Jadis moteur du commerce mondial, Washington mise désormais sur la force brute plutôt que sur les échanges. Mais l’histoire est implacable : aucun empire n’échappe à son dénouement.
« Pour tous les terroristes houthis, votre temps est écoulé, et vos attaques doivent cesser, à partir d’aujourd’hui. Sinon, l’enfer s’abattra sur vous comme vous ne l’avez jamais vu ! » – Donald Trump
Les Houthis en ont vu de toutes les couleurs. Nous ne savons pas s’ils se laisseront intimider.
En politique étrangère, plus on ignore un pays, son histoire et son peuple, plus il est facile d’y voir une solution simple à ses problèmes. A cet égard aussi, M. Trump semble particulièrement qualifié pour diriger l’empire.
Il a apporté aux Etats-Unis un gouvernement de Grands Chefs. Cela peut être une bonne chose. Un Grand Chef est capable de faire des choses dont les dirigeants traditionnels ne sont pas capables. Il pourrait, par exemple, utiliser son pouvoir considérable pour remettre de l’ordre. Ou bien, à l’inverse, il pourrait simplement amplifier le désordre, plongeant le pays dans encore plus de chaos et de corruption.
Les interprétations du phénomène Trump sont nombreuses. Pour certains, il « remet les pendules à l’heure ». Pour d’autres, il « détruit la démocratie ». Il « sauve l’Amérique de la gauche décadente ». Il instaure une oligarchie. Il est un « agent russe », un « populiste », un « dictateur ». Et bien d’autres choses encore.
Nous préférons notre propre interprétation : celle selon laquelle M. Trump remplit une mission historique dont il n’a pas conscience.
Les poissons doivent nager. Les oiseaux doivent voler. Et les empires en dégénérescence doivent se comporter comme tels.
Un dirigeant sage et rationnel insisterait sur l’équilibre budgétaire et mettrait rapidement fin aux guerres inutiles. Mais ce n’est pas ainsi qu’agit un empire en déclin.
En général, il se repose de plus en plus sur la force brute et de moins en moins sur le commerce. Et il se trouve un chef à la hauteur du défi : un homme capable de maintenir l’empire sur sa trajectoire… jusqu’à son inévitable dénouement.
L’Invincible Armada espagnole s’est révélée bien vulnérable. Napoléon a dû battre en retraite de Moscou. Le soleil s’est couché sur l’Empire britannique. La Blitzkrieg s’est enlisée à Stalingrad.
Presque tous les grands empires ont fini par rencontrer leur propre Waterloo, victimes d’un mélange fatal de dettes et de politique étrangère. L’Empire austro-hongrois, par exemple, a déclenché la première guerre mondiale en envahissant la Serbie. Mais en 1918, son armée, toujours sur le terrain, manquait de munitions et de nourriture, combattant pour un empire affamé qui ne tarderait pas à disparaître.
A leurs débuts, les Etats-Unis se tenaient à l’écart des affaires étrangères. Ils évitaient généralement les enchevêtrements étrangers, les traités, les organisations internationales, les coalitions de volontaires, la construction de nations, la défense de la démocratie et toutes les autres préoccupations qui définissent aujourd’hui leur posture impériale. Ils étaient déjà bien occupés à s’étendre d’un océan à l’autre, en dépossédant les tribus indiennes qui se trouvaient sur leur chemin.
La première grande rupture avec cette tradition « vivre et laisser vivre » fut la guerre de Sécession, lorsque le Nord imposa sa volonté au Sud. Une génération plus tard, dans les années 1880, les Etats-Unis étaient devenus la plus grande économie du monde. L’appel de l’empire devint irrésistible, poussé par des figures comme Teddy Roosevelt, William McKinley et Woodrow Wilson.
Aujourd’hui, les Etats-Unis ont plus de relations avec l’étranger qu’il n’est possible de l’imaginer, avec quelque 800 bases dans le monde, prêtes à exercer une « domination totale » sur les locaux infortunés qui se mettent en travers de leur chemin.
Le Financial Times rapporte :
« Depuis 2017, première année de mandat de Trump, le commerce est resté plus ou moins stable, à un peu moins de 60% du PIB mondial. Mais il y a eu une baisse de la part des Etats-Unis dans les flux commerciaux, compensée par une augmentation dans d’autres régions, en particulier les nations d’Asie, d’Europe et du Moyen-Orient. Trump 2.0 semble susceptible d’apporter plus de la même chose : le commerce sans l’Amérique. »
Les nations s’enrichissent comme les individus, en offrant des biens et des services aux autres. Comme on pouvait s’y attendre, la plupart des pays développés et en développement ont accru l’importance du commerce au cours des dix dernières années. La seule grande exception est les Etats-Unis, où la part du commerce dans le PIB est tombée à environ 25%. Le Financial Times :
« Les Etats-Unis sont peut-être de plus en plus dominants en termes de superpuissance financière et économique, mais pas tellement en tant que puissance commerciale. Sa part dans les indices boursiers mondiaux a explosé pour atteindre près de 70%. Sa part du PIB mondial a progressé pour atteindre plus de 25%. Pourtant, sa part dans le commerce mondial est inférieure à 15% et a considérablement diminué au cours des huit dernières années. »
Un dirigeant d’une entreprise de bois en Colombie-Britannique a décrit la situation ainsi : « Il est impossible de remplacer les Etats-Unis à court terme, mais à long terme, nous renforçons nos contacts avec la Chine et le Japon. »
Et qu’en est-il de la principale industrie américaine, la haute technologie ? Fortune explique :
« Les Etats-Unis ont peut-être les cerveaux pour diriger le développement des puces d’IA au niveau mondial, mais la Chine continuera à avoir les muscles pour fabriquer les applications de ces puces, et cela ne changera pas de sitôt, selon l’investisseur milliardaire Ray Dalio. ‘Nous n’avons pas d’industrie manufacturière, et je ne crois pas que nous pourrons revenir en arrière et être compétitifs avec la Chine dans le domaine de l’industrie manufacturière de notre vivant.’ »
En tant que partenaire commercial, les Etats-Unis ont perdu du terrain au cours des dix dernières années. Aujourd’hui, c’est l’un des objectifs de la politique étrangère américaine : réduire ses échanges avec le reste du monde, afin d’être moins dépendant des importations étrangères.
Le Grand Chef menace, intimide, impose des sanctions, des droits de douane, des bombes… tout ce qu’il faut pour conclure un accord. Le commerce ralentit. Et l’empire suit sa destinée.
1 commentaire
« Aucun empire n’échappe à son dénouement » Exact. Mais précisément Trump en repliant les USA sur eux-mêmes est dans le sens de l’histoire. La Mondialisation c’est la redistribution des centres de développement et de puissance. Contrairement au Mondialisme qui n’est qu’une idéologie de domination de l’Occident sur le monde.
Trump contre les Houthis, c’est une preuve de l’impérialisme Trumpien ? Les Houthis posent un problème international de circulation des marchandises qui ne concerne pas qu’Israël les USA ou l’Europe mais l’Inde, la Chine, toute l’Asie du Sud est…Bien sur il est possible de passer par le Cap, mais c’est plus cher. Et qu’en pense l’Égypte ?
« Trump n’a pas conscience de sa mission historique ». Ne serait-ce pas la dernière version de l’idéologiquement correct ? Trump a une mission, Bon, d’accord, admettons, c’est nouveau, mais il reste fondamentalement un IDIOT !
L’Empire ne suit pas nécessairement sa destinée, car précisément il se pourrait qu’avec Trump il s’adapte infiniment mieux que sous la « direction » de Biden.