Sur l’ensemble de la population, 90% touchent au total 3% des revenus du capital, tandis que les 10% les plus riches engrangent le reste. Ce retard impossible à rattraper crée des tensions économiques et sociales systémiques.
Nous avons vu hier que la classe moyenne ne pouvait pas exploiter la dette aussi profitablement que les élites.
Pour la classe moyenne, la dette ne fonctionne que si les revenus et la sécurité des revenus augmentent grâce à une amélioration de la productivité et à l’accès au capital productif.
Or, ces deux éléments sont en voie d’érosion : certains choix avisés pour les générations passées (comme emprunter pour aller à l’université ou s’acheter une maison) sont aujourd’hui de plus en plus souvent une voie rapide vers le servage.
La « solution » généralement invoquée au déclin de la quantité de capital producteur de revenus détenu par la classe moyenne est une économie aujourd’hui totalement dépendante des bulles spéculatives.
L’idée est de créer une bulle d’actifs encore plus grosse : les plus-values alors obtenues par les membres de la classe moyenne qui détiennent ces actifs compenseraient la perte de pouvoir d’achat et de la sécurité de leurs revenus.
Malheureusement, ce n’est pas exactement ce qu’il s’est passé…
Cette « solution » n’a enrichi que les 10% les plus riches, alors que les 90% restants ne collectent que trois maigres pourcents de tous les revenus du capital.
Des risques plutôt que des actifs
Dans les faits, cette disparité signifie que…
… Les 90% les moins riches, à laquelle appartient la classe moyenne, détiennent quasiment zéro capital producteur de revenus et…
… Le capital qu’ils détiennent effectivement est constitué soit de « trucs » qui se déprécient rapidement (véhicules, appareils ménagers etc.) et ne génèrent aucun revenu, soit d’actifs « morts » comme des maisons familiales qui coûtent une fortune mais ne produisent aucun revenu et ne sont plus des investissements fiables.
La prochaine explosion de la bulle pourrait provoquer une évaporation totale du capital des propriétaires fantômes généré par la série de bulles immobilières.
La classe moyenne stagne, donc les banques, les producteurs de biens et de services, la classe ouvrière aux salaires plus faibles qui travaille dans le secteur des biens et des services, et les producteurs à faible productivité stagnent également.
La classe moyenne est en train de se rendre compte que l’ascenseur social est en panne : il est facile de prédire un effondrement systémique.
Malheureusement pour ceux qui sont au sommet et ont immensément bénéficié des bulles spéculatives, ces dernières ne permettent pas de créer une classe moyenne en bonne santé : au contraire, elles précipitent sa chute.
Les grands gagnants des bulles spéculatives sont ceux qui ont la chance d’avoir acheté des maisons, des obligations, des propriétés à louer, des terrains etc. il y a des décennies maintenant, quand il était possible d’acheter une maison pour trois fois le revenu médian et quand les obligations permettaient des rendements solides qui dépassaient l’inflation.
Un retard impossible à rattraper
Les 90% les moins riches qui cherchent aujourd’hui à acheter des actifs productifs à des prix abordables se retrouvent le bec dans l’eau. Prenez par exemple une maison de 83 m² à Albany, en Californie, dans la région très prisée de la baie de San Francisco, achetée pour 135 000 $ en 1996, soit 3,8 le revenu médian d’un ménage américain.
Le premier épisode de la bulle immobilière a fait enfler sa valeur jusqu’à 542 000 $ en 2004, soit 12,2 fois le revenu médian d’un ménage américain. Avec la deuxième bulle, son prix a dépassé le million de dollars, soit 14,5 fois le revenu médian d’un ménage américain.
Les héritiers (ou ceux qui ont choisi une famille fortunée), les personnes qui gagnent plus de 250 000 $ par an, ou les spéculateurs qui ont fait de gros bénéfices grâce au Bitcoin ou à GameStop sont désormais les seuls à pouvoir s’offrir cette petite maison très modeste.
Voilà la conséquence des bulles spéculatives sur la classe moyenne : elle est laissée de côté sans aucune chance de rattraper son retard. Ceux qui ont acheté il y a 25 ans font désormais partie des 10% les plus riches en raison de l’augmentation de la valeur de leur maison liée aux bulles.
On trouve aussi dans ce casino quelques rares gagnants qui ont vendu quand les prix étaient au plus haut et font désormais aussi partie des 10% les plus riches, mais la vaste majorité des joueurs ne fait pas le poids face aux initiés, aux manipulateurs et aux pros, et finit par perdre pied. Voici pourquoi les 90% les moins riches ne collectent que trois maigres pourcents de l’ensemble des revenus du capital.
La classe moyenne s’est déjà effondrée, mais grâce à la dette et aux bulles, cette réalité a été temporairement masquée. Toutes les bulles finissent par exploser et toute dette excessive se solde par une banqueroute.
Quand ces conséquences finissent inévitablement par se produire, la réalité ne peut plus être dissimulée.