L’ère de l’acceptation absolue des logiques imposées par l’Occident semble révolue ; les sociétés se fracturent.
Aujourd’hui, sur la scène internationale, nous assistons à une lutte pour remplir le vide de l’idéologie et des valeurs, qui s’est formée après l’effondrement de l’Union Soviétique.
La référence qui unissait des millions de personnes s’est écroulée.
Pourtant, le monde étant fait de « plus » et de « moins », qui se composent pour former l’évolution, la négativité a bien entendu subsisté en tant que complément indissociable du positif, pour constituer le réel, l’existant. Il lui a fallu, à cette négativité, trouver d’autres contenus. Une pièce a toujours deux faces ; la disparition de l’une des anciennes faces n’a pas créé un système entièrement nouveau, elle l’a simplement fait muter.
En d’autres termes, contrairement aux apôtres de la pensée positive mécanique qui nie la dialectique, l’Histoire ne s’est pas arrêtée. L’idéologie du business, celle des think-tanks américains, s’est révélée fausse et archi fausse : simplement, l’Histoire a repris sa marche en avant avec d’autres moteurs et d‘autres freins.
D’un système à l’autre
Et il ne s’est pas agi comme l’ont cru les idéologues occidentaux de recueillir les dividendes de la chute de l’URSS, au contraire. La croissance a ralenti, et les forces négatives anciennes ont été remplacées par d’autres beaucoup plus efficaces car enfouies, diffuses et moins bien identifiées.
Après le départ de l’URSS et de l’idéologie soviétique du système des relations internationales, la « démocratie » occidentale est devenue incontestée. Mais bien entendu, on n’a jamais voulu en payer le prix qui consiste à élever la conscience politique des citoyens, au contraire.
Ce qui n’a pas été vu, c’est que la disparition de l’opposition constituée par les tenants du socialisme a perverti la démocratie. Elle s’est vidée de son contenu faute de combats et de débats ! La démocratie non vivifiée par les luttes, par les affrontements sociaux, non entretenue par les syndicats, les partis politiques populaires et les intellectuels, cette démocratie a dégénéré.
La défaite historique du monde salarié a laissé le champ libre au Capital ; il n’a même pas eu à se sélectionner ni à secréter les meilleurs ; il s’est rentifié. Il s’est laissé aller dans les délices de l’argent facile, c’est-à-dire de la financiarisation et du jeu.
Cela a produit un système dit de « gouvernance » ; les élites ont renforcé leur pouvoir, elles sont devenues envahissantes, elles ont popularisé le mythe de la Troisième Voie, ni droite ni gauche, c’est-à-dire le mythe de la négation des combats remplacée par l’alliance corporatiste du business, de la politique et de la gestion monétaire. J’oubliais, la Com !
Leur seul défi selon les idéologues du Capital étant de recueillir les consensus, ou de les former, ou de les fabriquer, au besoin en imposant l’idée d’un Homme Nouveau sans passé, sans racine, sans identité, pur tableau noir de mêmitude.
Redistribution des idées
Mais l’ère de l’acceptation absolue des logiques imposées par l’Occident semble déjà révolue. Les sociétés se fracturent, les légitimités s’effondrent, les libertés doivent reculer, la violence doit remplacer l’ancienne adhésion. Le coût d’entretien et de reproduction du système devient colossal aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’expansion des contrôles, le trucage des élections par la propagande, la militarisation de la police, les censures, la marche vers la guerre.
Les valeurs européennes ont cessé d’attirer le reste du monde, notamment parce que l’Europe est devenue financièrement turbulente et pervertie.
Une personne, une société, tout comme un Etat au niveau régional et mondial, ne peuvent exister sans une idée qui les unit ; donc, en l’absence de grandes idéologies, des micro-idées ont commencé à apparaître au 21e siècle, conçues pour remplir en quelque sorte le vide. Ceci explique la mutation de la négativité marxiste matérialiste fondée sur le travail et son exploitation en négativité tous azimuts. Tout le monde contre tout le monde et, finalement, la pente accélérée de nos sociétés vers la dislocation masquée par la prédominance croissante du simulacre et de l’irréalité.
Le système bipolaire est resté, le monde est toujours divisé en « noir » et « blanc », mais il y a une multitude de « noir » et de « blanc », de « bon » et de « méchant », seulement il a éclaté, il s’est pulvérisé et il s’est enfoui, in-conscientisé.
Nous assistons à une ère de redistribution des idées, à des recombinaisons qui auraient semblé absurdes autrefois, à des glissements de significations qui font que le langage et son sens cessent d’être communs. Nos représentations se fracassent angoissantes et violentes. C’est tout naturellement que nous fabriquons des ennemis, nos ennemis. C’est venu presque sans que nous en rendions compte. Comme une nouvelle évidence.
Il y a une grande guerre, mais maintenant ce ne sont plus seulement les territoires et les ressources qui sont une fin.
Non. Aujourd’hui, on se bat, ils se battent pour les orientations du monde de demain.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
Bonsoir.
Parfait ! Parfaite synthèse comme chaque fois. Pas besoin de traduction, ni de gamberge . C’est du petit sucrain!
Merci.