** Mardi, les forums boursiers européens et les salles de marché nord-américaines ne traitaient que de l’initiative de Warren Buffett en matière de garantie des municipal bonds qui constituent le coeur de métier, et les actifs les plus solides, des réassureurs de crédit.
Nous avons aussitôt mis en lumière le côté rassurant du montage pour les marchés financiers ; mais nous avons aussi souligné les effets pervers que cela pourrait engendrer pour les monoliners. Ils demeurent en effet tout aussi vulnérables à la crise des dérivés de créances immobilières. Wall Street n’a d’ailleurs pas tardé à tenir le même raisonnement : Ambac Financial et MBIA — les deux leaders du secteur — ont été proprement laminés mardi soir (-15% en clôture). Quant au troisième larron, dénommé MGIC, il dévissait à son tour de 15% ce mercredi et perdait 25% en quatre jours.
La mainmise potentielle de Berkshire Hathaway sur le marché des émissions obligataires des collectivités locale s’apparente en quelque sorte à un baiser de la mort. Les victimes potentielles se sont rapidement mises à la recherche de solutions alternatives et le milliardaire Wilbur Ross envisage de prendre une participation — plutôt qu’une captation d’actif — dans les principaux rehausseurs en mal de fonds propres.
La presse occidentale insiste beaucoup sur l’exposition des principales banques — européennes ou américaines — aux déboires de leurs partenaires obligés sur le segment des prêts subprime. Mais nous avons, quant à nous, une pensée émue pour les acheteurs finaux, parmi lesquels se trouvent beaucoup d’institutions financières asiatiques et chinoises.
** Justement, nous redoutions un peu la reprise des cotations à Shanghai après une semaine de festivités dédiées au début d’un nouveau grand cycle du bestiaire symbolique chinois — qui s’inaugure tous les 12 ans avec l’année du Rat. La bourse de Hong Kong avait chuté de 5,4% le 7 février dernier puis de 3,6% supplémentaires le 11 — avant de reprendre 1,3% le 12 février. Le risque était grand de voir Shanghai s’aligner sur sa consœur plus tournée vers l’international.
Mais la montagne d’angoisse et de mauvais présages boursiers n’a accouché que d’une souris — ou d’un raton — puisque le SSE n’a cédé que 2,37% hier, avant de reprendre 1% aujourd’hui même.
Même si le SSE avait chuté de 5% au cours des dernières 48 heures, il lui aurait été beaucoup pardonné. Compte tenu des intempéries qui paralysent le Nord-Est et le centre de la Chine, d’une inflation galopante à 7% et du risque de récession aux Etats-Unis, un tel score aurait été interprété comme un moindre mal.
Mais les spécialistes de l’Asie ont poussé un gros « ouf » de soulagement et les gérants européens se sont empressés de les imiter. La répétition du scénario catastrophe — le minikrach du 26 février 2007 — ne surviendra pas cette année avec 15 jours d’avance ! C’est même tout l’inverse qui se dessine, avec un bond tout simplement inespéré de 4% de Hong Kong et de Tokyo survenu ce matin.
** Paris a beaucoup hésité hier avant d’aligner une seconde séance de hausse consécutive — ce qui ne s’était plus produit depuis le 20 décembre 2007. Les volumes ont été relativement étoffés — 6,4 milliards d’euros — mais l’ambiance était toujours empreinte de grande volatilité. Le CAC 40 a en effet débuté en repli de 1% — plombé par Arcelor-Mittal qui dévissait de 5% — mais il affichait +0,9% peu après l’ouverture de Wall Street — gain initial de 1% tous indices confondus.
Les gains du CAC 40 se sont ensuite évaporés à une demi-heure de la clôture mais un ultime sursaut de 0,3% — aboutissant à un score final de 4 855 points — a permis à la place parisienne d’afficher la seconde meilleure performance en Europe derrière Milan qui s’adjugeait 0,6%. L’Eurotop 100 clôturait, quant à lui, dans le rouge de 0,2% ; Francfort, Madrid et Amsterdam ont dû se contenter de +0,08%, Londres fermant la marche avec -0,5%.
Attendues avec une certaine appréhension, les ventes de détail américaines sont ressorties en hausse de 0,3% en janvier. Cependant, en seconde analyse, la satisfaction des opérateurs fut tempérée par le constat que ces mêmes ventes stagnaient hors carburant et hors secteur automobile.
Les statistiques économiques sont souvent affaire d’interprétation : les marchés avaient pris l’habitude depuis le 4 janvier de retenir l’hypothèse la plus pénalisante — simple manifestation de réalisme selon nos propres critères. A force d’agiter le spectre de la récession, de mettre en avant la menace de l’éclatement de la bulle des CDS — cela viendra en son temps, soyez-en convaincu — les dissensions au sein du G7, le credit crunch dans le secteur immobilier américain, la proportion d’opérateurs totalement « noirs » devait, en début de semaine, avoir atteint pas loin de 80% des acteurs du marché.
Selon une toute récente étude de Merrill Lynch — dévoilée ce week-end — auprès des gérants d’OPCVM, l’aversion au risque vient d’atteindre son plus haut niveau depuis le printemps 2001. En découle une succession de vagues de liquidation d’actifs dès que les indices faisaient mine de remonter de quelques dizaines ou centaines de points depuis le 22 janvier dernier –d’où le matraquage systématique des canards boiteux de la cote.
Nous ne soulignerons jamais assez le danger de calquer sa stratégie sur celle d’opérateurs embrassant un consensus univoque. Mais le moment nous semble également mal choisi pour jouer les héros ; la rapide dissipation des effets d’annonce — plan de relance fiscal de 170 milliards de dollars de G.W. Bush, baisse de taux de la Fed, projet de réassurance de ceux dont c’est le déjà le métier — démontre qu’il ne faut pas se fixer d’objectif trop ambitieux… et ce même si de nombreux éléments techniques nous ont conduit à privilégier sans désemparer l’hypothèse d’un rebond indiciel d’ici la prochaine réunion de la banque centrale américaine le 18 mars prochain.
Nous n’allions pas jusqu’à espérer que Tokyo et Hong Kong exploseraient de 4% alors que la croissance japonaise atteint +0,9% au quatrième trimestre 2007 — soit 3,7% en rythme annuel. Cependant voilà le genre de bonnes nouvelles auxquelles plus personne ne s’attendait… mais qui va remettre au goût du jour le concept du miracle asiatique.
Le soleil levant nippon devrait trouer pour quelques heures ou quelques jours les lourds nuages qui frangent le cyclone des dérivés de crédit.
Philippe Béchade,
Paris