Si Joe Biden accède au pouvoir, cela fera-t-il une différence pour l’économie US – et cette différence sera-t-elle suffisante pour apaiser un pays ultra-polarisé ?
La pandémie continue de sévir dans tous les Etats-Unis avec des taux d’infection à des niveaux records, encourageant les gens à recourir au télétravail, à ne pas se rencontrer, voyager ou dépenser.
En conséquence, la reprise amorcée au cours de l’été s’est arrêtée dans son élan. Et il n’y a toujours pas de de vaccin efficace en vue.
Ci-dessous, un graphique des indicateurs suivant la reprise, on plafonne clairement :
Les investissements des entreprises dans les activités productives ne montrent aucun signe de reprise ; on prévoit que le retour à la trajectoire pré-pandémique de la croissance économique et de l’emploi ne se fera que dans plusieurs années.
Certains prévisionnistes vont même plus loin.
Racine carrée
Selon Oxford Economics, la croissance du PIB réel ne rejoindra pas du tout sa tendance précédente. Loin d’une reprise économique en forme de V, ou même d’une reprise en forme de U, c’est une trajectoire en forme de racine carrée qui se dessine.
Le scénario qui apparaît maintenant le plus probable : un marasme durable, ce qui est perdu est perdu.
Les Etats-Unis et d’autres grandes économies capitalistes semblent entrer dans une nouvelle phase de dépression, avec croissance séculaire durablement ralentie, investissements productifs anémiques, emplois à bas salaires et/ou chômage de masse.
Des dépenses keynésiennes en masse
L’équipe économique de Biden prévoit d’augmenter les dépenses du secteur public pour compenser la « grève des investissements » du secteur capitaliste : elle se traduit par des utilisations financières spéculatives sur les marchés d’actifs.
Biden propose de dépenser 2 000 Mds$ en travaux d’infrastructure, y compris des projets « d’énergie propre » ; un peu moins de 2 000 Mds$ pour l’éducation et la garde d’enfants ; 1 600 Mds$ pour les soins de santé ; 700 Mds$ en recherche et développement ; et 500 Mds$ pour la Sécurité sociale et le logement.
Cela représente un total de 6 800 Mds$, soit un peu plus de 30% du PIB actuel.
Ces promesses de dépense seront étalées sur plus de 10 ans ! Elles seront discutées et disputées.
La plupart des estimations estiment que les propositions de Biden seront réduites de 60%, à environ 3 000 Mds$ de dollars.
Les propositions de dépenses d’infrastructure et d’éducation seraient réduites de moitié, les propositions de dépenses de santé seraient abaissées de 60% et les propositions d’investissement dans la R&D seraient réduites des deux tiers.
Biden propose d’augmenter les impôts de 2 400 Mds$ sur dix ans (ou 1 200 Mds$ si les dépenses sont réduites).
Ainsi, près de la moitié des dépenses seraient récupérées en impôts.
La plupart des recettes fiscales proviendraient des revenus les plus élevés, en particulier ceux de la tranche au-dessus du million de dollars. En outre, l’impôt sur les sociétés passerait des 21% actuels sous Trump à 24%. Il n’y aurait pas d’augmentation des impôts fonciers pour les riches.
Dans l’ensemble, les dépenses nettes après les impôts les plus probables dans le cadre du plan Biden seraient d’environ 1 800 Mds$ sur 10 ans, soit 0,8% du PIB par an.
Un multiplicateur incertain
L’impact du plan reposera sur le fameux multiplicateur keynésien.
Ce multiplicateur, c’est l’augmentation de la croissance du PIB induite par une augmentation des dépenses publiques. La valeur du multiplicateur est très débattue et incertaine : d’après certains, il est inférieur à 1 !
Si nous supposons que le multiplicateur sera de 2, le plan de Biden stimulerait la croissance du PIB réel l’année prochaine de 1,5% à 2% au-dessus du taux de croissance actuellement envisagé sur la même période.
En mettant tout ensemble avec les mesures annexes diverses, Oxford Economics estime que les plans de Biden conduiraient à un taux de croissance du PIB réel de 4,9% à 5,7% en 2021 par rapport au status quo qui, sous Trump, serait de 2,3% à 3,7%.
Cela repose sur des hypothèses très généreuses à notre sens, mais peu importe : la « bidenomique » représenterait un maximum de 2% à 2,5% d’augmentation du PIB pour l’économie américaine au cours des deux prochaines années.
Au total, la trajectoire de croissance se régulariserait à 1,5% par an dans un avenir prévisible et à moins de 1% par an de croissance du PIB par habitant après prise en compte de l’augmentation de la population.
Est-ce suffisant pour restaurer le tissu social, calmer les mécontentements et rétablir la confiance ? Est-ce susceptible de réduire la bipolarisation du pays ?
Vous connaissez la réponse : non, bien sûr.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]