Pour la nouvelle génération de leaders européens, la liste des défis à relever est longue, promettant un deuxième semestre mouvementé.
L’Union européenne (UE) se dirige vers un deuxième semestre très mouvementé sur le plan institutionnel. Les trois plus importantes institutions vont renouveler leurs dirigeants. Si l’on ignore les noms de cette nouvelle génération de leaders européens, la liste des défis qu’ils devront relever est quant à elle bien connue.
Renouvellement du Parlement européen, mais aussi de la Commission européenne
Les élections européennes se dérouleront du 23 au 26 mai (le 26 en France) ; nous y élirons nos députés européens pour un mandat de cinq ans. Par ailleurs, ce vote influencera également le choix du successeur à la présidence de la Commission européenne de Jean-Claude Juncker, lequel va avoir des dossiers très chauds à gérer.
Notez que j’ai écrit « influencera » et non « décidera ». Je m’explique.
Depuis 2014, le Conseil européen (c’est-à-dire les chefs d’État ou de gouvernement) propose au Parlement son candidat à la succession du président de la Commission « en tenant compte des élections au Parlement européen », conformément aux dispositions de l’article 17.7 du traité sur l’Union européenne (TUE).
Si le Conseil propose le candidat en tête de la liste qui a, au niveau européen, remporté les élections, alors en principe tout va bien puisque l’on est en plein dans la procédure du « Spitzenkandidat » (« candidat tête de liste »), et l’on peut s’attendre à ce que le Parlement élise ce candidat.
Les plus juristes d’entre vous auront sans doute relevé que « tenir compte des élections », cela est bien différent de « se conformer aux résultats des élections ». Par conséquent, si les chefs d’État ou de gouvernement sont mécontents des chiffres qui tomberont le 26 au soir, ils auront alors la possibilité de proposer le candidat de leur choix. Si ce dernier n’obtient pas la majorité absolue des voix du Parlement, alors rebelote : le Conseil doit proposer un nouveau nom sous un délai d’un mois.
Lors des dernières élections, le Conseil était amplement satisfait de la victoire du PPE, laquelle avait conduit la tête de liste du PPE Jean-Claude Juncker sur le trône de fer bruxellois.
Les résultats des élections à venir étant beaucoup plus incertains qu’en 2014, les chefs d’État ou de gouvernement, au premier rang desquels la France, ont entamé des tractations de coulisses.
Qui pour succéder à Jean-Claude Juncker ?
Aucun poste de direction au sein des institutions communautaires n’est aujourd’hui occupé par un ressortissant hexagonal. Pour ce qui est de la présidence de la Commission, Jean Quatremer indique sur Libération que Christine Lagarde serait en compétition avec Bruno Le Maire et Michel Barnier.
Le problème pour ce joli monde, c’est qu’il faudra également désigner dans la foulée un président du Parlement, un président du Conseil européen et un président de la BCE, ainsi qu’un ministre des Affaires étrangères de l’UE.
Sur Le Courrier des Stratèges, Éric Verhaeghe explique pourquoi il n’est pas certain que le successeur de Jean-Claude Juncker soit français :
« Tout ce beau linge fait peut-être des plans sur la comète. Personne en effet ne peut prouver que la France, qui a déjà exercé cette responsabilité à l’époque de Jacques Delors, pourra à nouveau l’exercer alors que tant d’autres pays nouveaux n’y ont pas accédé. Et si cela devait se faire, la contrepartie pourrait être lourde. En particulier, tout laisse à penser que l’Allemagne pourrait exiger la présidence de la BCE, et caser à ce poste stratégique un ‘faucon’ qui étranglerait ses voisins avec une remontée des taux. »
Mario Draghi quittera en effet ses fonctions au mois d’octobre. Si vous êtes un régulier de ces colonnes, vous savez que c’est avant tout à la BCE que se décide l’avenir de l’UE, et de votre patrimoine.
Quoi qu’il en soit de ces désignations à venir, la prochaine « génération » de dirigeants européens va avoir du pain sur la planche.
Brexit : le cirque continue
Au mois de janvier, tout le monde était persuadé que si aucun accord n’était trouvé entre la Grande-Bretagne et l’UE d’ici le 29 mars, on aurait alors droit à un « no deal-Brexit ».
Comme vous le savez, rien ne s’est déroulé comme on l’escomptait. La journaliste de Contexte Diane de Fortanier a parfaitement résumé les grandes lignes de cette histoire digne de la grande époque des Feux de l’Amour et autres Dynastie.
Aux dernières nouvelles, l’UE a accordé une nouvelle date butoir aux Britanniques afin d’aboutir à un accord. Comme cela a été le cas en 2018, la semaine d’Halloween 2019 pourrait être chargée en événements puisqu’il s’agit en l’occurrence du 31 octobre.
Conséquence cocasse, nos voisins britanniques participeront bien aux élections européennes dans deux jours… et ce même si, par miracle, il se produit un accord sur le Brexit d’ici là !
Les parlementaires européens fraîchement élus pour un mandat de cinq ans pourraient ainsi se retrouver aux côtés d’un raz-de-marée de collègues britanniques pro-Brexit, lesquels feraient le trajet jusqu’à Strasbourg et Bruxelles pendant cinq mois avant de définitivement rentrer à Londres.
A ce stade, on ne sait plus trop si l’on doit parler de cirque ou de film d’horreur.
Deal? No deal?… No Brexit?!
En politique comme dans les meilleures (et les pires) œuvres de fiction, on n’est jamais à l’abri d’un retournement de situation inattendu.
Des commentateurs très sérieux comme Natixis envisagent en effet l’idée que le Brexit soit finalement remis au placard. On assisterait alors au scénario « Hotel California », comme l’appelle Bruno Bertez.
Pour en arriver là, il faudrait que les Britanniques soient convaincus des deux conséquences suivantes, telles qu’anticipées par l’équipe de Patrick Artus :
« Un Brexit sans deal mettrait durablement le Royaume-Uni en récession, avec le rapatriement massif d’emplois industriels [dans l’industrie automobile et dans l’industrie aéronautique] vers l’Union européenne.
Le maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière nécessite absolument, du point de vue de l’UE, que le Royaume-Uni adopte les normes techniques, sociales, environnementales de l’UE, que le Royaume-Uni utilise les règles du commerce et de la concurrence de l’UE ; ceci est inacceptable pour le Royaume-Uni qui veut pouvoir signer des accords bilatéraux de commerce avec d’autres pays. »
Et Natixis de conclure : « Aucune solution avec Brexit (sortie) n’étant envisageable, il ne reste que la solution de ne pas sortir. »
Et l’intérêt de la France, dans tout ça ?
Cher lecteur, prenez un instant pour considérer le graphique suivant :
A votre avis, qui est l’allié naturel de la France, si d’aventure cette dernière entend faire valoir son intérêt national au sein de l’UE : l’Allemagne… ou le Royaume-Uni ?
Si vous croyez encore à la fable du couple « franco-allemand », alors vous serez sans doute intéressé de me retrouver demain.