Certains se félicitent d’une reprise, d’autres examinent les chiffres de plus près et ont quelques doutes. Qu’est-ce qui pourrait déclencher la prochaine crise ?
Dans les crises précédentes, on utilisait quelques lettres de l’alphabet comme le W, le L, le U. Maintenant des économistes, jamais à court d’idées – même saugrenues – ont trouvé un nouveau profil, la sortie en racine carrée « √ » supposant toujours un rebond.
Certains, dont moi, s’abstiennent de parler de sortie de crise alors qu’on n’est même pas entrés dans le vif du sujet. Mais, après tout, comme il est à la mode de proposer une lettre ou un signe, je choisis le Z. Nous partons d’une situation sans croissance, comme nous l’avons vu hier ; nous descendons de plusieurs étages et nous sommes à nouveau sans croissance.
En mai et juin, 30% des Américains n’ont pas pu payer leur emprunt immobilier. Les annonces de licenciements se multiplient. Des fermetures de magasins et des faillites sont annoncées tous les jours.
L’épidémie semble même repartir en Chine, ainsi que dans d’autres pays où l’on croyait pourtant que c’était fini.
Mathématiques de base
Pour ceux qui se réjouiraient lors de la publication prochaine de chiffres qui auront l’air d’indiquer une forte reprise, je vais vous expliquer quelques notions mathématiques de base.
Lorsque l’on passe d’une base 100 à 30, la baisse est de 70%. Quand, par la suite, on vous annonce une reprise de 15% comme une forte reprise, cela représente 4,5 points de hausse. Vous restez à 65,5 points de baisse sur votre indicateur puisque votre référent est à 34,5. Vous pouvez vous réjouir de cette hausse, mais votre profil en V ressemble plus à mon profil en Z.
Mais revenons-en au marché.
Le price earning ratio (PER) sert à estimer la valeur d’une entreprise en fonction de ses bénéfices passés ou futurs en les comparant à sa valorisation boursière. Voici quelques chiffres pour vous montrer la déconnexion des marchés avec les résultats des sociétés.
Le PER 2019 du S&P 500 est de 21,4, celui sur les bénéfices estimés en 2020 est de 25, sachant que ces estimations incluent une forte reprise sur les troisième et quatrième trimestres. Malgré cela, ce PER global est un record historique.
Sur l’indice plus large du Russell 2000, plus représentatif de ce qui se passe réellement à l’intérieur des Etats-Unis, le PER 2019 est de 39 contre une moyenne historique de 19. Je n’ai pas à cette heure les prévisions pour 2020, mais il est assez facile de se faire une idée.
Le Russell est composé d’entreprises plus petites et moins internationales qui vont être encore plus sensibles à la conjoncture américaine. Il ne serait donc pas étonnant que le PER 2020 atteigne la bagatelle de 60 fois les bénéfices, voire plus. Un marché presque soldé ! A titre de comparaison, le PER de 2007 était de 24.
Ces ratios doivent vous donner une idée du potentiel d’effondrement boursier que nous avons devant nous.
Comment tenir jusqu’à novembre ?
Je crois aujourd’hui que toutes les barrières ont cédé. Après la publication scandaleuse des faux chiffres de l’emploi pour le mois de mai où, je vous le rappelle, le BLS avait oublié de comptabiliser la bagatelle de 4,7 millions de chômeurs américains, il n’est pas du tout impossible que le BEA nous annonce fin juillet un très bon PIB.
Les prévisions des différents bureaux d’études vont de -20% à -50%. Pourtant, ils sont capables d’annoncer un chiffre de -5% ou même de 0%, ce qui déclencherait une frénésie acheteuse de la part des algorithmes et des inintelligences artificielles et permettrait peut-être de tenir quelques semaines de plus.
Les tweets de M. Trump annonçant qu’il a trouvé le vaccin ou que le hamburger protège du coronavirus peuvent faire tenir les marchés.
Dès lors, deux choses peuvent déclencher l’effondrement des marchés. Des troubles sociaux avec des émeutes qui se multiplient (Dijon, Stuttgart, Minneapolis…) et forcent les banques et les commerces à fermer de nouveau, ou le virus qui prolifère et arrive au même résultat. On pourrait aussi imaginer des attentats sur notre sol, suivis de troubles comme détonateur.
A moins que cela ne se passe plus traditionnellement, avec une nouvelle sans importance particulière qui ferait déborder le vase, comme cela s’est passé en 2001. A l’époque, après des semaines de chiffres indiquant nettement qu’on était en récession, un chiffre sans importance avait entraîné l’explosion de la bulle internet.
Ces dernières semaines, tous ceux qui ont joué les marchés à la baisse ont perdu de l’argent. Tout le monde pense qu’il n’est plus possible de voir la Bourse baisser, que rien ne l’empêchera de continuer de monter indéfiniment. C’est souvent à ce moment-là, quand la confiance est au plus haut et que rien ne peut enrayer cette belle mécanique, que la catastrophe arrive…
Pour ceux qui ont de l’argent en Bourse, profitez de cette hausse pour vendre vos positions. Si vous prenez des positions vendeuses, ne prenez pas de levier et surtout attendez que le mouvement soit enclenché. De toute manière, on ne vend jamais au plus haut sauf coup de bol. Et il vaut mieux vendre l’esprit tranquille que dans un mouvement de panique.
Avec un Etat démissionnaire à tous niveaux, l’hypothèse de soulèvements sociaux des deux côtés de l’Atlantique reste malheureusement la plus probable. Peu importe si cela fait reculer les Bourses, cela laissera des marques autrement plus importantes dans la société qu’un krach, même majeur.
Pour ceux qui préfèrent voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, le seul point qui pourrait être positif dans cette histoire serait que cela aboutisse à dégager les équipes en place. Si le grand reset financier aboutit à un grand reset politique, nous n’aurons peut-être pas tout perdu. Cependant, si le premier est certain, le second ne l’est pas.