Les élections européennes sont désormais passées – le temps est venu de prendre un peu de recul pour analyser leurs répercussions à plus long terme.
Ca y est, l’Union européenne (UE) a commencé sa mue politique, qui va s’accélérer avec la poursuite des tractations entre Etats membres au mois de juin.
Après avoir permis aux citoyens européens de s’exprimer directement pour renouveler le Parlement, les élites politiques reprennent la main en vue de désigner un président du Parlement, une Commission, un président du Conseil européen, un haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité ainsi qu’un président de la BCE. On devrait voir des noms émerger d’ici la fin du mois.
Commençons tout de même par faire le point sur les résultats des élections européennes des 25 et 26 mai derniers.
Parlement européen : la fin de la « grande coalition »
Côté français, voici tout d’abord « la vraie façon démocratique de présenter le résultat » (comme l’appelle Bruno Bertez), c’est-à-dire en faisant apparaître ce que le peuple français dans son ensemble a pensé de l’offre politique.
Contrairement à ce que l’on a pu entendre sur les plateaux de télé à la publication des résultats (oui, je me suis résolu à m’infliger ça pour vous, cher lecteur), on a assisté à une nouvelle « victoire » de ceux qui ne jugent pas utile de faire le déplacement en bureau de vote : les non-inscrits et les abstentionnistes représentent au total 56% de la population en âge de voter.
Je vous passe les résultats en fonction des suffrages exprimés et la répartition des 79 députés français élus (que vous pourrez néanmoins retrouver ici) pour en arriver au vif du sujet, à savoir le nouveau visage du Parlement européen.
A priori, pas de changement spectaculaire en termes de coloration politique. On note un dégonflement de l’extrême gauche et de la gauche au profit des centristes et des écologistes, ainsi qu’un dégonflement de la droite à l’avantage des nationalistes (en particulier grâce au succès de la Ligue de Matteo Salvini en Italie). Cependant, on n’a pas pour autant assisté à un raz-de-marée à l’extrême droite du camembert parlementaire.
Si vous vous réjouissiez de la poussée des « libéraux et centristes », vous constaterez sur le graphique ci-dessous que l’on parle non pas de nouveaux Frédéric Bastiat, mais pour l’essentiel des élus LREM et de leurs camarades de jeu européens…
Et si vous vous demandez pourquoi il ne s’agit que de résultat « provisoires », cela vient du fait qu’à en croire le Parlement, au 6 juin – date de ce graphique –, les résultats n’étaient pas encore définitifs en Belgique, en Espagne, en Hongrie et en Italie. Ne me demandez pas pourquoi…
En termes de politique politicienne, le constat est cependant différent. Ces élections entérinent un changement majeur, comme l’explique Europe 1 :
« Le fait politique le plus important au niveau européen reste toutefois la fin de la grande coalition. Depuis 40 ans, la droite conservatrice et la gauche sociale-démocrate dominaient l’assemblée de Strasbourg. Mais lundi matin, ces deux familles n’ont plus la majorité à elles seules. Elles ne pourront plus se répartir les postes de pouvoir au niveau de l’Union.
Désormais, elles vont devoir compter avec un troisième et même peut-être un quatrième partenaire. […] Ce sont avant tout les centristes libéraux qui tirent leur épingle du jeu. Ils ont fortement progressé, ils ont plus de 100 sièges. Le groupe que vont rejoindre les élus de la liste ‘Renaissance’ se retrouve en situation de faiseurs de roi. Ils seront incontournables, notamment pour désigner le futur président de la Commission européenne. »
Bref, en dépit du fait que la liste qu’il s’était personnellement engagé à faire arriver devant celle du Rassemblement national n’ait terminé que deuxième, Emmanuel Macron n’a pas dû passer une si mauvaise soirée que cela le 26 mai.
Comme le constate Eric Verhaeghe, les élections européennes ont débouché sur une « relégitimation qui était loin d’être acquise » à « l’orléanisation macronienne ».
En tout cas en France. Car outre-Rhin, la presse a au contraire très largement souligné l’échec personnel du président. Les journalistes allemands ont volontiers souligné que nombreux ont été les électeurs déçus par Emmanuel Macron et ayant trouvé refuge chez les Verts, plaçant ainsi la liste Renaissance derrière celle du Rassemblement national.
« Vu d’Allemagne, Macron a perdu les élections et c’est important », résume Bruno Bertez.
A quoi sert le Parlement européen ?
Si vous vous êtes rendu dans un bureau de vote pour glisser dans l’urne le bulletin d’une liste dont le programme vous a séduit, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous. Malgré toutes les bonnes intentions affichées sur leurs professions de foi, les eurodéputés n’ont aucunement vocation à changer quoi que ce soit au niveau de la législation européenne.
Une fois qu’ils se seront prononcés sur la nouvelle génération de hauts dirigeants européens, ils subiront la situation comme nous autres citoyens ordinaires, et ce jusqu’au terme de leur mandat, comme l’explique Olivier Maurice :
« Soulignons au passage l’hypocrisie généralisée de l’intégralité des listes qui se permettent de présenter chacune des propositions concrètes dans leur programme alors que la Commission a le monopole de l’initiative législative. Toutes ces belles idées resteront donc au placard des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Inutile de savoir si une liste est libéral-compatible ou de s’affoler sur le socialisme forcené de ses propositions, celles-ci n’ont de toute façon absolument aucune chance de voir le jour. »
En somme, les eurodéputés ne sont guère mieux lotis que nous, citoyens en principe souverains mais à ce jour dépourvu de toute possibilité d’initiative législative (et dont les décisions ne sont pas systématiquement respectées les rares fois où l’on nous demande notre avis par référendum).
Voilà de quoi relativiser la gravité du chiffre de 44% d’abstentionnistes en France aux dernières élections…
Reste bien sûr à voir comment les députés fraîchement élus vont parvenir à faire leur vie entre eux au sein de leurs groupes respectifs.
Certains observateurs, comme Stéphane Montabert, s’attendent à ce que « le Parlement européen s’apprête à devenir ingouvernable – les blocs sont émiettés et même à l’intérieur de chacun, comme le PPE, les dissensions sont proches de la rupture. »
Mais, pour les raisons que nous avons vues, cela ne serait finalement pas bien grave. C’est dans d’autres sphères que sont prises les décisions qui comptent, comme nous le verrons bientôt.
1 commentaire
Toujours le verre à moitié vide,la démocratie statique,à aucun moment,lorsque l’on lit vos rubrjiques on ne s’étonne du ton et du sens de celles ci.À prêcher la misère,elle va vous rattraper….