Depuis Halloween, nous avons affaire à une « Bourse enchantée ».
Le cas de figure est assez rare, mais les circonstances monétaires et géopolitiques sont si exceptionnelles qu’on ne s’étonnera qu’à moitié de voir les indices boursiers – notamment US – passer en une semaine seulement de survendus à surachetés.
Le S&P500 a repris +6,1% en cinq séances, le Nasdaq +6,6% et le Russell 2000 surclasse largement les autres indices, avec +7,5% sur la semaine écoulée (dont +2,7% vendredi). C’est assurément la meilleure semaine de l’année pour le Russell, mais cela suffit tout juste à le remettre à flot sur 2023 (et encore, il s’en faut de 10 points supplémentaires pour qu’il repasse dans le vert).
L’ampleur de la hausse depuis le mercredi 1er novembre à 19H (communiqué de la Fed) traduit des rachats – parfois panique – de vendeurs à découvert, accompagnés d’achats massifs de calls, ce qui fait replonger mécaniquement le VIX de 30% en cinq séances (de 21,2 vers 16, c’est-à-dire en dessous de la moyenne annuelle des 17,5), et nettement sous ses niveaux du 1er octobre, une semaine avant le début du conflit entre Israël et le Hamas.
Cela signifie que les investisseurs trouvent le monde « plus sûr » pour les entreprises cotées qu’avant l’embrasement du 7 octobre. La première conclusion qui s’impose, c’est que les conditions monétaires, qui viennent de se détendre brusquement de -30 à -40 points de base sur la partie longue de la courbe des taux US, l’emportent largement sur les conditions géopolitiques.
Une chute de 30% du « baromètre du stress » n’est survenu qu’à neuf reprises en 33 ans, et cela n’a donné lieu qu’à des hausses de 4,6% au maximum dans le mois qui a suivi sur le S&P (auquel le VIX est adossé), or celui-ci vient de prendre plus de 6%, en une semaine.
Il est très instructif d’identifier les deux principales locomotives de l’embellie boursières, et les deux secteurs s’imposent comme les grands gagnants de la détente des taux : ce sont les constructeurs de maisons individuelles et les valeurs bancaires, avec respectivement +10,9% et +11%.
Les banques régionales américaines, mais également Wells Fargo, Citigroup, Bank of America, font depuis des semaines l’objet de rumeurs récurrentes concernant la hausse alarmante des impayés sur toutes les catégories de crédit et l’insuffisance de leurs fonds propres, amputés par les 17% de baisse de leurs encours de T-Bonds (qui leur servent de garantie).
Les grands perdants sont le secteur pharmaceutique et les pétrolières, avec un nouveau repli de 2% du baril ce vendredi : il retombe au plus bas depuis le 6 octobre, la veille de l’attaque terroriste du Hamas.
Il doit ce nouveau recul au discours du leader chiite du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a usé de mots très durs pour condamner les « crimes de guerre d’Israël » dans la bande de Gaza, puis la colonisation qui dure depuis presque 75 ans… mais il n’a pas appelé le Hezbollah à frapper militairement Israël, ce qui équivaudrait au déclenchement d’une nouvelle guerre entre le Liban et Israël, mais surtout, entre les USA et l’Iran.
Hassan Nasrallah se démarque même du Hamas avec lequel il nie avoir toute complicité, voire même avoir été averti de l’attaque du 7 octobre… qui fut pour lui une « totale surprise ».
Voilà qui désamorce en partie – car de sérieux doutes subsistent sur une posture « de circonstance » – les spéculations de front commun et de coordination entre le Hamas et le Hezbollah.
Mais Hassan Nasrallah a précisé lors de son discours que toute atteinte à l’intégrité physique d’un civil au Liban ne resterait pas impunie et entraînerait une riposte du Hezbollah. Et l’aviation d’Israël – qui a spectaculairement intensifié ses bombardements sur Gaza ce week-end (il ne reste plus un bâtiment intact) – aurait également effectué ses premières frappes sur le sud du Liban (via un bombardier ou un drone, ce n’est pas encore établi), ce qui a tué plusieurs civils. Ceci survient à la suite de tirs sporadiques de roquettes depuis le Sud-Liban, ce qui entraîne immanquablement une riposte de Tsahal par-delà la frontière israélienne.
La question qui se pose désormais, c’est de savoir si Hassan Nasrallah tiendra parole et « escaladera » l’incident de ce dimanche, ou se murera dans le silence comme il l’avait fait depuis le 7 octobre.
Ainsi ressurgirait la crainte qu’un nouveau front s’ouvre à la frontière sud du Liban, entraînant les Etats-Unis et Israël dans des représailles visant l’Iran, ce qui susciterait un brutal retournement du VIX à la hausse.
C’est peut-être ce qui dope le Japon, un pays très éloigné du conflit aussi bien géographiquement que politiquement, pour qui la semaine débute sur un nouveau rally haussier de 2,4% – au-delà des 32 700 points (soit +2 100 points en quatre séances !) – sa meilleure clôture depuis le 25 septembre dernier. Mais à Wall Street, le moteur de la hausse demeure la politique monétaire ultra-accommodante de la Bank of Japan, qui va le demeurer si l’on se fie à son message délivré dans la nuit d’Halloween !