptables, de chiffres enjolivés et de pièges soigneusement dissimulés. Les analystes en sont encore à tenter de le déchiffrer.
Les chiffres de base du Congressional Budget Office indiquent que le gouvernement fédéral percevra 67 000 milliards de dollars de recettes au cours des dix prochaines années et dépensera 89 000 milliards de dollars. Cela se traduirait par une dette de 58 000 milliards de dollars… et des déficits annuels atteignant 2 500 milliards de dollars par an. A supposer que tout se passe selon les plans.
Or les choses ne se dérouleront pas comme prévu. En réalité, ce qui nous attend risque d’être bien plus choquant. Il est fort probable que les baisses d’impôts de 2017 soient prolongées, tandis que nombre des réductions de dépenses annoncées par les républicains ne verront jamais le jour.
A ce stade, les investisseurs et les épargnants, face à une dette fédérale en forme de « crosse de hockey », exigeront des taux d’intérêt plus élevés pour continuer à prêter. La dette publique pourrait alors dépasser les 60 000 milliards de dollars, avec des déficits annuels excédant les 3 000 milliards.