Après plusieurs journées de hausses records sans vraie raison, les Bourses s’orienteraient-elles vers leurs niveaux du début de l’année ?
Le rally haussier du 10 novembre 2022 restera dans les annales boursières comme l’un des plus colossal short squeeze du XXIe siècle, et l’un des plus improbables de l’histoire des marchés.
Les précédents contrepieds haussiers de plus de 5% en une séance sont survenus soit lors de capitulations majeures du marché (mars 2003, mars 2009, janvier 2019), ou en conclusion d’une vague de baisse intermédiaire après un trou d’air de 15 à 20%.
Une hausse de 1 200 points du Dow Jones, alors que cet indice venait déjà d’en reprendre 4 000, c’est du jamais vu.
Surtout, c’était la seconde inversion de polarité de magnitude 9 sur une échelle de 10 en moins de quatre semaines (après le coup de massue sur le VIX orchestré par la Fed le 13 octobre dernier).
Le S&P 500 a connu sa plus forte hausse de l’histoire (140 ans) consécutive à la publication d’un chiffre d’inflation.
C’est également la plus forte pour le Nasdaq (7,5%) depuis qu’il existe (environ 50 ans) en réaction à une statistique macroéconomique américaine, peu importe sa nature.
Modération de l’inflation
En l’espèce, une inflation inférieure de 0,2% par rapport aux anticipations, ce n’est pas – et de très loin – le plus gros écart mensuel enregistré en la matière depuis les années 1980. De surcroît, cette inflation progresse tout de même de 0,4% d’un mois sur l’autre.
L’impression de soulagement provient en fait d’un « effet de base » moins défavorable que le mois précédent, mais surtout, cette modération est en partie politique, puisque l’administration démocrate a largement puisé dans les stocks stratégiques de carburant pour limiter la hausse du prix à la pompe – un des sujets de préoccupation majeurs des ménages américains – en amont des élections de mi-mandat.
Cette version américaine du « bouclier énergétique » ne sera pas redéployée au mois de novembre si le cours du baril se remet à flamber : les stocks d’essence et de fioul sont plus bas depuis le début des années 1980 et les réduire davantage mettrait les Etats-Unis en grand danger.
Mais les variations des indices boursiers ne sont que l’écume des choses en termes de déplacement de masses de capitaux… Cliquez ici pour lire la suite.
Mais les variations des indices boursiers ne sont que l’écume des choses en termes de déplacement de masses de capitaux – et de pertes potentielles pour des opérateurs qui se trouvent à contre-tendance. Les 36 heures de transactions à cheval sur les séances des 10 et 11 novembre furent également historiques sur le Forex, le marché des changes – qui représente des dizaines de fois les volumes traités sur les actions.
Des rumeurs font trébucher le dollar
Le Dollar Index, passé de 111 à 106,3, enregistre l’une de ses plus grosses chutes en 36 heures au XXIème siècle, si ce n’est la plus grosse en 4 heures prises en continu… et c’est assurément la plus spectaculaire depuis le printemps 2009.
Le dollar a effacé tous ses gains depuis le 16 août dernier et affiche une perte de 4,5% en une semaine. Un tel écart sur un mois serait déjà impressionnant ; là, c’est à couper le souffle.
Les cambistes qui étaient « short » €/$ ou £/$ ont vécu une séance de cauchemar le 10 novembre avec 2% de chute entre 14h30 et 18h… avant que les pertes ne doublent au cours des 24 heures suivantes.
Le dollar a soudain perdu son statut de refuge, avec une telle célérité que bon nombre d’observateurs se sont demandés si certains initiés n’avaient pas eu vent de tractations secrètes entre la Russie et l’Ukraine – sous la pression de la Maison-Blanche – qui auraient pu déboucher sur une annonce de cessez-le feu et l’entame d’un processus de paix entre l’Otan et la Russie (qui croit que Kiev décide de quelque chose en la matière).
Mais il n’y a que des rumeurs – parfaitement invérifiables – au sujet de l’Ukraine, tout comme il y avait des rumeurs – tout aussi invérifiables, mais célébrées par une véritable euphorie haussière 48 heures auparavant – concernant le renoncement de Pékin à la stratégie « zéro Covid ».
La Chine garde sa ligne
Qu’en est-il en réalité (car la réalité, c’est ce que combattent les marchés) ? La Commission nationale de la santé chinoise (NHC) a fait savoir ce samedi 12 novembre qu’elle va continuer « d’affiner ses mesures de contrôle du COVID-19 » et réaffirme qu’elle « ne doit pas relâcher les initiatives nécessaires de prévention de l’épidémie ».
Cet avertissement a été zappé par les marchés, alors que le NHC observait que les infections ont atteint leur niveau le plus élevé depuis fin avril (10 800 cas officiels en 24 heures dans le pays), avec des taux « alarmants » (1 pour 10 000 habitants, voire moins) dans des villes clés comme Pékin, Guangzhou et Chongqing.
La ville de Hunan est carrément confinée et ses habitants invités à rester enfermés chez eux : la vie s’y est littéralement arrêtée en quelques minutes, comme lors des précédents exemples ailleurs en Chine.
Les mesures d’assouplissement annoncées le vendredi 11 incluent des périodes de quarantaine raccourcies de 10 à 8 jours pour les voyageurs entrants dans le pays et les personnes en contact étroit avec des cas positifs (très majoritairement asymptomatiques), donc les cinq premiers jours dans une « installation centralisée ».
C’est-à-dire un véritable camp d’internement (avec interdiction formelle de tenter de s’en échapper) pouvant héberger des… centaines de milliers de citoyens, testés 2 fois par jour, dépouillés de l’intégralité de leurs droits humains les plus élémentaires, comme s’ils étaient porteurs d’une nouvelle forme de la Peste noire, et non d’un virus qui tue relativement peu, et d’autant moins chez les moins de 50 ans en bonne santé.
Ouragan ou rally ?
Wall Street semble tellement déconnecté du réel que Jamie Dimon a ressorti sa métaphore sur les ouragans (évoquée la 1ère fois en juin) aux journalistes du quotidien économique japonais Nikkei : « La tempête potentielle, comprend l’inflation, des taux d’intérêt plus élevés, le resserrement mondial, le resserrement quantitatif et l’effet de la guerre en Ukraine sur l’économie mondiale, en particulier les prix du pétrole, les prix des denrées alimentaires, les problèmes de chaîne d’approvisionnement, etc. Toutes ces choses sont bel et bien arrivées. »
« Ce sont des questions très sérieuses que nous avons dû traiter et nous ne savons toujours pas quelle sera l’issue. »
Et d’ajouter : « Le monde pourrait bientôt connaître d’autres ‘surprises’, comme le quasi-effondrement des fonds de pension britanniques. »
Du coup, le CAC40 ne perd plus que 7,7% et le Dow Jones 7% sur l’année : c’est ce qui se produit généralement au bout de 3 ou 4 hausses des taux de 25 points de la Fed !
Cette année, c’est juste 4 fois plus… Donc le marché aurait tort de s’arrêter en si bon chemin, vers une année sans gain ni perte. Il en a déjà accompli les deux tiers en quatre semaines, le tiers restant sera une formalité d’ici Noël.
Et pourquoi pas un rally de fin d’année, si la Chine réduit ses quarantaines à 7 jours ou si les bénéfices des entreprises du CAC 40 attendus en 2023 sont révisés à la baisse de 24% au lieu de 25% ?
La faillite frauduleuse de la plateforme de trading de cryptos FTX est une excellente nouvelle pour les actions : les 200 Mds$ que cela fait perdre aux investisseurs en 48 heures (la capitalisation de l’ensemble des crypto-actifs est ainsi passée en un an de 3 000 Mds$ à 825 Mds$) leur servira de leçon et démontre que rien ne vaut un marché bien régulé.