Un bol d’air frais, pour se changer un peu les idées en ces débuts de confinement. Retour à la finance dès demain…
Faites le dos rond. Gardez vos distances. Patientez. Appuyez sur « pause ».
Nous retournerons demain au monde de l’argent. En deux mots, il évolue de manière tout à fait prévisible.
La bulle a creusé un énorme trou. Les autorités essaient de le combler avec de l’argent facile. Les autorités peuvent stimuler les cours boursiers, mais peuvent-elles obliger les gens à réserver une croisière ou à embaucher plus de serveurs ? Nous en doutons.
Nous y reviendrons dès demain.
Duel pulmonaire
En attendant, votre correspondant a un long historique de problèmes pulmonaires. En cas de duel avec le coronavirus, nous parierions sur le microbe.
Pourtant, par pure chance, nous avons trouvé un refuge si lointain… mais si confortable et si magnifique…
… C’est comme si nous avions été assigné à résidence pendant trois mois – et nous en sommes ravi !
Et même ici, dans le lointain nord-ouest argentin, nous voulions nous arrêter dans un restaurant bien connu pour déjeuner – mais on nous a renvoyé.
« Un touriste français avait des signes d’infection », nous a expliqué un garde. « Nous avons dû fermer. »
Nous avons donc passé notre chemin, roulant de Salta à Cafayate (le centre de l’activité vinicole de la vallée de Calchaqui), puis remontant la vallée jusqu’au minuscule hameau de San Martìn.
Par endroits, la pluie avait emporté la route principale. Nous avons enclenché les quatre roues motrices et avons plongé dans la boue. Lorsque nous sommes enfin arrivé à la ferme, la rivière était trop haute pour traverser.
Généralement, quand l’eau monte autant, nous traversons à cheval, ou avec un tracteur. Mais vendredi, le niveau était si élevé… et le courant si fort… que ni l’un ni l’autre n’était possible.
Heureusement, une petite passerelle toute branlante a été construite un peu plus d’un kilomètre en contrebas. Elle était en ruines lorsque nous avons acheté la ferme. Elle a été réparée, mais reste un peu… artisanale.
Votre correspondant sur la passerelle
Elizabeth traverse la rivière
Nous avons traversé le pont et mis nos bagages dans une remorque, qui nous a ramenés à la maison.
La dernière partie du voyage
Un plan sans accrocs
Nous avons acheté les deux fermes de San Martìn il y a deux ans.
Elles avaient été abandonnées il y a 20 ans – mais il semblait que les anciens canaux d’irrigation pouvaient être nettoyés et les champs débroussaillés, de manière à pouvoir planter de la luzerne.
Notre bétail de Gualfin meurt quasiment de faim durant les années de sécheresse. Comme il existe une piste sommaire au travers de la montagne, de Gualfin à San Martìn, nous nous sommes dit que nous pourrions y amener les bêtes durant les mois d’hiver – elles auraient ainsi plus à manger. Lorsqu’elles n’y sont pas, nous coupons le fourrage et le mettons en rollos que nous pouvons transporter jusqu’à Gualfin en camion.
Pour l’instant, le plan semble fonctionner. Nous avons quelque 300 acres d’herbe verte ici… et les bouvillons que nous vendons sont désormais deux fois plus lourds qu’autrefois.
San Martìn comportait également une maison d’adobe écroulée. Elle ne servait à rien, mais elle était trop jolie – une vieille demeure coloniale, entourée de colonnes – pour la laisser à l’abandon. Nous avons donc mis une équipe locale au travail… en ne donnant qu’un minimum d’instructions.
La main d’oeuvre est bon marché, ici ; l’inflation a divisé notre coût en dollars par deux. Les matériaux sont locaux. Sols, murs et toits sont tous faits d’argile séchée (et de terracotta pour les sols). Les poteaux et les poutres viennent d’arbres que nous avons coupés. Et la majeure partie des tréteaux, pour le toit, étaient encore utilisables.
Il semblait donc que les travaux pour empêcher le bâtiment de s’effondrer resteraient simples et bon marché.
Mais les choses prennent souvent le mors aux dents – surtout lorsqu’on n’est pas là pour surveiller les travaux. Un « tant qu’à faire » en entraînant un autre… à notre arrivée, nous avons découvert qu’ils avaient reconstruit les vieilles ruines, les transformant en un endroit charmant, et même élégant, où vivre.
Interlude bucolique
« Quel bel endroit pour profiter de la fin du monde », a dit Elizabeth.
C’est comme si nous venions juste de nous lancer dans la vie. Pour seuls meubles, nous avons un lit… et un piano à queue, donné par notre avocat. Il prenait tant de place que son épouse voulait s’en débarrasser (du piano, pas de son mari).
Il y a de la « distanciation sociale » à ne plus savoir qu’en faire. Nous sommes dans une région sèche et dépeuplée. Nous sommes de l’autre côté d’une rivière traversée par une passerelle sur laquelle la plupart des gens ont trop peur de s’engager.
Personne ne fera « que passer ». Pas de facteur avec le courrier. Domino’s Pizza… Amazon… Uber Eats – nous sommes hors de portée de tout ça.
Nous n’avons aucune raison de partir. Nous engraissons nos veaux. Nous faisons pousser des oignons, de la laitue, des pommes de terre et des betteraves sur la ferme. Nous avons un puits pour l’eau. Et nous avons amené un petit stock de notre vin – assez pour nous durer quelques mois.
Pas de conférences. Pas de cafés. Pas d’apéritifs. Pas de présentations PowerPoint. Pas de réunions. Pas de cocktails. Pas de dîners en ville. Nulle part où aller. Rien à faire.
Quel superbe interlude ! Une bonne partie de notre vie se passe à gagner et dépenser – ici, nous ne pouvons faire ni l’un ni l’autre. Comment occuper nos journées ?
A un pas de l’éternité
Il y a quelque chose de romantique à être condamné à une période de vacances… d’oisiveté forcée… une pause dans le torrent de la vie. Cela vous donne le temps d’écouter… de réfléchir… de parler… de vous interroger.
Comme les moments que l’on passe dans un cimetière paisible… ou au bord d’un falaise… on n’est qu’à un pas de l’éternité.
Dans le Décaméron, l’auteur du XIVème siècle Boccace plante son décor dans une villa abandonnée, à la campagne, où dix jeunes gens se sont réfugiés pour échapper à la peste noire.
Pour passer le temps – c’était bien avant la télévision ou internet – ils se racontent des histoires, certaines si osées que les traducteurs durent les censurer.
Le classique du cinéma Casablanca se déroule lui aussi dans un endroit où de nombreuses personnes se cachent ou patientent… durant la Deuxième guerre mondiale.
Attendant leur visa… leur bateau… de l’argent – ils traînent au Rick’s Café Américain. C’est là que l’expatrié Rick Blaine prononce la réplique célèbre : « De tous les bars de toutes les villes du monde, il a fallu qu’elle entre dans le mien. »
Et nous voilà… attendant… et nous demandant comment tout cela va tourner.
3 commentaires
même situation, mais dans le Lot & Garonne..su obligado, quoi
Bonjour, et bravo.
Je vois que vous avez fait de belles choses.
Je suis né à la campagne ce qui me permet de mieux comprendre.
Revenir à la terre c’est également mon souhait .
Vous devriez également avoir quelques photos ?
Bravo encore.
Jean Claude Bazureault
Bonjour Bill,
Je me permets cette (petite) familiarité, car je vous lis depuis…plus de quinze ans je crois. Mais le temps passe si vite, et je ne me lasse pas de lire vos billets qui mélangent le roi dollar, l’or, et votre vie personnelle.
Chapeau Monsieur Bonner, « bon » confinement, et bon retour dans votre pays, et en France j’espère.
Bernard Bigarella